Interview du Dr Mark Bale
Comment voyez-vous le rôle du Conseil de l’Europe et celui du DH-BIO dans le traitement de ces questions ? Quels pourraient être les défis principaux dans ce processus ? Voyez-vous des synergies entre la protection des droits de l’homme et la promotion des avancées dans le domaine de la biomédecine ?
Contexte: Vous avez participé au débat organisé par la Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, portant sur les technologies de modifications du génome. Ces technologies font partie d’un ensemble plus vaste de technologies émergentes qui sont des sources potentielles d’importantes avancées, notamment pour la santé humaine. Mais leur mauvaise utilisation ou les abus éventuels sont source de préoccupations et soulèvent des questions en matière de droits de l’homme. L’identification de ces enjeux a été l’objectif de la conférence organisée en mai 2015, sous le patronage de la présidence belge du Comité des Ministres, par le Comité sur la bioéthique (DH-BIO) que vous présidez.
Q: Comment voyez-vous le rôle du Conseil de l’Europe et celui du DH-BIO dans le traitement de ces questions ? Quels pourraient être les défis principaux dans ce processus ? Voyez-vous des synergies entre la protection des droits de l’homme et la promotion des avancées dans le domaine de la biomédecine ?
R : Il y a plusieurs secteurs où les développements scientifiques et technologiques soulèvent des questions éthiques. Par ailleurs, le respect des principes des droits de l’homme et de la bioéthique est particulièrement important dans certains domaines des soins de santé et de la recherche médicale – notamment le respect de l’autonomie et de la vie privée de la personne. Cependant, selon certaines opinions qui se font entendre parfois, l’intégration de ces principes ralentirait les progrès ou limiterait l’accès des patients à des traitements vitaux. Nous devons être vigilants par rapport à ces perceptions erronées. Pour renforcer la confiance dans les soins de santé et la recherche, nous devons relever les défis en matière de droits de l’homme soulevés par certains développements scientifiques et technologiques. Cela veut dire prendre en considération les besoins des patients, bénéficier des connaissances et de l’expertise des professionnels et prendre en compte les intérêts du public au sens large. Si nous arrivons à le faire dans les Etats membres du Conseil de l’Europe en promouvant une législation appropriée, alors tout le monde pourra bénéficier des avancées dans le domaine de la biomédecine et des soins de santé.
Comment le DH-BIO définit-il les priorités à aborder ? Quels sont les objectifs majeurs pour le prochain biennium ?
Contexte : Le DH-BIO travaille actuellement sur différentes questions : protection des droits des personnes atteintes de troubles mentaux, la recherche sur le matériel biologique d’origine humaine, l’interdiction de la commercialisation d’organes et de tissus humains en tant que tels, l’analyse des données relatives à la santé pour des raisons d’assurance, les technologies émergentes…
Q : Comment le DH-BIO définit-il les priorités à aborder ? Quels sont les objectifs majeurs pour le prochain biennium ?
R : La Convention d’Oviedo et ses protocoles définissent les grandes lignes du programme de travail. Il y a toujours des domaines où les dispositions ont besoin d’être réexaminées à la lumière des développements technologiques ou des lacunes identifiées dans des secteurs-clé. Lorsque les priorités ont été identifiées, nous devons être clairs sur la façon dont elles répondent aux priorités du Conseil de l’Europe et sur les ressources nécessaires pour travailler sur ce thème. Ceci peut être illustré par deux exemples qui font partie des activités prévues dans le cadre du prochain biennium. Nous allons démarrer la préparation d’un Livre blanc sur les enjeux pour les droits de l’homme des technologies émergentes et de leur convergence. Il s’agit notamment du développement des dispositifs implantables, des interfaces externes cerveau-ordinateur et du « Big Data » qui sont sources potentielles de bénéfices importants pour l’Homme, mais qui pourraient représenter des risques pour l’autonomie et la vie privée. Nous devons également réexaminer le Protocole relatif à la recherche biomédicale, afin de tenir compte des développements dans ce secteur en pleine évolution. Par ailleurs, nous sommes susceptibles d’avoir à traiter des questions urgentes soulevées par les percées scientifiques ou en réponse à des préoccupations du public quant à l’impact éventuel sur les droits de l’homme de nouveaux développements. La commercialisation des organes, la modification des gènes et la sélection du sexe en sont des exemples récents.
Comment voyez-vous le rôle du travail intergouvernemental autour de la Convention dans les années à venir ?
Contexte : La Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine a été adoptée en 1997. Depuis cette période, la jurisprudence nationale et internationale en matière de droits de l’Homme relative au domaine biomédical, notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, s’est développée de manière significative, en utilisant la Convention d’Oviedo comme point de référence.
Q : Comment voyez-vous le rôle du travail intergouvernemental autour de la Convention dans les années à venir ?
R : La jurisprudence qui a émergé dans le domaine des droits de l’Homme et de la biomédecine les 15 dernières années devient de plus en plus pertinente pour le Comité de bioéthique. Elle montre comment les cours nationales appliquent les principes fondamentaux inscrits dans la Convention d’Oviedo et ses protocoles dans des situations difficiles de la vie auxquelles sont confrontées les personnes dans les Etats membres. Elle nous aidera à réfléchir à l’application des instruments juridiques actuels à de nouveaux domaines, non envisagés au moment de leur rédaction. Par ailleurs, cette jurisprudence aide à identifier des domaines pour la formation au niveau des institutions nationales et pour les professionnels de la santé et du droit, ainsi que pour l’information du public en général. Nous avons un programme actif appelé DEBRA qui cherche à sensibiliser et développer les connaissances sur la Convention d’Oviedo notamment dans des pays où les capacités en matière de recherche biomédicale et de soins de santé de pointe s’accroissent rapidement. Deux axes importants du travail du DH-BIO pendant le prochain biennium auront pour objectif de faciliter la mise en œuvre des principes basés sur l’analyse de la jurisprudence existante et de développer des outils de formation pour des professionnels du droit et d’autres professionnels dans le domaine des droits de l’homme et de la biomédecine. Je pense que ce partenariat sera intéressant et bénéfique pour tous.