« L’inégalité entre les femmes et les hommes et la violence à l’égard des femmes constituent de graves problèmes sur le plan des droits de l’homme en Arménie. Des efforts plus vigoureux sont nécessaires pour les combattre », a déclaré aujourd’hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la publication du rapport sur la visite qu’il a effectuée en Arménie du 5 au 9 octobre 2014.
L’adoption de plans d’action destinés à améliorer la situation des femmes et la loi de 2013 sur l’égalité des droits et l’égalité des chances pour les femmes et les hommes sont des mesures qui vont dans le bon sens, mais l’ampleur des préjugés sexistes continue d’entraver le renforcement effectif de l’autonomie des femmes et leur accès à l’égalité de traitement. A titre prioritaire, le Commissaire recommande d’éliminer tous les vestiges de sexisme dans les programmes scolaires, d’adopter une loi complète contre la discrimination, d’augmenter la représentation des femmes dans la vie publique et politique, et de prendre des mesures plus énergiques pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, y compris sur le marché du travail.
L’existence de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique est de plus en plus reconnue dans le débat public en Arménie. Les autorités doivent cependant encore adopter des mesures proportionnées à l’ampleur du problème. « Des milliers de femmes sont victimes de violences chaque année en Arménie. Beaucoup de ces cas ne sont pas signalés à cause du manque de réactivité des institutions publiques et à cause d’un environnement sociétal et familial qui tend à justifier et accepter la violence envers les femmes. Il est essentiel que les responsables politiques et les membres influents de la société envoient un message sans équivoque à cet égard : la violence envers les femmes ne peut jamais être acceptable. En outre, les autorités judiciaires et les membres des forces de l’ordre devraient recevoir une formation leur permettant de mieux détecter les cas de violence envers des femmes, d’enquêter sur ces cas et d’engager des poursuites, de manière à ce que les auteurs de violences soient dûment sanctionnés. Il faudrait compléter ces mesures par des efforts soutenus de sensibilisation à la violence domestique et à l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier dans les établissements scolaires, et par l’adoption d’une législation spécialement consacrée à la violence envers les femmes, qui apporte aux victimes une protection et des garanties suffisantes. La ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique représenterait aussi une étape importante. »
Les réformes menées dans le secteur de la justice devraient servir à réaliser un objectif de longue date qui est de doter l’Arménie d’un système judiciaire indépendant, impartial et efficace. « Les juges devraient être mieux protégés contre les pressions internes et externes ; il est nécessaire de renforcer l’auto-gouvernance judiciaire et de limiter le rôle du Président de la République en matière de sélection, de nomination, de promotion et de révocation des juges. Il convient également d’adopter des garanties permettant d’empêcher l’usage arbitraire de procédures disciplinaires à l’encontre de juges. »
Notant que le ministère public occupe toujours une position dominante dans le système de justice pénale, le Commissaire souligne l’importance de garantir les droits de la défense, notamment en faisant respecter le principe de l’égalité des armes, le principe du contradictoire et la présomption d’innocence, et en renforçant l’accès à l’aide juridique. Le Commissaire constate aussi avec préoccupation le fréquent recours à la détention provisoire à titre de mesure préventive ; il souligne que la détention provisoire ne devrait être utilisée que dans des circonstances exceptionnelles et que le recours à des mesures non privatives de liberté doit prévaloir.
En outre, la persistance d’informations faisant état de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre et l’absence d’enquêtes effectives sur des atteintes graves aux droits de l’homme inquiètent beaucoup le Commissaire. « Il est grand temps que, dans ces domaines, les autorités arméniennes agissent conformément à leurs obligations en matière de droits de l’homme. Elles devraient en particulier s’employer de toute urgence à renforcer la protection contre la torture et les mauvais traitements, à rejeter toutes les preuves obtenues sous la contrainte et à mettre en œuvre plus activement des politiques et des pratiques visant à faire répondre de leurs actes les responsables d’atteintes graves aux droits de l’homme, notamment de violations commises lors des événements de mars 2008. »
Enfin, le Commissaire recommande de traiter le problème des violences commises dans l’armée en dehors des situations de combat en obligeant les responsables à répondre de leurs actes et en renforçant les mesures de prévention de la violence, également en coopération avec les ONG et les familles des victimes.