La propagande, la désinformation et les infox peuvent polariser l'opinion publique, promouvoir l'extrémisme violent et les discours haineux et, en fin de compte, saper les démocraties et réduire la confiance dans les processus démocratiques.

Il est vital pour les écoles d'offrir aux élèves une solide éducation aux médias et à l'information dans le cadre du programme scolaire.

Les enseignants doivent être bien formés dans la matière afin de donner aux élèves les compétences nécessaires pour comprendre et évaluer de manière critique l'information rapportée par tous les médias.

Les projets en partenariat avec les autorités nationales et locales et les organisations de médias sont encouragés.
 


Faits & chiffres

Deux tiers des citoyens de l’Union européenne déclarent lire ou entendre des fausses nouvelles au moins une fois par semaine.[1]

Plus de 80 % des citoyens de l’Union européenne considèrent que l’existence de fausses nouvelles constitue un problème pour leur pays et pour la démocratie en général.[2]

La moitié des citoyens de l’Union européenne âgés de 15 à 30 ans déclarent que des compétences en matière d’information et d’analyse critique leur sont nécessaires pour les aider à combattre les fausses nouvelles et l’extrémisme dans la société.[3]


Qu’entend-on par propagande, désinformation et fausses nouvelles ?

Les termes « propagande », « désinformation » et « fausses nouvelles » ont parfois des significations qui se recoupent. Ils sont utilisés pour désigner les diverses formes sous lesquelles le partage de l’information peut - intentionnellement ou non - causer un préjudice - généralement en lien avec la défense d’une cause ou d’une vision morale ou politique particulière.

On distingue à ce titre trois utilisations bien différentes de l’information :

  • La mésinformation : information fausse qui n’est pas partagée dans l’intention de nuire
  • La désinformation : information fausse qui est délibérément partagée pour porter préjudice
  • L’information malveillante : information fondée sur des faits réels, utilisée pour porter préjudice[4]

Bien qu’aucun de ces phénomènes ne soit nouveau, ils ont récemment pris une ampleur inédite du fait de la généralisation de formes sophistiquées de technologie de l’information et de la communication. Le partage de textes, d’images, de vidéos ou de liens en ligne, notamment, permet à l’information de se propager en quelques heures.


Pourquoi est-ce important de sensibiliser à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles à l’école ?

La place que les technologies de l’information et de la communication occupent actuellement dans la vie des jeunes est telle que ceux-ci se trouvent particulièrement exposés à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles. Ils passent beaucoup de temps à regarder la télévision, à jouer en ligne, à chatter, à bloguer, à écouter de la musique, à poster des photos d’eux et à chercher d’autres personnes avec lesquelles communiquer en ligne. Leur connaissance du monde et leur perception de la réalité s’appuient dans une très large mesure sur les informations diffusées en ligne. Beaucoup de parents ne possèdent pas les compétences techniques suffisantes pour suivre l’activité en ligne de leurs enfants ou pour les sensibiliser aux dangers auxquels ils pourraient être exposés. Les écoles sont donc tenues de doter les jeunes des compétences en matière d’information et de réflexion critique qu’ils ne peuvent acquérir chez eux.

« La forte progression des fausses nouvelles et de la propagande ces dernières années rend essentielle l’acquisition par les élèves de compétences leur permettant de discerner le vrai du faux et de reconnaître un éventuel parti pris[5] ».

La capacité à faire preuve d’esprit critique face à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles en ligne n’est pas qu’un outil de protection, c’est aussi une compétence démocratique essentielle à part entière. Les capacités d’analyse et de réflexion critique, la connaissance et la compréhension critique du monde, y compris le rôle des compétences linguistiques et de communication, sont au cœur du Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie du Conseil de l’Europe. Elles occupent une place essentielle dans l’éducation à la citoyenneté numérique et l’éducation aux médias et à l’information.[6]

« Il est absolument crucial que les établissements scolaires forment les futurs citoyens à la compréhension, à la critique et à la création d’informations. C’est à l’école que les citoyens doivent développer, et conserver, un esprit critique leur permettant de participer réellement à leur communauté[7]».

