« Dès le début des années 80, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé indispensable de protéger les mineurs à l’égard des abus sexuels. Elle a considéré qu’il s’agissait d’aspects essentiels de la vie privée et que seule une législation criminelle pouvait assurer une prévention efficace, nécessaire dans ce domaine. Dans les affaires qui ont été jugées depuis, elle a insisté sur la nécessité d’offrir aux mineurs des recours effectifs et appropriés. En effet, bien souvent les victimes d’abus sexuels ne résistent pas, pour des raisons psychologiques ou par peur de subir d’autres violences. Pour notre Cour, les États ont l’obligation, en vertu des articles 3 et 8 de la Convention, de veiller à ce qu’une enquête pénale effective soit menée dans les affaires de violence sexuelle envers des enfants.
Chacun se souvient de la célèbre affaire O’Keeffe contre l’Irlande. Elle concernait la responsabilité de l’État irlandais pour les abus sexuels commis sur une élève dans une école primaire en Irlande. La protection des enfants contre les mauvais traitements constitue une obligation inhérente à la mission d’un État, en particulier dans le contexte de l’enseignement primaire. Or, cette obligation n’avait pas été remplie par l’État irlandais. Des problèmes de cette nature se rencontrent dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe et nous avons développé une jurisprudence importante qui aboutit souvent au constat que les autorités compétentes n’ont pas usé de toutes les possibilités qui s’offraient à elles pour établir les circonstances des actes, ni pris en considération la vulnérabilité particulière des victimes, notamment lorsque les abus sexuels sont commis au sein de la famille.
Cependant, la Cour ne peut pas tout faire et elle n’intervient qu’au terme d’un processus judiciaire long et souvent douloureux pour les mineurs concernés. Or, il est clair que la violence infligée aux enfants est une violation des droits de l‘homme, comme l‘énonce l‘article 19 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l‘enfant.
En imposant la criminalisation de tous les types d'infractions à caractère sexuel perpétrées contre des enfants, la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, également appelée « la Convention de Lanzarote », a représenté une avancée majeure.
C’est pourquoi il est important que cette convention soit signée et ratifiée par le plus grand nombre possible d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Il me semble également essentiel de sensibiliser l’opinion publique à l’exploitation et aux abus sexuels des enfants, ainsi qu’à la nécessité de prévenir de tels actes.
Ce sont là des objectifs poursuivis la Journée européenne de Protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels et je soutiens ardemment cette initiative. »
Guido Raimondi
Président de la Cour européenne des droits de l'homme