Introduction à la Convention d'Istanbul
La Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, aussi appelée Convention d’Istanbul parce qu’elle a été ouverte à la signature en Istanbul en 2011 sous la Présidence Turque du Comité des Ministres, est l’outil de référence du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes.
Les standards contenus dans la Convention d’Istanbul sont particulièrement pertinents dans différents contextes car ils ont été longuement discutés entre experts pendant plus de 10 ans, depuis la recommandation de 2002 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la protection des femmes contre la violence, suivie par la campagne européenne de lutte contre la violence à l'égard des femmes menée entre 2006 et 2008.
Cette campagne a révélé l'ampleur du phénomène et a montré à quel point les réponses nationales à la violence à l'égard des femmes et à la violence domestique varient d’un pays à un autre. La nécessité s’est donc imposé d’harmoniser les normes juridiques pour que les victimes puissent bénéficier du même niveau de protection partout en Europe et au-delà pour les états non-membres qui souhaiteraient y adhérer.
Il a donc été décidé fin 2008 de créer un groupe d'expert chargé de préparer un projet de convention sur la question. Deux ans plus tard, le projet de la Convention était finalisé. À ce jour, 34 Etats membres du Conseil de l'Europe l’ont ratifié.
Points importants à retenir sur la Convention d’Istanbul :
- Pour la première fois dans l’histoire, une Convention énonce clairement que la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ne peuvent plus être considérées comme une question privée et que les États ont l’obligation de prévenir la violence, de protéger les victimes et de sanctionner les auteurs.
- L'expérience des pays qui ont déjà entrepris une telle démarche montre que l'on obtient de bien meilleurs résultats quand les forces de l'ordre, le système judiciaire, les ONG, les organismes de protection de l'enfance et d'autres partenaires compétents unissent leurs forces. La coordination des acteurs dans le cadre d’une vision stratégique d’ensemble est fondamentale.
- Il est important de dissiper un point parfois sources de malentendus : l’objectif de la Convention n’est en aucune manière de réglementer la vie et/ou les structures familiales. Dans le même temps, les gouvernements doivent s’attaquer aux modèles de comportement sociaux et culturels qui perpétuent et renforcent la violence à l’égard des femmes. Pour cela, il leur faudra promouvoir un mode de vie non violent et le respect de l’égalité des hommes et des femmes.
Projets de lutte contre les violences à l’égard des femmes en Tunisie
Depuis l’établissement des priorités de voisinage entre la Tunisie et le Conseil de l’Europe en 2012, le bureau du Conseil de l’Europe à Tunis met en œuvre, conjointement avec les autorités tunisiennes, des projets de coopération avec comme axes prioritaires l’égalité des femmes et des hommes et la lutte contre les violences à l’égard des femmes.
Reconnaissant l’importance d’un cadre juridique adéquat en matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes, le Bureau du Conseil de l’Europe à Tunis a accompagné depuis 2013 le processus de l’élaboration et ensuite celui de la mise en place de la Loi organique n° 2017-58 du 11 août 2017, relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes en Tunisie.
Dans le cadre de la mise en œuvre de la loi 58, une série de conférences, de tables rondes, d’échanges et de formations a été organisée conjointement avec le ministère de la Femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées depuis 2017 afin de vulgariser le contenu de la loi auprès des acteurs multidisciplinaires, notamment les professionnels du droit et les intervenants de première ligne en charge de la détection et de la protection des femmes victimes.
Des échanges sur les pratiques des professionnels homologues en Europe et dans le sud de la Méditerranée ont été organisés et ont permis de discuter des défis communs en matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes et des possible réponses.
Afin de garantir l’accès des femmes victimes de violences à leurs droits, un Kit des droits des femmes victimes de violences a été élaboré en 2021 avec le ministère de la Femme et diffusés en 2021 et 2022, dans les 24 gouvernorats en 40 000 exemplaires, à travers les structures régionales du ministère de la Femme et les Unités spéciales de la police et de la garde nationale du ministère de l’Intérieur.
Dans le même contexte de vulgarisation des droits et des outils de lutte contre les inégalités et les violences à l’égard des femmes, un site hub intitulé Toutes et tous unies contre les violences, regroupant les différents services de signalement et de prise en charge des femmes victimes de violences, ainsi que les informations importantes sur l’égalité du genre et sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes, a été créé en 2021 et placé sur le portail du Ministère de la Femme.
Actuellement, le Bureau du Conseil de l’Europe à Tunis accompagne le ministère de la Femme dans l’élaboration d’un Système national d’orientation des femmes victimes de violences afin d’établir un mécanisme national de coordination dans la prise en charge des femmes victimes depuis leur détection jusqu’à leur réinsertion sociale ; un projet ambitieux qui permettra une meilleure protection des femmes victimes de violences en Tunisie.