Guide sur la participation des enfants aux décisions concernant leur santé
La prise de décision
Gérer différences de points de vue et conflits
Il est inévitable que certaines situations donnent lieu à des divergences d'opinion ou à des désaccords, que ce soit entre les enfants et leurs parents, entre les enfants et les professionnels de santé, ou entre toutes les parties. Il est important d’accompagner les intéressés et de gérer ces situations avec tact et selon les principes fondés sur les droits, afin de parvenir aux meilleures décisions possibles, de préserver les relations existantes qui sont souvent vitales pour la suite de la prise en charge de l’enfant et de permettre à toutes les parties de dépasser la situation problématique.
Quel que soit le contexte, les professionnels de santé sont tenus de protéger, d’encourager et de défendre le droit de participation de chaque enfant. Toutefois, cela ne signifie pas que les professionnels de la santé devraient être d'accord ou prendre parti en cas de désaccord. Il s'agit de veiller à ce que l'enfant soit soutenu dans l'expression de son opinion, et de s'assurer que cette opinion est dûment prise en compte, conformément à ses droits. Selon les situations, les professionnels de santé seront confrontés à des enjeux différents, dont ils devront tenir compte pour aider l’enfant à exercer autant que faire se peut son droit de participer, tout en veillant à préserver la relation de soutien qui existe entre l'enfant, les parents et les professionnels de santé.
En cas de différence de point de vue, la volonté et la capacité des professionnels de santé de promouvoir le droit de participation des enfants peuvent être mises à rude épreuve. Même s’ils peuvent craindre de compromettre leurs relations avec les personnes en désaccord, les professionnels de santé ont le devoir essentiel de protéger ce droit, en s’appuyant sur les principes permettant une participation significative.
Par ailleurs, dans le cadre de leur obligation de promouvoir et de permettre l’exercice du droit de participation des enfants, on ne saurait attendre des professionnels de santé qu'ils outrepassent la loi. Il importe donc qu’ils connaissent le cadre juridique applicable dans leur pays.
Les différences culturelles peuvent parfois être source de malentendus entre les parties prenantes à la décision. Au besoin, un traducteur et/ou un médiateur culturel devrait être disponible pendant le processus d'information et de consentement/d’assentiment (et/ou le cas échéant lors de la planification de la recherche). Cette personne devrait connaître la langue et notamment la terminologie médicale mais aussi les usages, la culture, les traditions, la religion et les spécificités ethniques. Sa présence pourra être requise tout au long de l'intervention médicale (et/ou de l'essai clinique), pour faciliter les échanges y compris, par exemple, dans le cadre du signalement d’un événement indésirable.
Services à l'hôpital universitaire Azienda Ospedaliero-Universitaria (AOU) Meyer de Florence - Italie
Il y a une vingtaine d’années, dans un contexte national et régional d'immigration croissante, l'hôpital universitaire pour enfants Meyer a pris des mesures pour répondre aux besoins de santé des enfants migrants et de leurs familles, notamment en assurant une information appropriée.
L'hôpital a mis en place une médiation culturelle et linguistique dans différentes langues (dont l'albanais, l'arabe, le chinois, le roumain, le somali, le français, l'anglais, l'espagnol, le polonais, le tchèque, le slovaque, le macédonien, le serbo-croate, l'allemand et le philippin). Un service d'interprétation a également été mis à disposition par téléphone, notamment en cas d'urgence.
proposition du personnel hospitalier, une équipe interculturelle dite « SOS » a également été mise en place. Ce groupe est composé de professionnels travaillant à l'hôpital et possédant des compétences linguistiques dans dix langues différentes (albanais, arabe, bulgare, français, anglais, iranien, roumain, espagnol, allemand et hongrois). Cette équipe ne s'est pas substituée aux services officiels de médiation culturelle et linguistique, mais elle les a remplacés en cas d'urgence, sur place ou par téléphone.
