Guide pratique sur les mécanismes de la Convention européenne dans le domaine de l'information sur le droit étranger
FINALITÉS DE LA CONVENTION ET DU PROTOCOLE
L’objectif principal de la Convention et de son Protocole additionnel est de faciliter l’établissement de la teneur du droit étranger dans les États parties lorsque des questions sur celui-ci se posent à l'occasion d'une procédure judiciaire. Pour y parvenir, ils instaurent une communication entre les autorités de l’État partie qui doit appliquer le droit étranger (État requérant) et les autorités de l’État partie dont émane ce droit (État requis).
Les autorités de l’État requis sont les mieux placées pour connaitre le droit qui fait l’objet de la recherche. Elles ne sont pas chargées d’appliquer ce droit dans le cas d’espèce qui suscite la question, de donner une solution au fond ou de délivrer des conseils. Leur tâche consiste uniquement à transmettre aux autorités de l’État requérant des renseignements objectifs et impartiaux sur leur droit national.
Le champ d’application matériel est vaste :
- En vertu de la Convention, des renseignements peuvent être demandés à propos du droit civil et commercial, ainsi que de la procédure civile et commerciale et de l’organisation judiciaire. Il est également possible de demander des informations sur des règles relevant d’autres branches du droit, lorsque ces règles ont une incidence sur une question civile ou commerciale.
- Selon le Protocole, des renseignements peuvent être sollicités en matière pénale, droit matériel et procédural, ainsi que l’organisation judiciaire, y compris le ministère public, et à propos du droit relatif à l'exécution des mesures pénales.
LES POINTS-CLÉS D’UNE DEMANDE D’INFORMATION
L’auteur de la demande
L’idée générale est de se cantonner aux demandes essentielles afin de ne pas surcharger les autorités de l’État requis et leur permettre de pouvoir apporter une réponse de manière efficace et prompte.
En matière civile et commerciale
Deux principes cumulatifs sont consacrés :
- Le premier principe est que la demande d’information relative au droit étranger doit émaner d’une autorité judiciaire. Deux tempéraments sont consacrés :
- La demande peut être formulée par une autre autorité mais doit alors être autorisée par une autorité judiciaire. Elle peut ainsi être formulée, par exemple, par un notaire ou un liquidateur judiciaire confronté à un droit étranger.
- En vertu du Protocole, elle peut également émaner de toute autorité ou personne qui agit dans le cadre d’un système officiel d'assistance judiciaire ou de consultation juridique. Deux restrictions existent toutefois : (i) elles doivent agir pour le compte de personnes économiquement défavorisées et (ii) le faire dans le cadre d’un système officiel. Une association qui assiste juridiquement des personnes en situation de pauvreté mais qui n’est pas habilitée par les autorités de son État à cette fin ne peut ainsi avoir accès à ce mécanisme.
En matière pénale, les règles sont prévues par le Protocole :
- La demande peut émaner d’un tribunal, mais également de toute autorité judiciaire compétente en matière de poursuite ou d'exécution des peines définitives. Le Ministère public peut ainsi être à l’origine d’une telle demande. Il faut toutefois que la demande concerne des infractions dont la répression est, au moment où la demande est formulée, de la compétence des autorités qui en sont à l’origine.
- La demande peut être formée à l'occasion d'une instance déjà engagée mais aussi lorsqu'il est envisagé d'engager une poursuite. Ainsi, pour les États qui appliquent le principe de la double-incrimination, leurs autorités disposent de la possibilité de vérifier que cette condition est satisfaite, l’infraction étant réprimée en droit étranger, avant le déclenchement des poursuites.
Le contenu de la demande
Des informations précises doivent être fournies afin que l’autorité de l’État requis puisse répondre utilement. À défaut, des échanges destinés à préciser la demande auront lieu, ce qui entraîne inévitablement un rallongement des délais.
