Retour République slovaque : il est urgent de s'occuper des droits humains des Roms et d'adopter une approche intergénérationnelle

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En haut à gauche : quartier Luník IX à Košice. En haut à droite : le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Michael O’Flaherty, rencontre les habitants du campement rom de Jarovnice. En bas à gauche : le commissaire O’Flaherty rencontre des militantes roms. En bas à droite : colonie rom à Hermanovce, un village voisin de Jarovnice. Crédit Giorgos Moutafis

En haut à gauche : quartier Luník IX à Košice. En haut à droite : le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Michael O’Flaherty, rencontre les habitants du campement rom de Jarovnice. En bas à gauche : le commissaire O’Flaherty rencontre des militantes roms. En bas à droite : colonie rom à Hermanovce, un village voisin de Jarovnice. Crédit Giorgos Moutafis

Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Michael O'Flaherty, a appelé à des interventions d'urgence pour remédier aux conditions de logement épouvantables de milliers de Roms, à l'issue de sa visite en République slovaque du 8 au 12 juillet. Le Commissaire s'est longuement entretenu avec des communautés roms afin de mieux comprendre leurs expériences. Il a également abordé d'autres préoccupations relatives aux droits humains dans le pays, notamment en ce qui concerne la liberté des médias et les pressions subies par la société civile.

"Comme ailleurs, les préjugés à l'égard des Roms sont profondément ancrés dans la société. La discrimination touche tous les domaines de la vie des Roms en République slovaque : des femmes roms placées dans des maternités séparées aux enfants roms victimes de ségrégation dans l'éducation. De nombreux Roms sont privés d'accès à un logement convenable et se voient refuser des entretiens d'embauche", a déclaré le Commissaire.

Certaines communautés roms vivent dans une extrême pauvreté, ce qui fait de leur vie une lutte constante pour la survie. Dans certains des lieux visités par le Commissaire, l'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'électricité est inexistant ou très limité. Certaines habitations où vivent des Roms sont totalement impropres à l'habitation humaine et se trouvent dans des zones dangereuses, exposées à des risques d'inondation ou à proximité de décharges de déchets toxiques. Les services d'ambulance éviteraient parfois les campements roms, même en cas d'urgence. "Dans certains des lieux que j'ai visités, la défense des droits humains des Roms est littéralement une question de vie ou de mort", a déclaré le Commissaire.

Toutefois, le Commissaire a salué les initiatives visant à autonomiser les Roms, à jeter des ponts entre les communautés roms marginalisées et les services de santé publique et autres services, et à promouvoir des approches novatrices comme les microcrédits pour le logement et les projets liés au développement de la petite enfance. "Ces activités, souvent menées par la société civile, doivent être soutenues car elles ont le potentiel de briser le cycle de la marginalisation et de l'exclusion sociale à travers les générations, en particulier si elles placent les femmes roms en leur cœur. Je crois que les femmes roms peuvent être les vecteurs du changement", a déclaré le Commissaire.

L'engagement à long terme est essentiel. Si les projets à durée limitée peuvent avoir un impact valable et immédiat sur la vie des Roms, l'ampleur du défi en matière de droits humains nécessite un changement radical. "Nous avons besoin d'une approche intergénérationnelle pour relever les défis auxquels tant de Roms sont confrontés", a souligné le Commissaire. "Cela signifie aussi qu'il faut repenser fondamentalement les structures de financement pour assurer la viabilité à long terme des bonnes initiatives."

Il faudra des années, voire des décennies, pour relever de nombreux défis, mais d'autres pourraient être résolus rapidement. S’occuper de la situation critique des femmes roms qui ont été stérilisées de force est l'un de ces problèmes. Après plusieurs décennies, ces femmes roms continuent de souffrir des conséquences physiques, mentales et sociales de ces actes. "Le gouvernement ne doit pas attendre plus longtemps pour guérir les blessures persistantes. Il doit rendre justice, y compris en mettant en place un mécanisme d'indemnisation accessible et efficace", a déclaré le Commissaire après avoir rencontré plusieurs des victimes.

Le Commissaire a également évoqué la nécessité de remédier à l’antitsiganisme répandu, d'améliorer la confiance mutuelle entre les communautés roms et les forces de l'ordre, et de garantir des enquêtes indépendantes sur les allégations de mauvais traitements par la police, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le Commissaire a également saisi l’occasion de cette visite pour faire suite à sa précédente lettre où il traitait de la question de la législation sur l’enregistrement des ONG et sur le radiodiffuseur de service public. Il a exprimé le regret de voir que la loi sur le remplacement du radiodiffuseur RTVS par une nouvelle entité avait été adoptée malgré ses inquiétudes concernant les conséquences sur les droits humains de ce développement. Il a souligné que le projet de loi sur l’enregistrement des ONG encore en discussion devra être pleinement conforme aux normes de droits humains. « Lors de ma visite, j’ai pu voir que les médias et la société civile sont soumis à un niveau de pression déconcertant en République slovaque, dans une atmosphère de tolérance décroissante à l'égard des différents points de vue. Les autorités ont la responsabilité de faire en sorte que les médias et la société civile puissent travailler librement et en toute sécurité. Le gouvernement doit combattre l’hostilité croissante dans le discours public à leur encontre, y compris en luttant activement contre la désinformation", a souligné le Commissaire.

Lors de ses réunions avec les représentants du gouvernement, le Commissaire a condamné la tentative d’assassinat contre le Premier ministre Robert Fico du 15 mai 2024, lui souhaitant un rétablissement complet et soulignant le caractère totalement inacceptable de toute forme de violence à motivation politique dans les sociétés démocratiques.

Cette visite était la première d'une série de visites de pays dans le cadre du travail prioritaire du Commissaire sur les droits humains des Roms et des Gens du voyage à travers l'Europe. Au cours de sa visite, le Commissaire s'est rendu dans l'est de la Slovaquie et s'est rendu dans le quartier Stará Tehelňa de Prešov, à Jarovnice, à Petrovany, dans le quartier Luník IX de Košice et à Kecerovce. Il y a rencontré les communautés roms, les autorités locales et ceux qui travaillent avec les Roms, y compris les Régions de santé et différentes organisations de la société civile. À Bratislava, il a rencontré la Secrétaire d'État du ministère de la Justice, Mme Katarína Roskoványi, le Secrétaire d'État du ministère de la Santé, M. Ladislav Slobodník, la Secrétaire d'État du ministère de l'Intérieur, Mme Lucia Kurilovská, la Plénipotentiaire du gouvernement pour le développement de la société civile, Mme Simona Zacharová, et le Plénipotentiaire du gouvernement pour les communautés roms, M. Alexander Daško. Il a également rencontré le Défenseur public des droits, M. Róbert Dobrovodský, et le Centre national slovaque pour les droits humains. Il a discuté des pressions exercées sur la société civile avec de nombreuses organisations travaillant sur les questions de droits humains, et de la liberté des médias avec le Centre d'investigation de Ján Kuciak et Reporters sans frontières.

Bratislava, République slovaque 15/07/2024
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