Pour garantir le respect des dimensions spirituelles et culturelles de la santé, l'hôpital diffuse dans tous les départements et services les contacts des entités religieuses présentes dans la région. Il a également établi un protocole entre l'hôpital et les communautés religieuses afin de garantir l'assistance religieuse nécessaire aux patients issus de l'immigration et a préparé des calendriers « interculturels », qui ont été partagés dans tous les services afin d'accroître la sensibilisation aux principaux événements religieux. L'hôpital propose également des menus « libres et flexibles », traduits dans différentes langues, afin de garantir, dans la mesure du possible, le respect des différentes habitudes alimentaires culturelles et sociales.
En savoir plus: Garantir le droit des enfants migrants aux soins de santé : The Response of Hospitals and Health Services, Background Paper, International Organization for Migration (IOM), 2009, pp.32-33
Services at Hôpital Necker in Paris - France
Mis en place à l’hôpital Necker-Enfants malades depuis janvier 2014, la médiation transculturelle est un outil d’aide pour l’ensemble des équipes médicales de l’établissement pour faire face à un blocage thérapeutique ou une non-adhésion aux soins et notamment quand il apparaît que des éléments culturels semblent être un facteur déterminant de ceux-ci.
Un projet innovant Ce dispositif de médiation transculturelle est novateur en France. Il s’agit d’une expérience pilote dans un hôpital de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), elle est le fruit de la collaboration avec le Centre BABEL et des services de pédopsychiatrie de Necker et Cochin (Maison des adolescents).
La médiation transculturelle permet d’aider les équipes médicales à mieux comprendre les problématiques des patients en les restituant dans leur contexte culturel.
En effet, aujourd’hui, l’univers hospitalier est confronté plus que jamais à la diversité culturelle. L’outil de médiation transculturelle va aider à faire dialoguer deux mondes qui ne parlent pas forcément le même langage et qui possèdent des codes bien différents.
Grâce à ce dialogue, le patient pourra comprendre ce que sous-entend l’intervention médicale, ce qui peut éviter des malentendus pouvant nuire à sa prise en charge. Pour leur part, les soignants adapteront leurs projets de soins en tenant compte du sens que prend la maladie dans le parcours de vie des patients.
Les situations pouvant susciter des divergences de vue entre les parties et le désaccord de l’enfant peuvent être de nature variée et plus ou moins grave. Elles peuvent survenir dans tous les domaines de la santé. En voici quelques exemples, accompagnés de pistes pour dépasser les tensions.
1. Différences de points de vue sur la participation à une enquête de santé
Le partage d’informations à caractère médical, qui ne constitue pas une procédure médicale à proprement parler, peut faire l’objet de mésententes. Par exemple, un enfant peut souhaiter participer à une enquête de santé ou à une évaluation des besoins, alors que ses parents ne sont pas d'accord
Dans ce cas, il convient d'examiner les motifs de réticence des parents et, dans la mesure du possible, de les rassurer par rapport à des craintes non fondées (par exemple au sujet des modalités d’utilisation des informations ou de stockage des données). Lors de l'évaluation de l'intérêt supérieur de l’enfant, les professionnels de santé doivent ainsi rester objectifs et envisager l’hypothèse que les parents puissent parfois (par exemple en cas de violence intrafamiliale) essayer d’empêcher leur enfant de faire part de ses préoccupations et de ses besoins. Pour faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant, une des solutions peut alors consister à se montrer convaincant afin que l'enfant puisse participer, pour autant que le cadre juridique national le permette.
2. Différences de points de vue sur la vaccination
Concernant les soins de santé primaires, la vaccination peut susciter la controverse au sein des familles. Il n'est pas rare que les enfants ou les adolescents souhaitent être vaccinés alors que les parents y sont réticents, comme on le constate par exemple pour la covid-19 ou le papillomavirus humain. Cette réticence peut en fait refléter les préoccupations personnelles des parents ou résulter d'une mauvaise compréhension ou d’informations erronées.