La capacité à faire face à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles tant en ligne que hors ligne est également une compétence essentielle enseignée dans un certain nombre d’autres matières, comme l’histoire, la sociologie, les sciences, les études religieuses et l’art. Les jeunes peuvent par exemple étudier l’utilisation des slogans nationalistes et patriotiques, ou ce que l’on appelle la « propagande d’atrocités » pendant la première guerre mondiale en histoire ou les formes d’art mises au service d’idéologies particulières dans les cours d’art.

La publication sur les réseaux sociaux de commentaires négatifs visant les enseignants et les établissements est autre problème que les technologies de l’information et de la communication peuvent poser pour les établissements scolaires. Ceux-ci constatent que les parents ainsi que d’autres personnes ont de plus en plus tendance à recourir aux médias sociaux en cas de litige ou de désaccord avec l’école, concernant par exemple le règlement ou la politique de l’école ou l’attitude du personnel. Dans certains établissements, la question de savoir comment réagir face aux commentaires ou aux campagnes critiques ou diffamatoires relayés en ligne est devenue un sujet de préoccupation pour les chefs et directeurs d’établissement[8].


Quelles sont les difficultés qui se posent ?

Les établissements qui cherchent à traiter la propagande, la désinformation et les fausses nouvelles comme un enjeu pédagogique ou social se heurtent à un certain nombre de difficultés :

  • L’activité en ligne des enseignants et leur expérience dans ce domaine sont généralement assez limitées et font qu’ils sont souvent à la traîne par rapport à leurs élèves. Dès lors, ceux qui ne s’investissent pas suffisamment dans leur propre développement professionnel peuvent hésiter à aborder ces thèmes en classe.
  • La technologie et l’activité en ligne des jeunes évoluent à une vitesse telle qu’il est difficile pour les enseignants de se tenir informés des dernières nouveautés dans ce domaine. Les programmes de perfectionnement professionnel eux-mêmes peuvent rapidement devenir obsolètes.
  • Il peut s’avérer difficile de trouver un créneau ponctuel dans l’emploi du temps des élèves pour étudier les questions de création et de partage de l’information. S’il est possible d’en aborder certains aspects dans différentes matières, il peut être problématique de trouver une fenêtre dans un programme déjà surchargé pour aborder de front ces phénomènes comme des sujets à part entière.
  • L’expression « fausses nouvelles » ne signifie pas qu’il existe une catégorie de « vraies » nouvelles. Toutes les nouvelles sont sélectionnées et rédigées pour un public précis dans un but précis. Il peut être difficile pour certains établissements d’offrir la profondeur d’analyse et les compétences spécialisées pour traiter ces questions avec justesse, notamment en termes de compétence et de formation des enseignants.

« Les États doivent prendre des mesures pour promouvoir l’éducation aux médias et aux technologies numériques, notamment en abordant ces questions dans le cadre du programme scolaire ordinaire et en s’associant à la société civile et aux autres parties prenantes pour sensibiliser l’opinion à ces questions[9] ».


Que peuvent faire les écoles ?

Il est essentiel que les enseignants soient formés à l’éducation aux médias et à l’information pour donner plus de visibilité à cette question à l’école. Même si les programmes ont tendance à devenir rapidement obsolètes, la formation aura au moins le mérite de sensibiliser le corps enseignant à l’importance que ce domaine d’apprentissage revêt pour leurs élèves. Plus les enseignants y accorderont de l’importance, plus ils ressentiront eux-mêmes le besoin de mettre constamment à niveau leurs compétences.

S’il importe pour ce faire de recruter le plus grand nombre possible d’enseignants, il peut s’avérer plus efficace à long terme de commencer par désigner un enseignant, ou une petite équipe, qui sera responsable de l’éducation aux médias et à l’information à l’école. Ce ou ces spécialistes pourraient être chargés :

  • de tenir le personnel informé des dernières évolutions dans le domaine des technologies de l’information et de la communication
  • de le former aux stratégies de gestion de la propagande, de la désinformation et des fausses nouvelles
  • de l’aider à intégrer ces questions au programme de différentes matières
  • de conduire l’élaboration de la politique de l’école et la planification des actions dans ce domaine.

