Contexte : Importance croissante des recherches et de la sensibilisation à la coercition
Le présent recueil complète les politiques, recherches et pratiques récentes visant à promouvoir des formes volontaires et sans coercition de soutien, de soins et de traitement (voir p. ex., Barbui et al., 2020 ; Flynn & Gómez-Carrillo, 2019 ; Gooding et al., 2020 ; Hirsch & Steinert, 2019 ; C. Huber & Schneeberger, 2021 ; Sashidharan et al., 2019). Plus récemment, le programme COST (coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique) a financé la création du réseau de recherche « FOSTREN » : Favoriser et renforcer les approches visant à limiter le recours à la coercition dans les unités de santé mentale en Europe » (voir www.fostren.eu).
Le lecteur trouvera ci-après la liste succincte des principales ressources sur cette question, qui sont considérées comme complémentaires à ce recueil.
Organisations non gouvernementales et institutions nationales des droits de l'homme
En 2019, Mental Health Europe (MHE) a publié un rapport intitulé Promising practices in prevention, reduction and elimination of coercion across Europe. L’année suivante, le Réseau européen des Institutions nationales des droits de l’homme (REINDH) s’est associé avec MHE pour publier un rapport intitulé Implementing Supported Decision-Making : Developments Across Europe and the Role of National Human Rights Institutions. Ces deux rapports présentent plusieurs pratiques prometteuses qui cadrent avec l’objectif de ce recueil et sont présentées à la Partie II.
Les rapports de MHE et du REINDH s’appuient sur les arguments des personnes ayant une expérience vécue des troubles mentaux et des handicaps psychosociaux et des organisations qui les représentent, qui soulignent systématiquement les conséquences des interventions psychiatriques involontaires sur les droits humains et préconisent des solutions de remplacement. (Pour une compilation de ces pratiques, voir Gooding et al. 2018, p.201 ; voir également MIA, n.d.; CHRUSP, n.d ; Russo & Wallcraft, 2011).
Organisation mondiale de la santé – Programme de l’OMS pour l’évaluation de la qualité et du respect des droits
L’initiative QualityRights de l’Organisation mondiale de la santé (2020) propose un ensemble complet de ressources afin d’améliorer la qualité des soins et de limiter les pratiques coercitives. Elle comprend des listes de référence des politiques et programmes et des ressources de formation qui ont été organisées et mises en place dans les pays à revenu faible, moyen et élevé. Ces ressources sont destinées à être utilisées par divers acteurs (prestataires de services, praticiens de soins de santé individuels, instances nationales, etc.). Des études sur la mise en œuvre de ces pratiques ont été menées dans le Gujarat (Inde) en partenariat avec le World Psychiatric Association (2020), notamment une « Étude de cas des solutions de substitution à la coercition dans les soins de santé mentale » et la République tchèque met actuellement en œuvre un dispositif de ce type (voir ci-après).