Il peut être rassurant et utile, dans certains cas, de fournir des informations précises et claires sur l'objectif de l'intervention, en restant objectif et en évitant d’être directif. De même, il peut être bon d’expliquer aux parents quels sont les droits de leur enfant et pourquoi ces droits sont importants, car les parents n’en sont pas toujours conscients ou peuvent se montrer sceptiques.
Parfois, les convictions morales, religieuses ou culturelles peuvent alimenter les conflits liés aux décisions médicales. Ces éléments devraient être identifiés et abordés de manière respectueuse le plus tôt possible et les discussions devraient être franches et transparentes, en partant toujours du principe que l'objectif premier de la prise de décision reste l'intérêt supérieur du jeune patient. Dans ce type de situation, il peut être opportun de demander, si possible, le soutien et la médiation d'un responsable religieux ou communautaire de confiance (CoughlinKevin W. Coughlin, Medical decision-making in paediatrics: Infancy to adolescence, Canadian Paediatric Society, Bioethics Committee, Ottawa, Ontario).
3. Un enfant résiste ou refuse la pose d'un cathéter ou une prise de sang
Face à une décision urgente ou une mesure d’urgence, comme la pose d'un cathéter permettant d’administrer un médicament pour traiter une infection grave ou une prise de sang pour un examen important, il n'est pas rare que l’enfant refuse de prime abord ou ne veuille pas du tout s’y soumettre, surtout s'il est en bas âge.
Dans un tel contexte, la négociation peut être exclue car il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de recevoir le traitement. Pour autant, il convient d'en expliquer les raisons à l'enfant avec soin et bienveillance. En outre, l'enfant devrait toujours se voir offrir la possibilité de faire des choix pour exercer un certain contrôle et une influence sur les soins dispensés – position (assise ou allongée), piqûre au bras ou à la main gauche ou droit(e), etc. Il est également important de choisir les traitements les moins intrusifs possibles et de rechercher des alternatives acceptables pour l'enfant.
4. Différences de points de vue sur les questions sexuelles et reproductives
Des divergences de vues peuvent également survenir dans des situations liées à des questions sexuelles et reproductives, par exemple dans le cas où un adolescent demande des conseils ou des soins de santé parce qu'il craint une maladie sexuellement transmissible dont il ne souhaite pas parler avec ses parents
Le droit de l'enfant à la confidentialité et à l'accès au conseil est important et devrait être respecté.
Dans de telles circonstances, les professionnels de santé peuvent encourager les enfants à s’ouvrir à leur(s) parent(s) et proposer un soutien et une médiation entre enfant et parent(s) si nécessaire.
Parallèlement, les professionnels de santé ont également le devoir d'évaluer les circonstances afin de déterminer si l'enfant se trouve dans une situation de maltraitance et a besoin d'être protégé, ou si son bien-être mental et physique est menacé. Il est nécessaire que les professionnels de santé mettent en balance ces facteurs, ainsi que d'autres, pour déterminer l'intérêt supérieur de l'enfant et décider s'il est nécessaire d'informer les parents.
5. Différences de points de vue sur la poursuite du traitement
Les désaccords entre enfants et parents ou professionnels de santé peuvent avoir des implications particulièrement graves, notamment lorsqu’ils concernent l'opportunité de poursuivre un traitement actif ou des interventions lorsqu'il y a peu d'espoir de guérison (par exemple un traitement contre le cancer après que les précédents traitements ont échoué).
L'intervention proposée devrait alors être différée, le temps d’essayer de trouver un compromis. De telles situations impliquent toujours une forte charge émotionnelle et les professionnels de santé devraient faire preuve de compassion mais aussi d'objectivité pour faciliter la compréhension et le respect des divergences d'opinion entre les enfants et leurs parents/représentants légaux. Il convient d’accueillir et de respecter les objections soulevées par les enfants capables de se forger une opinion, et de tenir compte de l'avis des représentants légaux pour interpréter les souhaits des enfants.