Ces initiatives ne sont pas les seules qu’un établissement peut prendre pour répondre aux défis que pose l’évolution rapide de l’univers de la propagande, de la désinformation et des fausses nouvelles en ligne. Il peut notamment :

  • organiser des journées ou des événements spéciaux à l’école sur le thème de la propagande, de la désinformation ou des fausses nouvelles et ainsi contourner le problème de la surcharge du programme scolaire
  • prévoir des initiatives d’éducation par les pairs dans le cadre desquelles des élèves plus anciens forment et conseillent les plus jeunes sur le maniement sans danger des informations auxquelles ils ont accès dans les médias
  • établir des partenariats avec des professionnels extérieurs ou des entreprises spécialisées dans ce domaine (journalistes, sociétés informatiques, universités par exemple)
  • tisser des liens virtuels avec les écoles d’autres régions ou pays pour offrir aux élèves un point de vue différent sur l’actualité
  • recruter des parents qui sont spécialisés dans les technologies de l’information et de la communication pour participer à l’élaboration des politiques de l’établissement ou collaborer avec les enseignants pour enrichir l’apprentissage des élèves.

 

[1] Eurobaromètre Flash 464 , 2018

[2] Ibid.

[3] Eurobaromètre Flash 455, 2018

[4] Wardle & Derakhshan, H., 2017. Désordres de l’information : vers un cadre interdisciplinaire pour la recherche et l’élaboration des politiques, Strasbourg, France : Conseil de l’Europe.

[5] When is fake news propaganda?, Facing History and Ourselves, 2018

[6] Manuel d’éducation à la citoyenneté numérique, 2019

[7] Ibid.

[8] Conseil de l’Europe : Managing Controversy: a whole school training tool, 2017

[9] OSCE et UNHCR, Déclaration conjointe sur la liberté d’expression, les « fausses nouvelles », la désinformation et la propagande, 2017

  Ressources pour faire face à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles

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Adresse : 37 avenue du général Leclerc, 91120 Palaiseau

Pays : France

Site web de l'école


Projet : Sur les traces de Jankiel Fensterszab, la vie juive avant la Shoah, en quête d’Histoire…

Langue de travail durant votre projet :

  • Français
     

Thèmes de la Campagne du Conseil de l'Europe "S’exprimer en toute liberté, apprendre en toute sécurité - Des écoles démocratiques pour tous" couverts par votre projet :

  • Traiter des questions controversées
  • Faire face à la propagande, à la désinformation et aux fausses nouvelles
  • Lutter contre les discriminations
     

Compétences du Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie (CCD) abordées durant votre projet et façons dont elles ont été intégrées :

  • Connaissance et compréhension critique du monde

    Notre projet consistait à mener une enquête historique sur Jankiel Fensterszab, déporté dans le dernier grand convoi parti de France vers Auschwitz (projet européen Convoi 77)
    A travers cette enquête menée avec les élèves, nous voulions montrer aux élèves l’importance de vérifier les sources, de les croiser afin de rédiger une biographie au plus près de la vérité. Nous avons travaillé avec une journaliste, Louise Gamichon, qui a montré aux élèves le travail du journaliste, sa déontologie, ses recherches (proches de celles de l’historien) avant de rédiger un article. Elle a travaillé sur les Fake news avec les élèves.
    L’autre finalité était de réfléchir avec les élèves à l’antisémitisme replacé dans une histoire longue (antijudaïsme devenu antisémitisme). Ce projet, mené sur un an, a permis aux élèves de poser toutes les questions et d’y répondre de façon argumentée en donnant un ancrage historique. Les élèves ont compris que les préjugés sont souvent liés à une méconnaissance voire une ignorance de l’Histoire.

  • Valoriser la dignité humaine et les droits de l'homme
    Ce projet sur la Shoah nous a permis d’étudier les Droits universels de l’Homme : l’Égalité et la Dignité, mais aussi la Fraternité. Nous avons montré la richesse de l’altérité dans notre société multiculturelle. “Si tu diffères de moi mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis” (Antoine de Saint Exupéry)
    Mais surtout nous avons réfléchi avec les élèves à la nécessité de faire vivre ces valeurs, de les défendre. Leur simple connaissance ne suffit pas.
  • L'esprit civique

    La dimension civique de ce projet est essentielle. Une des finalités était de questionner la société actuelle et toutes les formes de racisme et de discrimination. Nous avons réfléchi avec les élèves à l’engagement que chacun peut avoir pour lutter contre. Dans la classe se trouvaient deux élèves récemment arrivés en France (un élève venu de Syrie et une élève venue de Côte d’Ivoire). Ils ont pu expliquer leurs parcours migratoires, les difficultés à s’intégrer dans un pays nouveau dont on ne maitrise pas encore la langue ni les “codes”.
    Comment s’engager dans notre société pour lutter contre les discriminations et le racisme était un des axes de notre projet.

