Variation démographique
Dans un même pays, des groupes économiques et sociaux différents peuvent avoir une expérience différente des services de santé mentale (et de tous les services). Les personnes issues de groupes à faibles revenus, les femmes, les hommes, les enfants et les jeunes, les personnes âgées, les LGTBI+, les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile, les minorités ethniques, etc. sont tous susceptibles d’avoir une expérience différente des mesures coercitives.
Dans les contributions à ce rapport, les questions démographiques n'ont été généralement mentionnées que par rapport la population générale concernée par un service précis. Ainsi, le programme belge TANDEMplus est déployé dans une zone de Bruxelles où vivent de nombreux migrants, des personnes habitant dans des maisons modestes et/ou des logements publics et des populations caractérisées par des taux de chômage et de consommation de drogues plus élevés. D'autres études ont mis en évidence des difficultés socio-économiques similaires dans des régions où les services étaient en place (comme le programme norvégien en faveur de la réduction de la contention de Lovisenberg diaconal hospital, Clinique de santé mentale).
Cependant, aucune de ces pratiques ne semble avoir été spécialement conçue pour des sous-populations spécifiques.
Genre
Aucun de ces programmes, pratiques ou initiatives ne semble inclure une référence explicite au rôle du genre et aux expériences et besoins différents des femmes et des hommes.
Certains programmes ont signalé des différences de résultats fondées sur le genre. Ainsi, le programme Six stratégies fondamentales appliqué en Andalousie (Espagne) a permis de constater que les personnes exposées à la contention mécanique étaient à 65 % des hommes et à 35 % des femmes. Cette tendance s'est maintenue pendant les trois années de mise en œuvre du programme, même si celui-ci a permis une réduction globale de la contention de 15 %. Néanmoins, les ressources actuellement disponibles ne semblent pas analyser plus en détail ces facteurs propres à chaque sexe et ne contiennent guère d’informations sur l’importance du genre dans les solutions de remplacement de la coercition dans leur ensemble.
Il semble que seules quelques études empiriques de la littérature plus vaste consacrée à la prévention et à la réduction de la coercition s’intéressent explicitement aux différences liées au genre (voir par exemple Long et al., 2015). Selon les études de Clive Long et al. (2015), le genre a un impact significatif sur l’expérience de la coercition. Cet impact est susceptible d’être associé à d’autres caractéristiques socio-économiques. Ainsi, au Royaume-Uni, les hommes noirs britanniques sont surreprésentés dans les interventions psychiatriques involontaires (Gajwani et al., 2016). Selon une autre étude réalisée au Royaume-Uni, il existe des « inégalités ethniques marquées » entre les femmes britanniques blanches et les femmes britanniques noires, mais aussi entre les femmes britanniques blanches et les « autres femmes blanches » dans leurs expériences d’admission en soins aigus, notamment dans la manière dont la coercition est appliquée (Lawlor et al., 2012). Des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour examiner plus en détail l’importance de la dimension de genre dans les efforts destinés à réduire et prévenir la coercition.
Minorités ethniques et raciales
Aucune initiative de ce recueil ne comporte de référence explicite à l’expérience des minorités raciales et ethniques, même si, comme pour les facteurs liés au genre, il peut s’agir d’une réalité au niveau des services ou de l’organisation communautaire elle-même. Une des contributions a relevé un nombre plus élevé de groupes de migrants dans une région où une pratique était mise en œuvre (TANDEMplus), mais cette observation ne constituait pas l’essentiel de la pratique elle-même.
Comme cela a été dit, la littérature plus vaste sur le sujet signale que les minorités ethniques ou les groupes de migrants ont généralement une expérience des services de santé mentale, et, de fait, des pratiques coercitives, qui est différente de celle des autres personnes (voir P ; ex.,Lawlor et al., 2012 ; Norredam et al., 2010). La révision de 2019 de la Loi britannique sur la santé mentale de 1983 (Angleterre et Pays de Galles) a ainsi abouti au constat qu'entre 2017 et 2018, « 289 séjours en hôpital psychiatrique pour 100 000 habitants ont concerné le groupe noir ou noir britannique, contre 72 dans le groupe blanc » et que « les taux [d'ordonnances de traitement dans la communauté] dans le groupe noir ou noir britannique étaient plus de huit fois supérieurs à ceux du groupe blanc » (Legraien, 2018).
Des facteurs économiques peuvent expliquer certaines différences ethniques décrites dans la littérature. Selon Phoebe Barnett et al. (Barnett et al., 2019, p.314), il est toutefois difficile, du moins au Royaume-Uni, de déterminer les modérateurs socio-économiques et cliniques par groupe ethnique et par mesure involontaire, car ces informations sont « rarement déclarées, ce qui empêche toute étude significative » ; il est possible que des problèmes similaires liés à la mauvaise qualité des données se posent en Europe. Certains groupes ethniques ou culturels ont créé ou fait pression pour obtenir leurs propres services, comme Sharing Voices Bradford au Royaume-Uni, un programme de soutien destiné en particulier aux Britanniques noirs et aux migrants en crise de santé mentale, notamment à ceux qui sont confrontés à l'exclusion sociale, à l'isolement et à la discrimination(Gooding et al., 2018, p.206).
Personnes âgées
On dispose d’éléments qui donnent à penser que les taux d’interventions involontaires dans le contexte de la santé mentale sont plus élevés chez les personnes âgées que chez les autres personnes (Gooding, 2018 p.112). Aucune des pratiques de ce recueil ne semble s’intéresser à ce groupe en particulier, tout au moins dans les documents communiqués, même si le modèle de psychiatrie citoyenne de Lille-Est semble inclure des programmes de proximité spécifiques pour les personnes âgées. En outre, certaines recherches complémentaires ont permis de repérer un service - les unités mobiles de santé mentale grecques - qui est destiné explicitement aux personnes âgées situées dans les régions rurales et éloignées du pays (Peritogiannis et al., 2017).
Autres problèmes démographiques
Plusieurs études d'autres sources de la littérature s’intéressent à des groupes particuliers, comme les détenus ou les personnes admises dans des établissements psychiatriques pénitentiaires (voir p. ex., Maguire et al., 2012; Olsson & Schön, 2016), les enfants et les adolescents (voir p. ex., Martin et al., 2008) et les adultes plus âgés (voir p. ex. Gjerberg et al., 2013 ; Mann-Poll et al., 2018), mais les documents communiqués n’y font pas référence. Il existe aussi probablement des différences significatives entre les personnes à faible revenu et à revenu élevé, les jeunes et les personnes âgées, les personnes ayant des handicaps intellectuels et cognitifs, les zones rurales et urbaines, etc.
Les unités mobiles de santé mentale grecques et l'approche finlandaise des Dialogues ouverts semblent être des solutions adaptées aux difficultés rencontrées par les habitants des zones rurales et éloignées,
Des appels ont été lancés en faveur d’une étude transnationale plus approfondie sur les caractéristiques démographiques des personnes faisant l’objet d’interventions psychiatriques involontaires (Curley et al., 2016, p.53).