Dans certaines situations, il peut arriver qu’un enfant qui s’oppose physiquement à une procédure soit contenu ou maintenu physiquement, afin que lui soient prodigués des soins ou lui éviter un préjudice plus important. Le cas se produit généralement avec de jeunes enfants nécessitant des soins urgents, mais aussi dans des situations complexes liées à des problématiques de santé mentale.
Les situations de ce type sont souvent une source de conflit éthique pour les professionnels de santé et compliquent l'application des droits de l'enfant. Le recours à l’immobilisation ou à la contention physique doit être strictement encadré d’un point de vue juridique. Il est important que les professionnels de santé reçoivent une formation et un soutien appropriés concernant le recours à ces mesures exceptionnelles et qu’ils soient formés à des techniques (alternatives) permettant d’éviter de telles mesures.
Par exemple, au Royaume-Uni, le Royal College of Nursing publie des orientations spécifiques sur les interventions physiques restrictives et la contention physique (physical holding) des enfants et des jeunes.
La communication ouverte est souvent la clé pour résoudre les problèmes, mais il arrive que de graves désaccords subsistent entre les parents, les enfants et les professionnels de santé au sujet de l'intérêt supérieur de l'enfant, même à l’issue d’un processus décisionnel collaboratif. Dans le cadre de ses fonctions, le professionnel de santé doit alors jouer un rôle de médiateur et contribuer à rétablir des relations positives (CoughlinKevin W. Coughlin, Medical decision-making in paediatrics: Infancy to adolescence, Canadian Paediatric Society, Bioethics Committee, Ottawa, Ontario).
Les actions suivantes peuvent être utiles pour atténuer les conflits :
Les enfants, les parents/représentants légaux et les professionnels de santé devraient être accompagnés aux fins d’identifier clairement les facteurs qui nourrissent le conflit et de discuter des objectifs du traitement proposé ou de la recherche.
Le fait de discuter au préalable des attentes, limites et incertitudes liées aux différentes possibilités de traitement ainsi que des résultats peut aider à parvenir à des protocoles de traitement (ou de recherche) acceptables pour tous
Les cas devraient être discutés au sein d'équipes pluridisciplinaires
Il convient d’encourager le maintien du dialogue et/ou d'orienter vers un deuxième avis médical indépendant
Il est possible de trouver conseil ou de bénéficier d’un soutien à la médiation auprès d’un intervenant en soins spirituels, d’un travailleur social, de ses pairs, d’un expert en relations avec les patients, d’un bioéthicien ou d’un comité de bioéthique, ou encore d’un conseiller juridique institutionnel ou personnel.
Dans les situations très graves ou compliquées (lorsque la vie de l'enfant est en danger ou qu'un préjudice grave et permanent risque de se produire), il peut être demandé à un tribunal de statuer sur le bien-fondé d’un traitement particulier.
Orientations du ministère de la Santé sur la gestion des points de vue contradictoires - France
Le ministère français de la santé a publié des lignes directrices pour aider les professionnels de santé à faire face aux cas où l'enfant refuse, et où le(s) parent(s) ou le(s) titulaire(s) de l'autorité parentale refuse(nt) une intervention. Il aborde également la situation spécifique de l'opposition à la transfusion sanguine. Les lignes directrices sont conformes à la législation nationale. Elles font la distinction entre les situations urgentes et non urgentes.
Extrait
2-4-Le refus de soins exprimé par le mineur
La participation du mineur à la décision, le recueil de son point de vue ne peuvent prévaloir sur la décision des titulaires de l’autorité parentale.
Les mineurs ne peuvent ainsi refuser leur hospitalisation.
Lorsque ce dernier refuse par lassitude, par crainte de la douleur voire en cas de conséquences irréversibles, la gestion exigera un dialogue approprié.
L’équipe médicale en lien avec la famille devra tenter de convaincre le mineur.