  • Compétences en matière de coopération
    A travers ce projet de classe mené tout au long de l’année scolaire, nous voulions tisser des liens entre les élèves de la classe. Nous voulions qu’ils apprennent à travailler ensemble dans le but de créer une œuvre commune qui serait la somme de leur participation. Les élèves sont venus 2 heures par semaine toute l’année pour participer à un atelier théâtre animé par un comédien professionnel. Ils ont écrit avec le comédien une pièce de théâtre et ont ensuite choisi d’être acteur, éclairagiste, costumier, photographe… Le spectacle de fin d’année est le résultat de l’engagement de chacun dans ce travail artistique (mise en scène artistique de notre enquête historique).
     

Tranche d’âge du groupe cible :

  • 11 - 15
     

Niveau d’études :

  • Enseignement secondaire (collège)

Courte description du projet :

Le but de ce projet interdisciplinaire était de rédiger la biographie de Jankiel Fensterszab, juif polonais résidant en France et déporté à Auschwitz par le convoi 77, le 31 juillet 1944 en travaillant avec une classe de 3ème sur des archives et des témoignages. Ce travail de recherche s’inscrit dans le projet européen Convoi 77.
 

Buts/Objectifs

Un des objectifs était d’initier - très modestement - au travail (outils et méthodes) de l’historien. Le travail d’enquête nous a conduit dans les archives mais aussi sur les lieux où avait vécu Jankiel Fensterszab. Nous avons ainsi pu aborder la vie juive avant la Shoah (et notamment l’antisémitisme et l’immigration d’une partie de la population juive d’Europe de l’Est). Cette thématique n’est pas abordée dans les programmes d’histoire et pourtant elle nous paraît essentielle pour comprendre ce qu’a été la réalité de la Shoah, dont une des conséquences est la disparition presque totale de la culture juive d’Europe centrale

Une journaliste est venue dans la classe pour expliquer son travail, préparer les rencontres avec les témoins mais aussi plus largement travailler avec les élèves sur les Fake news.

L’autre objectif était de faire participer toute la classe à un travail artistique afin que chacun puisse s’exprimer en fonction de ses compétences, de ses appétences ou de ses envies. Dans cette classe se trouvaient des enfants allophones, un enfant autiste. Tout au long de l’année scolaire les élèves sont venus deux heures par semaine pour participer à un atelier théâtre animé par un comédien professionnel (la pièce écrite par les élèves et le comédien retraçait la vie de Jankiel Fensterszab et notre enquête historique). Ils ont également participé à un atelier animé par un artiste plasticien d’une durée de deux jours. En fin d’année les élèves ont joué la pièce de théâtre et exposé les œuvres réalisées.

Le troisième objectif était de réfléchir avec les élèves à l’antisémitisme et à toutes les formes de racisme encore présents dans notre société. Et pour cela dépasser la simple transmission de connaissances historiques pour amener les élèves à comprendre que l’histoire n’est pas une simple succession d’événements, mais qu’elle résulte de choix antérieurs décidés par des hommes qui les ont soutenus et que les choix actuels déterminent notre avenir collectif. La paix reste fragile et les Droits de l’Homme inscrits dans la Déclaration Universelle de 1948 doivent être portés et défendus par les citoyens de demain si l’on veut vivre dans un monde libre, tolérant et ouvert sur l’altérité.
 

