Pères fondateurs
Les bâtisseurs
Ces bâtisseurs de l'Europe sont les hommes qui ont lancé le processus de construction européenne avec la fondation du Conseil de l'Europe en 1949, la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1950 et de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957.
Ces hommes de dialogue qui ont connu les deux guerres mondiales et ont été en contact avec plusieurs cultures européennes sont les précurseurs d'une Europe en paix fondée sur les valeurs des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit.
Pionniers de l’Europe
Winston Churchill
Premier ministre du Royaume-Uni
12 août 1949, Strasbourg
Les dangers qui nous menacent sont grands, mais grande aussi est notre force, et il n'y a aucune raison de ne pas réussir à réaliser le but et à établir la structure de cette Europe unie dont les conceptions morales pourront recueillir le respect et la reconnaissance de l'humanité, et dont la force physique sera telle que personne n'osera la molester dans sa tranquille marche vers l'avenir
Son discours :
Dans notre longue histoire, nous avons triomphé des dangers des guerres de religion et des guerres dynastiques; après trente ans de luttes, j'ai confiance que nous sommes arrivés à la fin des guerres nationalistes. Après toutes nos victoires et toutes nos souffrances, allons-nous maintenant sombrer dans un dernier chaos, dans des guerres idéologiques déclenchées parmi nous par des oligarchies barbares et criminelles, préparées par les agitateurs de la cinquième colonne qui s'infiltrent et conspirent dans tant de pays ?
Non, je suis certain qu'il est en notre pouvoir de traverser les dangers qui sont encore devant nous, si nous le voulons. Nos espoirs et notre travail tendent vers une époque de paix, de prospérité, de plénitude, ou I'inepuisable richesse et génie de I'Europe feront d'elle, une fois de plus, la source même et I'inspiration de la vie du monde. Dans tout cela, nous avançons avec le soutien de la puissante République au-delà de I'Atlantique, et des Etats souverains qui sont membres de I'empire et du Commonwealth des nations britanniques. Les dangers qui nous menacent sont grands, mais grande aussi est notre force, et il n'y a aucune raison de ne pas réussir à réaliser le but et à établir la structure de cette Europe unie dont les conceptions morales pourront recueillir le respect et la reconnaissance de I'humanité, et dont la force physique sera telle que personne n'osera la molester dans sa tranquille marche vers I'avenir.
Konrad Adenauer
Chancelier et ministre des Affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne
10 décembre 1951
Il est de la plus grande importance, également, d'avoir ici un centre où se réunit presque toute l'Europe
Son discours :
Il est d'une grande importance pour le développement de l'Europe d'avoir créé, avec les institutions du Conseil de l'Europe, une plate-forme sur laquelle les représentants de notre continent se rencontrent régulièrement pour exposer leurs soucis essentiels, leurs désirs et leurs espoirs, et essayer de mettre au point des critères communs permettant d'évaluer leurs besoins et de coopérer dans un esprit de franchise et de bon voisinage. En d'autres termes, nous trouvons ici une expression de la conscience européenne. Il est de la plus grande importance, également, d'avoir ici un centre où se réunit presque toute l'Europe, quelles que puissent être les différentes nuances de conception dans nos efforts, pour réaliser une organisation plus étroite de notre communauté.
Dans chaque pays, la politique européenne recevra ses dernières impulsions de la volonté commune des peuples européens, mais nulle part cette volonté ne se manifeste aussi nettement, en tant que volonté commune, que, justement, au sein du Conseil de l'Europe.
Robert Schuman
Ministre des Affaires étrangères de la République française
10 décembre 1951
Le Conseil de l'Europe, en effet, est le laboratoire où se prépare et s'expérimente la coopération européenne
Son discours :
Le Conseil de l'Europe, en effet, est le laboratoire où se prépare et s'expérimente la coopération européenne, en attendant qu'il se transforme lui-même en une institution organique de l'unité européenne. Nous en sommes encore au stade des déboires initiaux et des échecs apparents, qui n'autorisent jamais le découragement, mais justifient parfois une impatience salutaire. Comme les lois de la nature, les idées vraies finissent par être reconnues et utilisées. Nos insuffisances, notre manque de courage et nos passions sont responsables du retard de leur découverte et de leur mise en valeur.
Il serait injuste autant que dangereux de méconnaître les difficultés de l'intégration de l'Europe. Pour réussir, il nous faudra beaucoup de ténacité et de patience, et au moins autant à l'intérieur de nos pays que dans les négociations entre les gouvernements eux-mêmes. Mais quel que soit le résultat que nous obtiendrons, le problème de l'unification politique de l'Europe est posé. Il ne pourra plus être éludé. Si jamais nous nous révélions actuellement impuissants à le résoudre à cause de nos hésitations, les événement et les aspirations de nos peuples se chargeraient de nous arracher les résolutions nécessaires. Faute de nous décider à temps, Mesdames et Messieurs, nous risquons cependant de manquer pour l'Europe et pour nos pays la dernière chance du salut.
