23ème réunion plénière de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ)

3-4 juillet 2014, Bakou, Azerbaïdjan

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Cour Suprême d’Azerbaïdjan,
Mesdames et Messieurs les membres du système judiciaire d'Azerbaïdjan,
Mesdames et Messieurs les membres, experts et observateurs de la CEPEJ,
Mesdames et Messieurs,

Je tiens à vous remercier vivement, Monsieur le Ministre, d'avoir invité la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice, la CEPEJ, à tenir sa 23ème réunion plénière à Bakou dans le cadre de la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe par l'Azerbaïdjan. Je sais que vous avez mis tout en œuvre pour que la CEPEJ puisse ici travailler dans les meilleures conditions, et je voudrais, à ce titre, exprimer ma gratitude à Monsieur le juge Ramin Gurbanov, membre actif de la CEPEJ depuis de longues années.

Monsieur le Président,
Votre assemblée composée essentiellement de professionnels de la justice, en différentes qualités et différentes fonctions, me donne l'occasion de rappeler combien le Conseil de l'Europe attache de l'importance au respect des principes fondamentaux de l'Etat de droit, qui ne sauraient être garantis sans une justice indépendante et efficace, au service de la collectivité.

Dans le rapport que le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, a présenté le 6 mai à Vienne lors de la réunion du Comité des Ministres, les disfonctionnements de la justice constituent l’un des problèmes majeurs identifiés par nos mécanismes de suivis conventionnels. Les principaux problèmes que le Secrétaire général identifie sont les ingérences de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice, la corruption au sein de l’appareil judiciaire, le manque de confiance du public dans la justice, la durée excessive des procédures et le non-respect des décisions de justice. Pour remédier à ces problèmes, les travaux de la CEPEJ sont de la plus haute importance.

Mais avant toute chose, pour permettre un bon fonctionnement du système de justice, il est important de consacrer au fonctionnement des tribunaux les moyens humains et budgétaires suffisants. Mais nous le savons, et la CEPEJ l’a confirmé à travers ses travaux, il ne suffit pas de mettre les moyens financiers dans une politique publique pour que celle-ci produise les effets attendus. Il est primordial de permettre aux citoyens d'accéder facilement à la justice et aux avocats. Il est essentiel d'inscrire comme une priorité la formation des professionnels de la justice. Il faut miser sur la qualité des procédures, l’organisation des tribunaux, et surtout sur la compétence des femmes et des hommes qui travaillent dans la chaîne de justice. C'est ainsi, et ainsi seulement, qu'il est possible de construire le nécessaire lien de confiance entre le système judiciaire et les citoyens, qui constitue l'un des fondements du lien démocratique.

Vous le savez, le Conseil de l'Europe est toujours à la disposition de ses Etats membres pour soutenir les réformes dans cet esprit, voire au-delà de notre continent, la CEPEJ étant active dans les pays du voisinage méditerranéen, dont je salue la présence de plusieurs représentants ce matin.

Tous les deux ans depuis 2004, la CEPEJ se réunit à la même période pour adopter son rapport évaluant le fonctionnement quotidien des systèmes judiciaires en Europe. La méthodologie et la rigueur scientifique développées par la CEPEJ au fil de ces dix dernières années ne sont plus à démontrer. Ce rapport est devenu un "best-seller" attendu tant par les décideurs publics dans les capitales que par les professionnels de la justice dans les tribunaux, de même que par les chercheurs et les médias.

La CEPEJ le dit régulièrement dans le cadre de ses travaux, et je tiens à la souligner une fois encore, ce rapport n'a pas pour objectif d'établir un classement des systèmes judiciaires en Europe, qui n'aurait que peu de sens et de crédibilité scientifique. Il a, à mes yeux, une portée plus précieuse : il est un véritable outil de politique publique, devenu incontournable pour orienter les réformes judiciaires vers davantage d'efficacité et de qualité. C'est pourquoi j'encourage les Etats membres à étudier attentivement les conclusions de ces rapports et à mettre en oeuvre les recommandations qu'il contient.

Je tiens ici à remercier chaleureusement et à féliciter les correspondants nationaux, les experts du groupe de travail et le Secrétariat qui ont effectué une fois encore un travail considérable dans un délai très court, avec des moyens limités, pour pouvoir poser sur la table le projet que vous allez étudier durant ces deux journées. Pour des raisons administratives que je regrette, le Secrétariat a dû travailler sans expert statisticien. Le Comité des Ministres a pourtant reconnu que l’expertise d’un statisticien était nécessaire, et j'espère vivement que le Secrétariat pourra obtenir ce renfort dans les prochaines semaines. Le travail qui vous est présenté ce jour n'en est que plus méritoire. Je souligne toutefois que, malgré l'absence de statisticien, le Secrétariat a été renforcé par plusieurs juristes pour préparer ce rapport. Ma gratitude va particulièrement aux autorités françaises qui ont mis à disposition un magistrat, dont la contribution est très appréciée.

Dans ces conditions, vous serez amenés à adopter demain ce rapport sous condition, de manière à ce qu'il puisse encore être complété au cours de l'été en vue de sa publication en octobre prochain. Cette procédure a bien fonctionné dans les années passées, et je suis persuadé que la qualité de vos discussions, ici à Bakou, permettra qu'il en soit de même pour finaliser ce cycle d'évaluation. Je vous invite à profiter de ce temps de travail pour vérifier une dernière fois les données que vous avez transmises.

Pour la première fois, ce rapport s'ouvre à un Etat non membre: Israël a en effet demandé à participer à l'évaluation, et je me réjouis d'une telle ouverture qui, je l'espère, en appellera d'autres dans l'avenir. Bien entendu ce rapport doit en premier lieu garder son caractère spécifique au service des Etats membres du Conseil de l'Europe, mais il a tout à gagner à élargir dans un même temps la comparaison à d'autres systèmes. C'est ainsi que la CEPEJ renforcera encore son statut de référent en matière de gestion des tribunaux et de promotion des politiques publiques de la justice. La Commission européenne ne s'y est d'ailleurs pas trompée, en demandant à la CEPEJ de travailler avec elle pour évaluer le fonctionnement de la justice à partir de cette même méthodologie que vous appliquez et perfectionnez depuis plus d'une décennie.   

Monsieur le Président, Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Ce nouveau rapport de la CEPEJ sera un nouvel outil concret mis à la disposition des ministères, des parlements et des professionnels de la justice, comme le sont les lignes directrices, les checklists et autres productions de la CEPEJ issues d'un travail ancré dans la réalité du fonctionnement quotidien des tribunaux. Cette méthodologie qui vous est propre et ces outils pragmatiques sont de plus en plus utilisés dans les Etats membres et partenaires. Grâce à cette approche, la CEPEJ est aussi de plus en plus active dans le cadre de nos programmes de coopération, renforce la visibilité du Conseil de l'Europe et, surtout, permet de promouvoir et de renforcer les principes fondamentaux qui sont au coeur des missions de notre Organisation.

Comme membres ou observateurs du Conseil de l'Europe, comme professionnels du droit et de la justice, nous sommes tous viscéralement attachés à ce que le pouvoir judiciaire puisse pleinement jouer son rôle dans nos Etats de droit. Non seulement dans les textes et dans les discours, mais aussi et avant tout dans les faits, lorsque qu'un simple citoyen pousse la porte d'un tribunal pour demander à ce que la loi qui le concerne soit effectivement appliquée. Au nom de ces 820 millions de justiciables potentiels, je vous remercie de votre engagement et vous souhaite plein succès pour ces travaux.

Je vous remercie pour votre attention.