Sur le fond, deux aspects sont essentiels :
- Le droit : lors d'une demande d'informations sur le droit de l'État requis, la demande doit être formulée de la manière la plus précise possible. Il faut ainsi éviter de solliciter des informations à propos d’une matière en général. Ainsi, par exemple, l’autorité de l’État requis ne doit pas être interrogée sur le droit des successions de manière globale mais sur les droits du conjoint survivant si ces derniers sont en cause. Il peut être utile également que l’État requérant donne des précisions sur son droit national afin de contextualiser sa demande, notamment en insérant des liens hypertextes renvoyant aux textes juridiques pertinents.
- Les faits : pour la bonne compréhension de la demande par l’État requis et la formulation d’une réponse exacte et ciblée, un exposé aussi précis que possible des faits est nécessaire. Les questions abstraites doivent donc être évitées. Il convient également, autant que possible, que l’État requérant ne pose pas de questions dont la réponse en elle-même trancherait les litiges à propos desquels les questions ont été posées. Enfin, il s’agit de veiller à anonymiser les éléments de l’affaire en question afin de veiller à la protection des données personnelles des parties prenantes de l’affaire.
Des éléments complémentaires peuvent ou doivent être fournis :
- Origine de la demande : il est obligatoire d’indiquer de qui émane la demande.
- Décision autorisant la demande : si la demande n’est pas formulée par une autorité judiciaire, elle doit comporter la décision qui l’autorise. Des refus émanant d’autorités de l’État requis ont déjà été constatés dans la pratique, ce qui oblige à un nouvel échange entre les autorités compétentes de part et d’autre.
- Des copies de pièces peuvent être jointes : l’objectif est de faciliter la compréhension par les autorités de l’État requis (contrat, acte de l’état civil, rapport d’expert, etc.). Ces documents ne peuvent cependant pas remplacer l’exposé des faits. L’envoi des pièces jointes devrait être limité à ce qui est strictement nécessaire à la bonne compréhension par l’État requis.
La transmission de la demande
Exigence de traduction :
La demande de renseignements elle-même ainsi que ses annexes doivent être rédigées en principe dans la langue ou dans une des langues officielles de l'État requis ou accompagnées d'une traduction dans cette langue. La qualité de la traduction est essentielle. Le risque d’incompréhension est réel et a été mis en évidence par de nombreux États. En cas d’incompréhension, la réponse peut être inadaptée ou retardée car des échanges supplémentaires sont nécessaires. En pratique, d’un commun accord entre les deux États parties concernés, l’emploi d’une autre langue (telle que l’anglais ou le français) peut être privilégié pour les échanges sur la question donnée. À cet égard, le tableau récapitulatif indique les langues privilégiées par les autorités nationales réceptionnaires des États parties.
Les modalités de l’envoi :
- L’expéditeur : une demande en matière civile et commerciale selon la Convention et en matière pénale selon le Protocole est transmise directement à l’organe de réception de l'État requis, soit par l’organe de transmission, soit, en l'absence d'une telle entité, par l'autorité judiciaire dont elle émane. En vertu du Protocole, une demande en matière civile et commerciale émanant de toute autorité ou personne agissant dans le cadre de systèmes officiels d'assistance judiciaire ou juridique pour le compte de personnes économiquement défavorisées doit cependant toujours être transmise par l’organe de transmission officiellement désigné par l'État requérant. Elle ne peut pas être envoyée directement par l'autorité ou la personne qui formule la question. Les coordonnées des organes de transmission peuvent être trouvées à l’adresse suivante : www.coe.int/en/web/cdcj/contact-points
- Le destinataire : la demande doit obligatoirement être envoyée à l’organe de réception désigné officiellement par l’État requis. Les coordonnées des organes de réception peuvent être trouvées à l’adresse suivante : www.coe.int/en/web/cdcj/contact-points
- Format : la plupart des États acceptent des transmissions par voie électronique et les encouragent même en raison de la simplicité et de la rapidité de ce mode de transmission.
Le tableau récapitulatif indique les formats privilégiés par les autorités nationales réceptionnaires des États parties.
Un formulaire type de demande est mis à disposition des États requérants. Il a été développé dans le but de simplifier le traitement de la demande par l’État requis et contribuer à la préparation d’une réponse précise correspondant aux attentes de l’État requérant. Toutefois, son utilisation n’est pas obligatoire.
