Retour Melitopol - Le Forum de Melitopol 2015 lance la stratégie interculturelle de la ville pour 2015-2020 et marque le début d’une nouvelle ère dans le développement du réseau national des Cités interculturelles en Ukraine

Le développement de l'interculturalité
Melitopol - Le Forum de Melitopol 2015 lance la stratégie interculturelle de la ville pour 2015-2020 et marque le début d’une nouvelle ère dans le développement du réseau national des Cités interculturelles en Ukraine

Le concept interculturel

Les 28 et 29 septembre 2015, la ville de Melitopol a accueilli un deuxième forum interculturel, un an après une première manifestation intitulée « Melitopol, cité interculturelle symbole d’une Ukraine unie et intégrée ». Le thème de l’édition de cette année était « Revisiter le concept des Cités interculturelles dans la réalité ukrainienne actuelle ».

En effet, on aurait pu penser que cette « réalité » – on ne peut mieux représentée par le point de contrôle militaire fortifié situé à l’extérieur de Melitopol, à l’intersection avec la route de Marioupol, ville à l’importance stratégique qui se trouve à un peu plus de 200 km – ferait apparaître tout débat sur l’interculturalisme au mieux comme hors de propos et au pire comme illusoire. Le conflit localisé dans la région du Donbass continue de couver, et tout juste deux jours après la fin de l’événement organisé à Melitopol, des membres de la Garde nationale ont été tués lors d’affrontements avec des manifestants nationalistes devant les locaux du Parlement à Kiev, pendant un débat houleux entre les élus sur les modalités de la décentralisation qui devrait, on l’espère, alors qu’elle s’applique dans l’ensemble de l’Ukraine, calmer les tensions séparatistes dans la partie la plus orientale du pays.

Pourtant, la deuxième édition du forum a été plus importante et plus ambitieuse que la première, qui était pour l’essentiel une table ronde réunissant principalement pour une première discussion des acteurs locaux, notamment des représentants de la municipalité ou du milieu universitaire, et de diverses associations de minorités dans une ville comportant plus de 100 origines ethniques. La manifestation de 2015 a renforcé la concordance naturelle entre l’idée d’interculturalisme, tout d’abord introduite dans le Livre blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel de 2008, qui présentait le réseau des Cités interculturelles comme un terreau pour les bonnes pratiques, et l’expérience historique de Melitopol, caractérisée par une situation de coexistence spontanée considérée comme allant de soi. Le deuxième forum a naturellement mis en avant un autre modèle pour l’Ukraine, dépassant le clivage stéréotypé entre locuteurs de l’ukrainien et du russe, entre l’ouest et l’est : comme Kseniya Khovanova-Rubicondo, experte en politique interculturelle auprès du Conseil de l’Europe, l’a déclaré lors du forum, dont les participants étaient réunis dans l’hôtel de ville, l’interculturalisme consiste à « faire tomber les barrières entre les personnes ».

En 2015, l’attention s’est portée sur la traduction de l’engagement interculturel de Melitopol dans un plan pratique et sur la diffusion de ce message dans l’ensemble de l’Ukraine. Pour cette édition, le forum a compté plus de 150 participants, parmi lesquels figuraient en particulier des représentants de communes de toute l’Ukraine, en vue de mettre en place un réseau national fonctionnel de cités interculturelles, comme cela a déjà été fait en Espagne, au Portugal, en Italie et en Norvège. La nouvelle stratégie (plan) interculturelle de la ville, dont l’élaboration en étroite consultation avec l’experte du Conseil de l’Europe Kseniya Kovanova-Rubicondo a impliqué 120 personnes, a été présentée aux participants, dans l’espoir qu’elle constitue un modèle qui pourra faire des émules.