Lorsque les actes médicaux pratiqués sur le mineur ne sont pas nécessaires à sa santé, l’enfant bénéficie d’un droit de véto interdisant aux titulaires de l’autorité parentale de lui imposer l’acte en question. Ainsi sont concernés les prélèvements de moelle osseuse au profit d’un membre de son entourage ou encore la participation à une recherche biomédicale.
2-5-Le refus de soins exprimé par un ou des titulaires de l’autorité parentale
Il peut arriver que les parents ou représentants légaux des mineurs s’opposent à ce qu’un traitement ou une intervention chirurgicale soit effectué ou qu’ils décident de faire sortir l’enfant de l’établissement de santé contre l’avis des médecins.
La question est de savoir dans quelle mesure le personnel hospitalier peut intervenir pour protéger l’enfant et cela contre la volonté des parents.
La loi prévoit que le médecin doit respecter la volonté des parents après les avoir informés des conséquences de leur choix.
Lorsque la santé ou l’intégrité corporelle du mineur risque d’être compromises par le refus du représentant légal du mineur ou l’impossibilité de recueillir le consentement de celui- ci, le médecin doit avertir le médecin responsable du service qui peut saisir le procureur de la République afin de provoquer les mesures d’assistance éducative lui permettant de donner les soins qui s’imposent.
En cas d’extrême urgence, la loi impose que le médecin délivre les soins indispensables à savoir ceux qui mettront le jeune patient à l’abri des conséquences graves pour sa santé. Le médecin prend donc dans ce cas la décision d’intervenir après avis d’un autre médecin et dressera ensuite une attestation d’urgence de la situation, cela sans attendre une mesure d’assistance éducative du Parquet.
En l’absence d’urgence, lorsque les parents ou le représentant légal refusent de signer l’autorisation de soins ou bien si leur consentement ne peut être recueilli, il ne peut être procédé à aucun acte de soins, ils devront signer un certificat de refus de soins. Les parents peuvent se prévaloir des dispositions du code de la santé publique lorsqu’il s’agit de soins qui ne mettent pas en cause de façon significative l’état de santé du mineur ou si l’abstention de soins s’inscrit dans un contexte culturel de la famille et de ses convictions propres en matière de santé.
S’il n’y a pas d’urgence mais que l’acte médical ou chirurgical est indispensable, le médecin doit prévenir le directeur qui alertera le procureur de la République afin qu’une mesure d’assistance éducative soit prise. Il conviendra de joindre le parquet de permanence.
- Le médecin mentionnera dans le dossier médical la nécessité des soins, la proportionnalité de l’acte, l’impossibilité d’obtenir l’accord des titulaires de l’autorité parentale en précisant les moyens mis en œuvre pour les faire changer d’avis.
- La décision d’opérer doit être signée par le médecin et cosignée par un représentant de l’administration hospitalière ou par un médecin sans lien hiérarchique (vérifier faisabilité)
2-6-Le cas du refus de transfusion sanguine
En cas d’urgence, il faut informer les parents du risque encouru pour l’enfant s’il n’est pas transfusé.
Si l’opposition persiste, il faut provoquer une procédure d’assistance éducative du parquet levant l’autorité parentale.
Le médecin prend alors la décision de transfuser l’enfant du fait de l’urgence de la situation.
Si la transfusion sanguine n’est pas indispensable à la survie de l’enfant et que les parents ou le représentant légal la refusent, ils devront signer un certificat de refus de soins.
Fiche n°3 : Information et consentement aux soins d'un mineur
L'hôpital pour enfants met en place un comité d'éthique clinique, chargé de conseiller et de résoudre les conflits - Italie
L'objectif du comité d'éthique clinique au sein de l'Ospedale Pediatrico Bambino Gesu' à Rome est d'identifier, d'analyser et de proposer des résolutions aux problèmes et conflits éthiques qui surviennent dans le cadre des soins aux patients.
