Retour Comment préserver la démocratie locale face aux fakes news et aux discours de haine ?

Comment préserver la démocratie locale face aux fakes news et aux discours de haine ?

La pandémie de coronavirus a accentué et rendu encore plus virulents les effets des fake news et des discours de haine qui se propagent à une vitesse éclaire sur Internet et les réseaux sociaux.  Mais au-delà du constat général, les dégâts de ces phénomènes sont particulièrement préoccupants pour la vie politique locale. Il est urgent d’en établir une définition opérationnelle tenant compte de la complexité des enjeux pour réfléchir ensuite à des solutions juridiques, techniques et politiques plus efficaces. C’est l’objectif du projet de recherche interuniversitaire que le professeur Robert Müller-Török de l’université de Ludwigsburg (Allemagne) a présenté devant les membres du Congrès, à l’occasion de la 41e Session du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux le 27 octobre 2021. Il aboutira à un manuel pratique et servira de base de discussions politiques et de travail pour le Congrès afin d’élaborer des recommandations concrètes.

Associant professeurs et étudiants de cinq universités européennes basées en Allemagne, Autriche, Hongrie, Roumanie et Slovaquie, le groupe de recherche procédera d’abord à une synthèse des définitions existantes des fakes news et du discours de haine à partir des documents des divers organes du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des Droits de l’Homme, tout en les adaptant à la réalité du terrain qui évolue très rapidement. Les membres du Congrès – élus locaux et régionaux des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe – apporteront leur contribution à travers un questionnaire visant à recueillir leurs propres expériences de l’internet.

Une attention particulière sera accordée à la détection des sources potentielles qui ont un intérêt politique ou commercial à diffuser ce type de discours : des opposants politiques aux plateformes marchandes. En réalité, a souligné le professeur Müller-Török, très souvent ce sont des serveurs et des programmes automatisés qui se mettent en marche, y compris sur des territoires hors des pays concernés. En outre, même quand il s’agit d’interventions humaines intentionnelles et potentiellement identifiables leur anonymat reste protégé.

Plusieurs intervenants au débat ont en effet insisté sur la nécessité de limiter l’anonymat des publications sur Internet, mais cela risquerait de porter atteinte au consensus libéral et démocratique en Europe. Dans ce contexte, la protection de la liberté d’expression doit être considérée, tout comme la difficile distinction entre fake news, erreurs ou opinions scientifiques, a souligné le professeur Müller-Török.

Considérant aussi que les codes pénaux des 47 pays membres diffèrent et qu’il n’y pas encore une base juridique permettant de poursuivre l’intervention des pays étrangers sur les réseaux sociaux, les instruments juridiques de lutte contre les fakes news et les discours de haine semblent, d’après lui, plutôt limitées. Toutefois, des pays comme la France ont récemment adopté des lois spécifiques poursuivant le discours de haine sur Internet dont d’autres pourraient s’inspirer.

Soulignant l’efficacité limitée des blocages de sites ou du contrôle des contenus qui impliquent des coûts importants, le professeur Müller-Török a exposé l’hypothèse qu’une gouvernance plus transparente et que l’accès ouvert aux données scientifiques vérifiables seraient les moyens les plus adaptés dont les démocraties européennes disposent pour affaiblir l’influence des fake news. Le projet de recherche confrontera ces hypothèses aux réalités du terrain en proposant aux membres du Congrès de contribuer au projet à travers un questionnaire qui leur permettra de partager leurs expériences du terrain. Ce travail collectera ainsi des données, des faits et des bonnes pratiques qui seront ensuite diffusés à travers le manuel.

Le débat qui a suivi a démontré à quel point tous les élus locaux, y compris ceux des pays partenaires du Congrès comme le Maroc, se sentent concernés par la recherche urgente d’outils de lutte contre les fakes news et les discours de haine. Certains ont proposé d’élargir le groupe de recherche à des universités de leurs pays (France, Maroc), d’autres ont insisté sur la nécessité de prendre en compte la spécificité des situations post-conflits (Azerbaïdjan), mais aussi l’implication des gouvernements centraux dans des campagnes de diffamation contre les élus locaux (Moldova), d’autant plus que le projet s’inscrit dans une série de débats organisés depuis plusieurs années par le Congrès sur les pressions indues que subissent les maires de la part des gouvernements centraux, des partis majoritaires mais aussi d'autres acteurs de leurs communautés respectives.

En conclusion, le professeur Müller-Török a assuré les membres du Congrès que le projet s’efforcera de prendre en compte les situations spécifiques de tous les pays et dans une étape suivante élargira son travail à d’autres universités.

  Vidéo du débat

*** 41e Session du Congrès ***

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41st Session Strasbourg, France 27 October 2021
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