« Malgré les efforts déployés pour mettre en œuvre le principe d’égalité en France, les discriminations persistent. Ceci démontre qu’un nombre d’engagements majeurs de la République ne sont toujours pas tenus dans ce domaine crucial pour la cohésion sociale et les droits de l’homme », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l’issue d’une mission de cinq jours en France.
L'intolérance progresse et se manifeste par une recrudescence des discours et des actes racistes, antisémites, antimusulmans et homophobes. Le solide cadre juridique qui permet de réprimer ces phénomènes devrait être complété par davantage de mesures de prévention et de sensibilisation, notamment des usagers d'Internet, où le discours de haine se développe. « La classe politique, tant au niveau national que local, a une responsabilité particulière en matière de lutte contre l'intolérance et les discriminations. Ses membres ne doivent pas seulement s'abstenir de tout propos stigmatisant ou discriminatoire. Ils doivent aussi condamner clairement et fermement tous les propos haineux et promouvoir l'égalité. »
Les immigrés et les demandeurs d'asile subissent de plein fouet l'intolérance et doivent, en outre, affronter des conditions de vie très difficiles. “Je suis très inquiet de constater que de nombreux demandeurs d'asile ainsi que des mineurs isolés étrangers ne bénéficient pas des conditions minimales d'accueil et se retrouvent dans des dispositifs d'hébergement d'urgence inadaptés à leur situation, voire à la rue. Je suis particulièrement attristé par la situation des demandeurs d’asile afghans sans abri que j’ai rencontrés avant-hier dans le nord de Paris”, a noté le Commissaire. S'agissant de l'asile, le Commissaire Muižnieks a également déploré la faible participation de la France au programme de réinstallation des réfugiés syriens. Il a invité les autorités à permettre aux 500 personnes qu'elles se sont engagées à accueillir de gagner rapidement le territoire français et à prendre des engagements pour l'accueil de nouveaux réfugiés syriens. Il a aussi appelé la France à veiller à ce que la simplification et l'accélération annoncées des procédures d'asile ne se fassent pas au détriment des garanties procédurales et des droits des demandeurs d'asile. « Une série d’arrêts récents contre la France de la Cour de Strasbourg démontrent la nécessité d’examiner de manière plus approfondie les demandes d'asile et d'améliorer la qualité des décisions rendues par les juridictions françaises dans le domaine de l’asile ».
Les Roms migrants sont, eux aussi, particulièrement victimes de l'intolérance. Il s'agit pourtant d'une population réduite – moins de 20 000 personnes sur l'ensemble du territoire français – et apparemment stable depuis de nombreuses années. Leurs besoins fondamentaux ne sont pas différents de ceux de toutes les personnes en situation de grande précarité: accès au logement, aux soins, à l'éducation et à l'emploi. Selon le Commissaire Muižnieks, “il faut mettre un terme aux évacuations forcées de bidonvilles non accompagnées de solutions durables d'hébergement car ces évacuations ne font que déplacer et amplifier les problèmes. Il est, en outre, impératif de donner la priorité à l'accès de tous les enfants Roms à l’école. Il n'est pas acceptable que dans un campement comme celui où je me suis rendu à Marseille, aucun des 25 enfants qui y vivent depuis près de deux ans ne soit scolarisé” a-t-il ajouté.
Le Commissaire Muižnieks s'est également inquiété de la situation des Gens du voyage, qui continuent à rencontrer d'importantes difficultés du fait du nombre insuffisant d’aires d'accueil, malgré l'existence, depuis 1990, d'une loi visant à assurer la mise à disposition de telles aires. Il a encouragé les autorités à s'assurer que les communes respectent leurs obligations en la matière et à poursuivre les réformes en vue de l'abolition des dispositions dérogatoires au droit commun, comme celles concernant le livret de circulation et la commune de rattachement, qui s'appliquent encore aux Gens du voyage.
Enfin, le Commissaire a examiné la situation des personnes handicapées. Il a noté avec satisfaction la priorité donnée, dans les politiques publiques, à l'autonomie et à l'inclusion dans la société. Toutefois, il a déploré que cette priorité peine encore trop souvent à être mise en œuvre en pratique et que les personnes handicapées continuent de subir de nombreuses discriminations. “Les enfants handicapés doivent, comme tous les enfants, jouir pleinement et effectivement du droit à l'éducation. J'invite instamment les autorités à déployer tous les moyens nécessaires pour assurer la scolarisation de tous les enfants handicapés et à poursuivre les efforts entrepris afin de favoriser leur scolarisation en milieu ordinaire” a-t-il déclaré. Il a également encouragé les autorités à donner plein effet à la loi de 2005 sur le handicap en soulignant qu’il reste toujours d'importants progrès à accomplir pour garantir l'accessibilité des lieux recevant du public. « Les autorités françaises doivent veiller à ce que les reports des aménagements nécessaires à l’accessibilité soient strictement limités en nombre et en durée ». Le Commissaire a, de plus, regretté que, « malgré les condamnations de la France par le Comité européen des droits sociaux, au moins 6 000 personnes handicapées françaises restent toujours placées dans des établissements en Belgique » et a incité les autorités à accroître leurs efforts afin de proposer à toutes les personnes handicapées un accompagnement adapté à leur situation.
Le Commissaire publiera prochainement un rapport sur sa visite en France.