Douze cas impliquant des enfants ont été portés à l'attention du Comité en 2021, 15 cas en 2022 et 11 cas entre janvier et juillet 2023. Les chiffres incluent toutes les consultations avec la personne-ressource en bioéthique dont certaines ont été discutées et évaluées avec le Comité.
Les cas cliniques sont analysés selon quatre critères : 1) les indications pour l’intervention médicale : quel est le problème médical et comment peut-il être résolu ; 2) les préférences du patient : ce que veulent les parents et, lorsque l'enfant peut s'exprimer, ce que préfère le patient; 3) la qualité de vie : par rapport aux conditions actuelles, comment la vie future du patient peut-elle être améliorée ; 4) le contexte: par exemple, les besoins de la fratrie, la proximité ou la distance par rapport à l'hôpital, les problèmes économiques ou sociaux.
Le sujet qui suscite le plus de questions éthiques posées au service de bioéthique et au Comité d'éthique est celui de l’acharnement ou obstination thérapeutique. Surtout en pédiatrie, l’obstination clinique et l’obstination expérimentale sont souvent pratiquées parce que, presque instinctivement, même à la demande des parents (en raison de sentiments émotionnels compréhensibles), le médecin est enclin à faire ce que les parents souhaitent et à faire tout ce qui est possible (à la fois pharmacologiquement et technologiquement) pour préserver la vie de l'enfant, sans tenir compte des effets négatifs en termes de résultats et de douleur et de souffrance supplémentaires. Parfois, l’obstination clinique est pratiquée consciemment pour se défendre contre d'éventuelles accusations de non-assistance médicale ou d'interruption active des soins ou des traitements de maintien en vie (ce que l'on appelle la « médecine défensive »). Dans la majorité des cas, l’obstination clinique s'accompagne de l'utilisation de technologies souvent sophistiquées. C'est pourquoi le terme « obstination clinique » est également associé à « obstination technologique ». Il est nécessaire de traiter les questions relatives à l’obstination clinique en pédiatrie au cas par cas, en tenant compte des circonstances spécifiques à chaque situation. Une augmentation de ces situations est prévisible dans l'environnement pédiatrique étant donné les développements rapides de la science et de la technologie.
Les principales leçons tirées par le Comité dans ce contexte sont les suivantes :
En premier lieu, la nécessité d'identifier l'obstination clinique à l'aide d'éléments scientifiques et médicaux qui décrivent l'état clinique du patient, car en pédiatrie, les éléments subjectifs qui se réfèrent à l'expérience du patient font souvent défaut. Dans le cas des enfants, il manque une participation suffisamment consciente au choix, car ils peuvent ne pas être en mesure de s'exprimer en raison de leur âge ou de leur immaturité, ou en tout cas se trouver dans une situation incompatible avec l'autonomie ou la pleine connaissance. La description de l'état clinique est nécessaire pour justifier d’une éventuelle suspension progressive d'un traitement médical en cours chez des enfants dont le pronostic est négatif et dont l'espérance de vie est limitée, excluant toute possibilité raisonnable de guérison et d'amélioration de l'état clinique, mais ne faisant qu'accroître la douleur et la souffrance de l'enfant. La réalité est souvent encore plus complexe : certains enfants n'ont pas de diagnostic (comme c'est le cas, par exemple, dans le cas des maladies rares) ; d'autres ont un diagnostic, mais pas de pronostic. Il faut toujours considérer que chez les enfants, le caractère imprévisible de l'évolution du cadre clinique exige une attention particulière dans l'examen minutieux de chaque terme utilisé ; même la référence à l' « incurabilité » est dynamique, révisable en fonction de l'évaluation de l'évolution de la pathologie, des progrès rapides de la science médicale ; c'est encore plus vrai pour les expressions « phase terminale » ou « imminence de la mort » qui sont temporellement et cliniquement vagues compte tenu de la difficulté du pronostic. Et même la douleur et la souffrance ne sont pas facilement détectables et restent difficiles à mesurer, surtout chez les enfants. L'intérêt supérieur de l'enfant devrait être le critère dont on doit s’inspirer dans chaque situation rencontrée et devrait être défini à partir de l'état clinique contingent. Les médecins devraient éviter de mettre en œuvre des approches cliniques inefficaces et disproportionnées dans le seul but de répondre aux demandes des parents et/ou de satisfaire aux critères de la médecine défensive. Le Comité aide les médecins et les parents (souvent par le biais d'auditions et d'un échange direct lors de réunions) à fonder leur réflexion sur l'intérêt supérieur de l'enfant.