En outre, l’OMS a publié en 2021 un document important intitulé Guide de l'OMS sur les services communautaires de santé mentale : promouvoir des approches centrées sur la personne et fondées sur les droits ». Cette ressource fait partie de la série de publications Orientations et dossiers techniques relatifs aux services de santé mentale (World Health Organization, 2021). Ces orientations contiennent une liste de services exemplaires dans le monde qui sont centrés sur des pratiques non coercitives. Elles présentent des mesures et recommandations spécifiques pour développer des services de santé mentale communautaires respectueux des droits humains et axés sur le rétablissement. Ce document complet est accompagné de sept dossiers techniques consacrés à certaines catégories de services de santé mentale et des orientations pour la mise en place des nouveaux services. Pour de plus amples informations, veuillez consulter :
- Programme de l’OMS pour l’évaluation de la qualité et du respect des droits
- Orientations sur la transformation des services dans le cadre du Programme QualityRights de l’OMS
- Modules de formation et orientations du programme QualityRights
- Guide de l’OMS sur les services de santé mentale communautaires
Association mondiale de psychiatrie – Mettre en œuvre des solutions de substitution à la coercition
En 2020, l’Association mondiale de psychiatrie (AMP) a publié un avis intitulé « Implementing Alternatives to Coercion: A Key Component of Improving Mental Health Care (Rodrigues et al., 2020). Cet avis contient la déclaration suivante :
…la mise en œuvre de solutions de substitution à la coercition est essentielle pour faire évoluer le secteur de la santé mentale vers des systèmes de soins axés sur le rétablissement. Les soins et le traitement orientés vers le rétablissement exigent non seulement le respect des droits humains et la participation des usagers des services, mais aussi la mise en œuvre de ces droits à travers des parcours efficaces de soins non coercitifs. Cette démarche suppose de se concentrer sur toutes les étapes importantes du parcours, à savoir la prévention, l’intervention précoce et la poursuite du suivi après l’hospitalisation, afin de dispenser des soins intégrés et personnalisés, d’optimiser les résultats thérapeutiques et de promouvoir les droits et le rétablissement des personnes ayant des troubles mentaux et des handicaps psychosociaux. (Rodrigues et al., 2020) (en italique dans l’original)
La déclaration a été élaborée au niveau international, en concertation avec les associations nationales de psychiatrie et comprend une liste succincte des ressources disponibles (voir World Psychiatric Association, 2020). Cette déclaration recommande « une action et un protocole facultatif conçu pour aider [les associations] à s’engager...selon des modalités adaptées au contexte local » (Herrman, 2020, p.256).
Stratégie du Conseil de l'Europe sur le Handicap (2017-2023)
Comme indiqué, le mouvement en faveur de la limitation, la prévention et l’élimination des mesures coercitives dans les établissements de santé mentale s’inscrit dans le cadre de la Stratégie du Conseil de l’Europe sur le Handicap (2017-2023) (partie 3.4) qui souligne l’importance de remplacer la prise de décision substitutive par la prise de décision assistée. La partie « Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité » contient les dispositions suivantes :
La CDPH impose aux États de remplacer dans la mesure du possible, le système de prise de décision substitutive par un système de prise de décision assistée. […]
Les organes du Conseil de l’Europe, les États membres, et les autres parties prenantes devraient tendre à :
- a) Soutenir les États membres dans leurs efforts pour améliorer leur législation, leurs politiques et leurs pratiques relatives à la capacité juridique des personnes handicapées.
- b) Recenser, recueillir et diffuser les bonnes pratiques existantes concernant les systèmes et les pratiques en matière de prise de décision assistée auxquelles les personnes handicapées peuvent recourir pour exercer leur capacité juridique et accéder à leur liberté de choix et à leurs droits.
Dans l’ensemble, ces documents d’orientation et de sensibilisation témoignent d’un degré élevé de convergence sur les aspects essentiels d’une politique internationale satisfaisante en matière de santé mentale, tant au niveau de la promotion qu’à celui de la prévention, du traitement et du rétablissement.
La question de l’élimination
Il subsiste des divergences de vues concernant la possibilité et l’opportunité d’éliminer complètement les interventions involontaires en matière de santé mentale (voir W. Martin & Gurbai, 2019 ; Pūras & Gooding, 2019 ; Russo & Wooley, 2020). Le présent recueil n’aborde pas ces débats qui ont été largement traités par ailleurs (voir notamment Gill, 2019 ; Gooding, 2017 ; Martin & Gurbai, 2019 ; Russo & Wooley, 2020 ; Sugiura et al., 2020 ; Szmukler, 2019). En revanche, il défend l’idée que le recours accru à des solutions de traitement volontaires et l’intensification des efforts pour prévenir et limiter la coercition permet de surmonter les désaccords sur la possibilité d’éliminer les interventions psychiatriques involontaires (McSherry, 2014 ; Ruck Keene, 2019). En se concentrant sur des exemples pratiques de réduction ou d’élimination de la coercition, il est possible d’encourager des actions concrètes en faveur d’un soutien de qualité aux personnes en crise de santé mentale ou ayant un handicap psychosocial.