Réalisations/résultats attendus

En participant à ce projet nous voulions mener avec les élèves un véritable travail d’enquête historique en les initiant très modestement aux méthodes de l’historien : chercher des sources, les questionner, émettre des hypothèses, les mettre à distance, mais également aux exigences d’un texte littéraire puisqu’il s’agit de rédiger une biographie. Interviewer Ida, la fille de Jankiel Fensterszab, aller chercher des documents dans les archives (Mairie de Paris - registre de l’état civil, Bad Arolsen, Caen, Pierrefitte, archives de la police du Pré Saint Gervais) mais aussi nous rendre sur les lieux où avait vécu Jankiel. Tels furent les trois principaux axes de notre démarche pour mener cette enquête. Le résultat est à la hauteur nos attentes ! Les élèves ont produit un texte riche de toutes ces exigences, qu’ils ont ensuite traduit avec leur professeur d’anglais. Nous, enseignants, avons également rédigé une biographie de Jankiel afin de laisser aux futurs historiens qui travailleront sur le Convoi 77 des sources, des archives, des documents que notre enquête nous a permis de réunir. (voir la biographie en ligne sur le site Convoi 77)

Les ateliers de théâtre et de pratiques plasticiennes ont permis à chacun de s’investir en fonction de ses appétences, de sa sensibilité, de sa personnalité. Si toute la classe a participé au club théâtre, chacun a choisi sa place : certains élèves sont devenus acteurs, d’autres costumiers, d’autres encore techniciens du son et des lumières, une élève a fait un reportage photographique. Quant à l’atelier de pratiques plasticiennes, la diversité des productions artistiques témoigne de la grande liberté laissée à chacun de s’exprimer en créant une œuvre, fut-elle la plus minimaliste possible. La richesse de toutes ces productions, notamment les créations artistiques montrent que ce projet est bien davantage qu’une simple réflexion sur la Shoah.

Mais ce projet, ce sont aussi et peut-être surtout de belles rencontres qui nous ont permis d’avancer, de progresser dans notre enquête, d’ouvrir de nouveaux horizons, de nouvelles possibilités. Georges Mayer (initiateur du projet Convoi 77) bien sûr mais aussi Ida Grinspan, Louise Gamichon, journaliste, Jean-Yves Potel historien et tant d’autres... Tous ces liens que nous avons tissés ensemble ont permis de faire de ce projet un véritable projet collectif, où les différences de chacun sont d’abord une richesse, un projet dans lequel chacun a grandi un peu au contact des autres. Ce sont de belles leçons d’humanité qui dépassent le cadre scolaire. Car c’est aussi et grâce à l’implication, à l’engagement de chacun que ce projet a pu se réaliser collectivement du début à la fin. Nous voulions un projet de classe afin de réaliser une performance artistique qui soit la somme de tous les investissements de chacun. Les 29 et 30 mai, les deux soirées consacrées à la restitution de ce projet furent des moments intenses, émouvants, où l’implication de chacun a été nécessaire à la réalisation de l’ensemble. Un seul élève est resté très en retrait de ce projet bien qu’il soit venu toutes les semaines au club théâtre.

Les projets de classe sont une véritable école de la vie où les valeurs de partage et d’entraide ne sont pas seulement de belles paroles prononcées lors d’une leçon d’Enseignement Moral Civique. Ce sont aussi des tensions et des désaccords qu’il faut gérer ensemble si l’on veut créer une œuvre commune dans laquelle chacun a pu s’impliquer.
 

Changements

Si les élèves ont mené les interviews d’Ida, il ne nous a pas été possible de les amener aux archives, mais nous les avons associés à chacune des découvertes. Nos premières recherches aux archives (mairie de Paris, Fonds Bad Arolsen/Mémorial de la Shoah) ont vite montré leurs limites. Les quelques documents qui nous étaient envoyés ou que nous trouvions étaient ceux que nous possédions déjà. Ce sont les rencontres avec Ida - fille de Jankiel Fensterszab - qui ont permis dans un premier temps de donner corps à ce projet. Pour répondre aux nombreuses questions qui surgissaient nous avons demandé à un historien, Jean-Yves Potel, de venir dans la classe.

Aux archives nationales de Pierrefitte notre enquête a rebondi. Un dossier individuel avait été créé par le service du contrôle général des étrangers au nom de Jankiel Fensterszab. Des documents nous ont fait penser que Jankiel et sa femme avaient peut-être initialement prévu de se rendre au Portugal, pour rejoindre l’Amérique du Sud. Ils se seraient arrêtés à Paris car Chaja était enceinte du grand-frère d’Ida, et ne seraient plus repartis. Mais tout ceci n’est qu’hypothèse. Nous avons également appris que Chaja était veuve et divorcée avant de se marier. Mais comment annoncer à Ida la découverte d’archives qu’elle ne connaissait pas ? Didier Lesour, le comédien qui travaillait à l’écriture de la pièce de théâtre pouvait-il les inclure ? Nous avons partagé avec les élèves ces interrogations, et toutes celles qui ont surgi au fur et à mesure des progrès de notre enquête pour tenter d’y répondre ensemble.