Un deuxième élément important est la communication. La décision de l'équipe médicale devrait nécessairement être prise en associant les parents au traitement et la prise en charge des enfants, en s’efforçant de faire preuve d’empathie face à la situation dramatique à laquelle les parents sont confrontés, de leur consacrer du temps et de l'espace durant les échanges. L'information aux parents devrait être donnée par une équipe médicale pluri-spécialisée, de composition variable en fonction de la typologie de la maladie de l'enfant, de l'examen des implications cliniques possibles qui y sont associées, des risques et des bénéfices des traitements et de leurs contraintes. Il convient de garder à l'esprit que les informations ne peuvent pas toujours avoir un contenu clair et définitif, compte tenu de la complexité, de l'incertitude et du caractère imprévisible de l’état de santé. Cependant, l'information devrait être continue pendant toute la durée du processus thérapeutique, y compris lors de l'élaboration de plans de traitement ou de décisions partagées, en fonction de l'évolution de l'état de l'enfant dans le contexte d'une relation de soins, afin de créer un climat de confiance entre les médecins et la famille. Il est souvent nécessaire d'impliquer des psychologues dans le processus pour soutenir à la fois les parents et les enfants. La qualité de vie des enfants et des parents devrait être prise en compte, ainsi que le contexte (conditions culturelles et sociodémographiques).
Un troisième élément est la nécessité de former les médecins et le personnel de santé, de créer une équipe de professionnels (avec des travailleurs sociaux, des psychologues, des experts en bioéthique, des associations de familles) capables de soutenir les parents sur le plan émotionnel et pratique et de les accompagner sur le chemin difficile de la maladie et de l'enfant dans des conditions cliniques extrêmement précaires. Il convient également de reconnaître le rôle important des associations de parents d'enfants malades afin de consolider les réseaux de soutien existants.
https://www.ospedalebambinogesu.it/etica-clinica-in-pediatria-89876/
Des alternatives à la contention - France
La vision de SPARADRAP, « association pour aider les enfants à avoir moins peur et moins mal lors des soins et à l'hôpital », est d’œuvrer pour la prévention, la santé des enfants et des adolescents et l’humanisation des soins.
L’association a pour mission : 1) d’informer, conseiller et préparer les enfants à toute situation de soin, examen médical, visite médicale, et hospitalisation et accompagner leurs proches dans ce sens ; 2) de participer à la prévention à destination des enfants et des adolescents, 3) de sensibiliser et former les professionnels de santé et de l’enfance pour faire évoluer les organisations et les pratiques vers plus de respect des besoins des enfants, 4) de favoriser une meilleure prise en charge de la douleur de l’enfant, 5) de valoriser la présence des proches lorsque l’enfant est soigné ou hospitalisé.
L’association a consacré un dossier à la contention des enfants. Celui-ci a pour objectif de donner aux professionnels des pistes de réflexion et d’analyse concernant l’utilisation de la contention dans leur pratique quotidienne et propose des alternatives pour l’éviter ou la limiter. Parmi les stratégies à mettre en place, il est question, par exemple, de limiter la douleur par l’analgésie, de la bonne installation des enfants (par exemple, privilégier la position semi-assise plutôt que la position couchée), de bien préparer l’intervention en informant et discutant en amont, pendant l’intervention, de détourner l’attention de l’enfant et de le distraire, de faire des, de demander à l’enfant de reproduire les gestes du soignant sur un jouet, etc.