Colloque : « Culture européenne : identité et diversité »
Strasbourg, France
8-9 septembre 2005
Intervention de Mme Katérina Stenou, Directrice de la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel, UNESCO (Table Ronde II)
Cette séance consacrée au thème « Diversité culturelle et cohésion sociale » intéresse au plus haut point l’UNESCO qui considère qu’il s’agit là d’un des défis majeurs de notre époque.
On a pu remarquer, en ce début de troisième millénaire, le dualisme des forces de mondialisation et de fragmentation aboutissant à un monde de plus en plus homogène au niveau global et, de plus en plus hétérogène au niveau local.
En d’autres termes, nos sociétés doivent cultiver «le droit à la différence», alors que les communautés revendiquent «le droit à la ressemblance», fondateur de leur identité. Forte de ce constat, l’UNESCO qui, depuis sa fondation, cherche à promouvoir le respect de « la féconde diversité des cultures » du monde, a ouvert un nouveau chantier avec la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée en 2001, et a préparé, pour être soumis à la prochaine session de la Conférence générale, un projet de Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques.
La diversité culturelle n’incarne pas seulement une mosaïque d’identités plurielles ; elle est aussi la force et le principe de toute transmission d’un héritage que chaque individu, chaque groupe, doit faire fructifier par des créations qui peuvent être déclinées à l’infini. La diversité culturelle nous renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leurs expressions. Elle révèle les capacités de l’esprit humain à imaginer de nouvelles formes de vérité, de beauté et de justice. Elle devient ainsi le facteur qui porte à leur puissance maximale la mémoire, l’imagination et l’innovation.
La culture ne prédétermine pas les individus, encore moins leurs comportements. Elle peut cependant devenir un facteur d’identification a posteriori, lorsque l’exclusion économique, sociale ou politique frappe plus particulièrement certains groupes précis. Elle devient un refuge pour des individus « désaffiliés ».
La culture n’est finalement pas en elle-même facteur de divisions. Et ce, parce qu’elle n’est pas une entité figée et statique.
Pour que le pari du « vivre ensemble » soit gagné, il doit s’ancrer dans une société qui soit suffisamment souple pour redéfinir, chaque fois que cela est nécessaire, les bases de son contrat social et culturel. Toute communauté politique est construite sur certaines valeurs communes. Ces valeurs, parce qu’elles correspondent à un moment historique déterminé, ne sont pas figées. Une société doit être capable de les revisiter, de les redéfinir. Ce qui est en jeu, derrière la problématique, c’est la construction d’une communauté civique, non seulement plurielle mais pluraliste.
Pour parvenir à l’objectif suprême, celui de la cohésion sociale, il faut concevoir un grand chantier du dialogue. Ce chantier doit prendre en compte non seulement les fondements historiques de chaque culture mais aussi une analyse actualisée des aspirations des individus et des groupes. C’est ainsi que le recours au culturel de plus en plus constant pour pallier les carences démocratiques, ou pour répondre aux malaises sociaux, trouvera sa pleine justification. La culture, dans sa diversité, trop souvent considérée comme cause de conflits, lorsqu’elle est instrumentalisée à des fins partisanes, que celles-ci soient ethniques, religieuses ou autres, doit devenir facteur de paix aux termes d’une construction volontariste fondée sur un dialogue permanent.1