Nous avions au départ de la démarche un projet de voyage avec la classe : Pologne, Koprzywnica (lieu de naissance de Jankiel Fensterszab), Berlin, la ville où il s’est marié, Paris (la ville où il a fondé une famille). Nous voulions faire le voyage inverse de Jankiel : Paris, Berlin, Koprzywnica, pour y déposer symboliquement sa biographie. Mais cela n’a pas été possible pour des raisons financières car il était évident que toute la classe devait participer à ce voyage. Nous avons donc restreint notre « voyage mémoriel » à Belleville où s’est déroulé un premier atelier artistique et Berlin où les élèves ont créé des œuvres dans un jardin, en face du lieu. La biographie et les photographies des oeuvres partiront via internet à Koprzywnica où Mr Kepa, professeur d’histoire qui a travaillé sur la vie juive avant la Shoah avec ses élèves les déposera dans un lieu de son choix.
 

Défis auxquels vous faites (avez dû faire) face

Le premier défi a été de faire partir toute la classe au voyage à Berlin. Il était évident et essentiel que l’ensemble des élèves de la classe puisse partir. Cependant deux élèves étaient sans papiers, et il a fallu entreprendre de longues démarches administratives pour obtenir un visa collectif. Les élèves de la classe ont réalisé que, s’il est facile de voyager pour un ressortissant de l’Union européenne, ce n’est pas le cas pour de nombreuses autres personnes. Jankiel Fensterszab sur lequel nous travaillions avait lui aussi connu les mêmes limites au droit de circulation, puisqu’il était entré en France avec un visa du Portugal et avait été menacé d’expulsion. Il avait dû justifier le fait qu’il soit resté en France illégalement.

Le deuxième défi a été de faire accepter aux élèves que nous ne pourrions pas écrire sur la jeunesse de Jankiel en Pologne, que de nombreuses questions resteraient sans réponses.

Grâce à ce projet, les élèves ont réalisé que de nombreuses questions resteraient sans réponse et qu’il faudrait en rendre compte dans la biographie de Jankiel : ce vide, ces blancs que nous ne comblerons pas, car il n’y a plus de traces. Les élèves ont pris conscience que c’est cela aussi la Shoah : la disparition de personnes, de familles mais également de tous les objets, photos, documents qui pourraient nous permettre de reconstituer ce que fut leur vie.

Pour ce travail les élèves ont reçu la médaille de la ville de Palaiseau.
 

Calendrier (estimé) du projet :

Année scolaire 2016-2017

  • Septembre 2016 : présentation du projet et début des recherches dans les archives. Cours sur la seconde Guerre mondiale et le génocide des Juifs et des Tsiganes.
  • Octobre : Début de l’atelier théâtre. Deux rencontres avec Ida Grinspan. Préparation des rencontres avec Louise Gamichon, journaliste.
  • Novembre : 3ème rencontre avec Ida Grinspan. Poursuite atelier théâtre
  • Décembre : 4ème rencontre avec Ida Grinspan à Belleville (visite du quartier de son enfance). Rencontre avec Jean-Yves Potel, historien. Finalisation de l’écriture de la pièce de théâtre.
  • Janvier/février/mars : travail atelier théâtre
  • Avril : voyage à Berlin. Atelier artistique
  • Mai : 29 et 30 représentation théâtrale et exposition des œuvres réalisées à Berlin.

Année scolaire suivante : (2017-2018)

  • Février : exposition des œuvres des élèves à la médiathèque de la ville
  • Décembre : remise de la médaille de la ville
     

 Matériels produits par le Conseil de l'Europe matériels sur l'Education à la citoyenneté et aux droits de l'homme utilisés lors de la préparation ou la mise en oeuvre de votre projet :

Je ne connaissais pas ce matériel européen que j’ai découvert depuis. Ce sont les formations du Mémorial de la Shoah à Paris qui m’ont conduit vers ce type de projet.