Séminaire de haut niveau sur le débat public en tant qu’outil de gouvernance des nouvelles technologies, organisé par le Comité de Bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIO)

Sous les auspices de la présidence française du Comité des Ministres

4 juin 2019, Strasbourg

 

Madame la Présidente du Comité de Bioéthique,

Madame la Présidente de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale française

Madame la Présidente de l’APCE,

Monsieur le Président des Délégués des Ministres,

Mesdames Messieurs, 

 

Nous célébrons cette année les 70 ans du Conseil de l’Europe - 70 ans de construction d’un espace de liberté et de progrès fondé sur le respect de droits fondamentaux des individus. Le droit de la biomédecine est un des éléments de cet espace. 

La décision de la France d’inclure ce Séminaire de haut niveau dans les priorités de sa présidence du Comité des Ministres est à cet égard particulièrement bienvenue. Elle témoigne de la pertinence et de l’importance des travaux du Conseil de l’Europe en bioéthique et je souhaiterais remercier les autorités françaises de leur appui à ces travaux.

Je souhaiterais adresser un remerciement tout particulier et plus personnel à Madame Bourguignon et à Madame Maury-Pasquier, qui nous ont fait l’honneur de répondre à notre invitation en dépit de leurs nombreuses obligations.   

La France a accompli un travail pionnier sur le débat public dans le domaine qui nous réunit aujourd’hui. Depuis 2011, l’organisation d’un débat public et d’une consultation sont inscrits dans la loi dite de bioéthique à l’occasion de « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé. »

Le travail pionnier de la France ne se limite d’ailleurs pas à la question du débat public sur ces développements. Il concerne également, et plus généralement, la réflexion sur les enjeux éthiques et juridiques qu’ils soulèvent et qui a abouti en 1994 aux premières lois de bioéthique. Réflexion nationale certes mais qui a largement nourri la réflexion européenne. 

Aussi la ratification par la France de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine – la Convention d’Oviedo - en 2011, est apparue - oserais-je dire - comme une « évidence ». 

Clé de voute de tout l’édifice des droits de l’Homme, la notion de dignité humaine et sa protection, comme celle de l’intégrité des êtres humains, sont au cœur de ces droits, libertés et valeurs partagées par les Etats membres du Conseil de l’Europe depuis maintenant 70 ans. 

Ces principes essentiels, auxquels s’ajoute notamment celui de la non-discrimination, sont notre héritage commun.

Ils sont inscrits dans la  Convention d’Oviedo entrée en vigueur il y a 20 ans maintenant. 

Seul instrument international juridiquement contraignant sur la protection des droits de l’Homme dans le domaine biomédical, cette Convention est devenue une référence au niveau européen et mondial; pour la Cour européenne des droits de l’Homme tout d’abord ; mais son influence se retrouve également dans la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que dans la Déclaration de l’UNESCO sur la bioéthique et les droits de l’Homme.

En établissant des garanties contre les risques d’utilisations abusives des évolutions scientifiques et technologiques, la Convention d’Oviedo constitue un cadre de protection de la plus haute importance pour les générations actuelles et futures. Elle prône une vigilance face à tout développement susceptible de porter atteinte aux droits de l’Homme. 

L’actualité récente avec notamment l’annonce l’année dernière, par un chercheur chinois de la naissance de deux jumelles génétiquement modifiées, témoigne de la valeur de référence des principes établis dans cette Convention.

Il incombe à toutes les parties prenantes concernées - gouvernements, parlements, autorités en charge de la protection des droits individuels et de l’éthique dans le domaine médical - de suivre avec attention l’évolution extrêmement rapide de ces technologies émergentes et convergentes. 

Dans un contexte de compétition mondiale où la biomédecine devient un enjeu économique d’une importance croissante, les Etats ont une responsabilité toute particulière.

Encourager le débat public comme outil de gouvernance de ces nouvelles technologies, relève de cette responsabilité. J’en donnerai pour exemple la dépendance grandissante de nos systèmes de santé par rapport aux données à caractère personnel des patients et à l’intelligence artificielle.

Comme cela a été souligné par le Secrétaire Général, le Comité de Bioéthique du Conseil de l’Europe travaille aujourd’hui à un plan d’action stratégique qui sera lancé en 2020. Ce plan d’action aura pour objectif d’aider les Etats membres à ancrer les valeurs éthiques et de droits de l’Homme dans le développement des technologies et leurs applications. 

Notre objectif doit être de maximiser ce qui peut être bénéfique pour l’Homme et réduire au maximum les possibilités d’abus. Le débat public sur les risques et les bénéfices permet d’intégrer ces préoccupations fondamentales et de renforcer la légitimité des décisions qui sont prises.

L’article 28 de la Convention d’Oviedo demande aux Etats de veiller à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l’objet d’un débat public et de consultations appropriés. 

Le débat et les consultations publics sont en effet essentiels pour permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et de faire part de leurs avis sur des questions fondamentales touchant à leur intégrité en tant qu’êtres humains. Ils répondent à une attente grandissante dans toutes les sociétés, à l’heure où les individus n’acceptent plus d’être simplement objet de l’action publique, mais veulent en devenir acteur.   

Le débat et les consultations publics contribuent à construire la confiance dans le développement des politiques, mais également envers les chercheurs, et les systèmes de santé ainsi que ses acteurs. Au final, ils sont essentiels pour asseoir la crédibilité et la légitimité de ces politiques, face aux évolutions rapides des technologies auxquelles les législations peuvent ne pas avoir eu le temps de répondre, générant incertitudes et conséquences inconnues. 

Face à ces défis, le Comité de bioéthique du Conseil de l’Europe travaille à l’élaboration d’un nouveau Guide pratique sur le débat public dans le domaine biomédical qui devrait être lancé début 2020.

Ce Guide est destiné à aider les autorités publiques et ceux responsables du débat public à envisager, planifier et mettre en place un véritable dialogue avec les citoyens. 

L’engagement des Etats dans cette voie est essentiel ; comme l’est celui d’offrir aux citoyens la possibilité de faire en sorte que leur opinion compte dans la gouvernance de technologies biomédicales. 

A l’heure de ce que certains appellent une véritable révolution technologique, le Conseil de l’Europe poursuivra son travail auprès des Etats pour les soutenir dans la définition d’une gouvernance ancrée dans les droits de l’Homme garante de véritables progrès pour l’individu.   

Reprenant les mots du Secrétaire Général, j’espère que nous pourrons compter sur votre soutien.  

Je vous remercie.