LES POINTS CLÉS DE LA FORMULATION D’UNE RÉPONSE
Contenu de la réponse
- La réponse doit renseigner les autorités de l’État requérant de manière objective et impartiale sur le droit de l'État requis. Il ne s’agit donc pas d’émettre un avis des autorités de l’État requis sur la solution à apporter au fond de l’affaire en cause. Leur tâche se limite à fournir les éléments idoines de leur droit qui permettront aux autorités de l’État requérant de l’appliquer en toute connaissance de cause.
- La réponse doit comporter, en fonction des situations, l’indication des textes législatifs et réglementaires qui ont vocation à être appliqués et/ou la jurisprudence pertinente. Des documents additionnels peuvent être fournis afin d’apporter un éclairage complémentaire (doctrine, travaux préparatoires, etc.). Par ailleurs, des commentaires explicatifs mais toujours objectifs peuvent être fournis. Tel peut être le cas par exemple pour expliquer l’articulation des différentes normes citées ou pour préciser la portée d’une jurisprudence.
Portée des obligations des autorités de l’État requis
- Obligation de répondre : les autorités de l’État requis sont tenues de répondre si la Convention ou les chapitres pertinents (I ou II) du Protocole sont applicables entre les États concernés et que les demandes entrent dans leur champ d'application. Des exceptions à ce principe sont toutefois prévues. Il en va ainsi lorsque les intérêts de l’État requis sont affectés par le litige à l'occasion duquel la demande a été formulée ou lorsqu'il estime que la réponse serait de nature à porter atteinte à sa souveraineté ou à sa sécurité. Tel peut être le cas, par exemple, lorsque l’État requis est lui-même partie au litige qui donne lieu à la question transmise.
- Délai de réponse : il s’agit d’un point clé du système conventionnel qui permet d’en mesurer l’efficacité à l’aune de la rapidité des réponses. Pour tenir compte des particularités de chaque demande, la Convention et le Protocole se contentent d’énoncer un principe flexible et adaptable à chaque cas. La réponse doit ainsi être fournie aussi rapidement que possible. Un principe général de célérité est par conséquent consacré. Les autorités de l’État requis doivent agir de la manière la plus prompte possible. Si un long délai est envisagé pour répondre à la question, par exemple en raison de la complexité de la réponse à fournir ou de l’importance des recherches à effectuer, l’autorité de réception devra en informer l’autorité qui l’a saisie.
- Gratuité de principe : le recours au mécanisme conventionnel est en principe gratuit. Il existe toutefois une exception lorsqu’un organisme privé ou un juriste qualifié est saisi, afin de couvrir leurs honoraires. L’État requérant est alors responsable du paiement de ces frais. Pour éviter des complications et des charges financières trop élevées, la Convention prévoit que les autorités de l’État requérant doivent être informées de l’importance des frais envisagés et leur agrément doit être demandé. Les autorités de l’État requérant ne peuvent donc pas être prises par surprise et se voir imposer une charge financière élevée et inattendue.
- Langue : afin de simplifier la tâche de l’autorité de l’État requis, la réponse est à transmettre dans la langue de l’État requis. Si une traduction s’avère nécessaire, elle incombera aux autorités de l’État requérant. En pratique, d’un commun accord entre les États parties concernés, il peut être envisagé que les réponses puissent être formulées dans une autre langue (tels que le français ou l’anglais) qui aura été choisie pour les échanges sur la question donnée. Le tableau récapitulatif indique les langues privilégiées par les autorités nationales réceptionnaires des États parties.
La transmission de la réponse
Selon la Convention et le Protocole, il incombe aux autorités de l’État requis de transmettre par le biais de leur organe de réception la réponse à l’organe de transmission de l’État requérant, si la demande a été transmise par celui-ci, ou à l’autorité judiciaire si celle-ci l’a saisi directement. À nouveau, la pratique révèle que la voie électronique est largement admise et pratiquée afin d’accélérer la procédure. Un formulaire type de réponse est mis à disposition des États requis. Il a été développé dans le but de contribuer à la préparation d’une réponse précise correspondant aux attentes de l’État requérant. Toutefois, son utilisation n’est pas obligatoire.