L’un des enseignements tirés de l’expérience du réseau des Cités interculturelles est que le rôle des responsables politiques est essentiel pour le succès de l’approche interculturelle, et ce pour deux raisons : tout d’abord, sa nature intrinsèquement « transversale » implique qu’elle peut relever de la compétence de plusieurs services municipaux, aucun d’entre eux n’en prenant la responsabilité, à moins que le maire n’indique clairement qu’elle est de la responsabilité de tous ; ensuite, l’interculturalisme peut sembler abstrait et éloigné des préoccupations du quotidien, à moins qu’il soit clairement présenté à la population par les autorités élues. De manière significative à cet égard, le maire de Melitopol, Sergiy Minko, s’est félicité de constater la présence de figures centrales de sa municipalité au sein du forum, a ouvert une séance à l’hôtel de ville en exprimant son soutien à la participation de Melitopol au programme des Cités interculturelles et s’est joint aux participants de manière informelle le deuxième jour du forum. L’adjoint au maire délégué à la culture et des représentants du service de développement stratégique ont assisté à la manifestation dans son intégralité.

M. Minko a établi un lien entre la stratégie d’intégration de la ville et « l’innovation », soulignant que le plan de Melitopol a été conçu grâce à l’esprit d’entreprise de ses citoyens, quel que soit leur domaine professionnel : secteur public ou privé, ou institutions culturelles, éducatives ou gouvernementales. Il a insisté sur le fait qu’il est essentiel que l’interculturalisme aide une ville comme Melitopol, qui a une forte tradition d’ingénierie, à trouver la voie de la modernisation économique, notamment en contribuant à attirer et à retenir le personnel qualifié nécessaire pour être compétitive dans une économie mondialisée. Dans le contexte des graves difficultés auxquelles l’Ukraine fait face, s’agissant non seulement des troubles politiques mais aussi de la désindustrialisation post-soviétique et de la corruption chronique, cette question reste bien sûr un défi.

Le deuxième enseignement retenu par le réseau des Cités interculturelles est l’importance de l’université pour les stratégies interculturelles, qui a fait l’objet d’un séminaire très intéressant organisé par le réseau en mai à Oslo. L’interculturalisme n’est pas un long fleuve tranquille : une gestion satisfaisante de la diversité présente des défis, pour lesquels l’expertise des universitaires en matière de résolution de problèmes peut être utile. De la même façon que lors du forum précédent, cette manifestation a eu lieu en partie à l’université de Melitopol, et la participation du recteur et d’autres universitaires traduit un engagement clair de la part de cette institution vieille de 90 ans, non seulement envers la ville, mais aussi, en particulier, envers son cheminement interculturel.

Stratégie interculturelle de Melitopol 2015-2020

Le « Plan d’intégration interculturel de Melitopol 2015-2020 » s’inscrit dans le cadre non seulement du réseau des Cités interculturelles, mais aussi de la Stratégie de développement de Melitopol, qui partage la même date d’échéance que le plan. Ce point est précieux pour permettre à toutes les actions de la municipalité d’être envisagées selon une « perspective interculturelle » et pour créer un lien avec un public plus large. Cette approche est similaire à celle adoptée par de nombreuses autres villes membres du réseau des Cités interculturelles, comme la ville irlandaise de Limerick ou la commune serbe de Subotica, où l’on considère que la stratégie interculturelle est imbriquée dans la stratégie globale de développement durable de la ville.

Le réseau des Cités interculturelles a toujours cherché à tirer profit du fait que « la diversité est un atout », et le plan d’intégration de Melitopol concrétise le thème de « l’innovation » mis en avant par le maire, décrivant ses principaux objectifs en matière de recherche de talents comme suit : « créer les conditions et les nouvelles perspectives pour instaurer une société dynamique, inclusive et véritablement interculturelle avec la participation de tous les résidents, sans distinction d’origine ethnique, d’âge, de religion, de sexe ou de niveau d’éducation ». Le plan s’articule autour de cinq thèmes stratégiques :

  • sensibilisation transculturelle, éducation et communication interculturelle ;
  • promotion d’activités sociales, soutien économique et conseils en faveur du développement interculturel ;
  • planification interculturelle et aménagement créatif de l’espace urbain ;
  • politique d’accueil de la ville et pratiques culturelles et spirituelles de la communauté ; et
  • tourisme et études régionales, facteurs d’intégration dans la cité interculturelle.

