Message on the occasion of the 19th Data Protection Day, 28 January 2025
Depuis maintenant 19 ans, nous célébrons le 28 janvier la journée de la protection des données en Europe et dans une grande partie du reste du monde. Mais y-a-t-il encore de quoi célébrer et se réjouir ? Hélas dans un monde dominé par la guerre en de nombreux coins du globe et en particulier sur le continent européen ou au Proche Orient, dans un monde où de nombreuses personnes sont victimes de ces conflits, de la famine ou de la persécution et de la répression et trop souvent obligées de fuir leur terre d’origine, dans un monde où des régimes extrémistes se mettent en place au détriment de la démocratie et de l’Etat de droit, dans un monde où l’appât du pouvoir et du profit l’emporte sur toutes considérations éthiques et juridiques, les droits humains et les libertés fondamentales et notamment le droit à la vie privée et à la protection des données sont de plus en plus fragilisés. La Convention 108+ ouverte à la signature en 2018 n’a toujours pas été ratifiée par un nombre suffisant d’Etats parties pour pouvoir entrer en vigueur. Les politiques de sécurité ne cessent de se renforcer sans qu’on en comprenne toujours les nécessités et leur efficacité. Des oligarques du numérique font pression pour remettre en cause certaines réglementations cadrant le monde virtuel dans lequel nous évoluons. Les autorités de protection des données sont sous pression et leur indépendance si fondamentale pour assurer l’effectivité du droit à la protection des données est remise en cause.
La montée en puissance du recours à l’Intelligence artificielle, couplée aux neurosciences et leurs découvertes sur le fonctionnement du cerveau humain est une autre source d’inquiétude. Au côté des avantages indéniables et des perspectives positives pour les êtres humains notamment dans l’accomplissement de tâches rébarbatives ou pour le traitement de nombreuses maladies, l’IA et les neurosciences comportent de nombreux risques qui pourraient rapidement déboucher sur un renforcement de la surveillance et du contrôle des activités, des comportements, voire des pensées de tout un chacun et nuire à leur capacité de décisions. Le risque que les données produites par ces technologies ne soient exploitées par les tenants du « capitalisme de surveillance » qui tend à influencer et manipuler les comportements et les choix de tout un chacun est ainsi plus que réel. Sans volonté affichée des différents acteurs de respecter une éthique respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales et notamment le droit à la vie privée, le droit à l’autodétermination informationnelle et la dignité humaine et en l’absence de cadres juridiques contraignants régissant ces technologies, on risque d’ouvrir de manière irréversible la boîte de Pandore.
Alors face à cette spirale négative, le droit à la protection des données a-t-il encore une raison d’être et n'assistons-nous pas impuissants à la réapparition d’un monde où la sécurité et l’ambition de domination et de pouvoir de certains justifie toutes les politiques y compris la mise entre parenthèse de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits humains ?
Plus que jamais, le Conseil de l’Europe se doit de s’engager fermement pour la promotion et la défense de ses valeurs que sont l’Etat de droit, la démocratie et les droits humains. Cela passe obligatoirement par la promotion du droit à la protection des données et l’intégration des politiques qui y sont liées notamment dans le cadre du recours à l’Intelligence artificielle et aux neurosciences. L’adhésion à la Convention sur l’Intelligence artificielle adoptée au Conseil de l’Europe constitue un pas important dans l’adoption de règles contraignantes en la matière. Il serait souhaitable qu’elle s’accompagne également d’une adhésion à la Convention 108+. Il est donc urgent que cette dernière entre rapidement en vigueur au risque de devenir obsolète.
Au-delà des réglementations et des interventions indispensables des autorités de protection des données, l’avenir de la protection des données passe par la sensibilisation, l’éducation et la formation en particulier des jeunes générations. Dans la mesure où celles-ci pourront intégrer et développer une éthique de la donnée respectueuse des droits humains et des libertés fondamentales, elles pourront à l’avenir promouvoir et bâtir un monde basé sur la confiance mutuelle, respectant l’autonomie informationnelle de tout un chacun. Le Conseil de l’Europe doit continuer à s’engager fermement dans des politiques intégrant les jeunes générations.