Paul-Henri Spaak
Premier ministre et Ministre des Affaires étrangères de la Belgique dans les années 40 et 50
15 mai 1962
Parce que c'est ici que l'Europe toute entière se rencontre, et parce qu'il arrive des moments comme aujourd'hui où les problèmes [...] doivent être examinés par l'ensemble des pays européens
Son discours :
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, voulez-vous me permettre tout d'abord de dire ma satisfaction de me retrouver aujourd'hui à cette tribune. Satisfaction teintée d'un peu d'émotion quand je songe à tout ce qui c'est passé dans cette Assemblée, à tous les débats auxquels j'ai participé, aux succès que nous avons remportés et aux échecs que nous avons subis. Il y a longtemps que je ne suis plus venu ici, et on m'a dit que quelquefois l'Assemblée était un peu découragée, qu'elle doutait de son utilité.
Messieurs, ce serait peut-être immodeste de vous dire que ma présence aujourd'hui prouve dans tous les cas qu'un certain nombre de ministres garde confiance dans cette organisation et estime que cette Assemblée devrait être utilisée plus et mieux qu'elle ne l'a été dans le passé. En effet, en ce qui me concerne, j'avais le choix entre plusieurs organisations, et j'aurais pu parler dans une autre assemblée. J'ai choisi celle-ci pourquoi ? Parce qu'elle a sa vocation propre, parce que c'est ici que l'Europe toute entière se rencontre, et parce qu'il arrive des moments comme aujourd'hui où les problèmes dépassent le cadre des six et doivent être examinés par l'ensemble des pays européens.
Alcide de Gasperi
Premier ministre de la République italienne
10 décembre 1951
En aucun moment il ne faudra agir et construire de façon que la fin à atteindre ne résulte claire, déterminée et garantie
Son discours :
Si nous ne bâtissons que des administrations communes, sans qu'il y ait une volonté politique supérieure, vérifiée par un organisme central, dans lequel les volontés nationales se rencontrent, se précisent et se réchauffent dans une synthèse supérieure, nous risquons que cette activité européenne comparée aux vitalités nationales particulières, paraisse sans chaleur, sans vie idéale; elle pourrait même apparaître à certains moments un harnachement superflu et peut-être oppressif, tel que le Saint Empire Romain apparut à certaines périodes de son déclin.
Dans ce cas, des générations nouvelles, saisies par la poussée plus ardente de leur sang, et de leur terre, considéreraient la construction européenne comme un instrument de gêne et d'oppression. Dans ce cas, le danger de l'involution est évident.
Voilà pourquoi, tout en ayant une claire conscience de la nécessité de graduer la construction, nous jugeons qu'en aucun moment il ne faudra agir et construire de façon que la fin à atteindre ne résulte claire, déterminée et garantie.
Je sais bien que cet idéal européen n'est pas encore suffisamment enraciné dans les foules : il n'y a qu'une partie d'hommes politiques de penseurs et d'idealistes qui est à même de s'arracher aux souci quotidien des problèmes de la reconstruction de leur pays pour diriger leurs efforts à la préparation d'un avenir commun. Vous êtes de ce nombre, Messieurs les Représentants, par le mandat que vous avez reçu de vos collègues, élus comme vous par le peuple.
Ernest Bevin
Ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni
5 mai 1949
Nous assistons pour la première fois sur notre vieux continent à la naissance d'une institution démocratique commune
Son discours :
Messieurs, nous sommes réunis en ce jour mémorable pour signer le Statut du Conseil de l'Europe et l'accord relatif à la création de la commission préparatoire.
Comme l'ont dit mes confrères, ce moment est véritablement historique. Ce Statut que nous signons est le fruit de longs mois de négociations amicales entre dix grands pays d'Europe occidentale. Le projet a pris forme à Paris, lors des discussions menées à la fin de l'année dernière sous la présidence de cet éminent homme d'Etat qu'est M. Herriot, et il a été affiné à Londres par les représentants diplomatiques des dix pays. Il trouve aujourd'hui sa forme définitive dans le présent traité, qui ouvre la voie à l'espoir d'une vie nouvelle en Europe. Nous assistons pour la première fois sur notre vieux continent à la naissance d'une institution démocratique.
Le saviez-vous ?
Le Conseil de l'Europe est une Organisation distincte de l'Union Européenne des 27. Aucun pays n'a adhéré à l'Union sans appartenir d'abord au Conseil de l'Europe.