Chacun de ces thèmes est associé à un certain nombre d’objectifs organisationnels spécifiques et de tâches qui en découlent. Pour chaque tâche sont définis un acteur responsable, un échéancier et des résultats envisagés.

Le plan doit être mis en œuvre par un groupe de travail approuvé et présidé par le maire. Il prévoit la participation d’une grande diversité d’acteurs locaux et extérieurs, bien que la représentation des entreprises qui est envisagée ne soit pas accompagnée de celle des syndicats et des organisations du troisième secteur. Il sera essentiel, comme ailleurs, que le plan bénéficie du soutien d’organisations non gouvernementales ainsi que de leur engagement dans son exécution sur le terrain.

Développement du réseau national des Cités interculturelles

Dans une certaine mesure, le forum de Melitopol était symbolique pour « Revisiter le concept des Cités interculturelles dans la réalité ukrainienne actuelle », non seulement parce que Melitopol est le seul membre ukrainien du réseau européen des Cités interculturelles depuis 2008, mais aussi parce que ses principaux acteurs et parties prenantes œuvrent aux niveaux régional et national (c’est-à-dire les représentants des ministères de l’Education et des Affaires étrangères ainsi que de l’administration régionale participant au forum) pour sensibiliser les opinions à l’approche interculturelle.

Dans ce contexte – et à la suite d’une présentation très enrichissante des avantages et des bonnes pratiques du réseau des Cités interculturelles par Robin Wilson, expert auprès du Conseil de l’Europe, et d’une séance interactive de questions et réponses avec les deux experts du Conseil de l’Europe sur les principaux concepts des Cités interculturelles – le forum a convenu qu’il serait profitable de mettre en place un réseau national de cités interculturelles en Ukraine, et plus de dix villes participantes ont exprimé leur intérêt avant la fin de la manifestation. Un nouveau formulaire de candidature a été présenté et distribué aux villes, et des instructions détaillées et des délais pour les soumettre ont été définis. Ce groupe restreint représente une masse critique permettant de lancer les activités, et il est prévu qu’un plus grand nombre de villes rejoignent officiellement le réseau au fil du temps, lorsque celui-ci aura fait ses preuves dans la pratique. Il a été convenu au cours de la réunion que les principes de ce réseau seraient énoncés dans un mémorandum d’accord adopté par ses membres fondateurs. Une discussion fructueuse a eu lieu concernant les avantages que représente un partenariat entre les villes et les ONG locales pertinentes.

Un guide « pas à pas » a été réalisé dans le cadre du programme des Cités interculturelles. La publication d’un guide plus spécifique à la situation des cités interculturelles en Ukraine est envisagée pour aider les membres du nouveau réseau national. Le contenu de ce guide a été examiné avec les villes participant au forum.

En janvier 2015, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation exprimant son soutien aux travaux du réseau des Cités interculturelles. Elle appelait vivement les Etats membres non seulement à soutenir les réseaux nationaux des Cités interculturelles, mais aussi à tenir compte de cette expérience lors de l’élaboration de plans nationaux d’intégration. Outre les bénéfices qu’apporterait un réseau ukrainien pour le partage de bonnes pratiques, l’objectif à plus long terme consistant à influencer la politique nationale à cet égard a été examiné lors du forum. L’adoption d’une politique interculturelle nationale permettrait d’affirmer avec force qu’une Ukraine plurielle mais unifiée constitue un objectif politique réaliste.

Kseniya Khovanova-Rubicondo et Robin Wilson

Melitopol, Ukraine
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