« La République tchèque doit tout mettre en œuvre pour s’attaquer au problème persistant de l’exclusion des Roms et des personnes handicapées, et pour faire en sorte qu’elles puissent vivre dans l’égalité et la dignité », a déclaré la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, après une visite de cinq jours en République tchèque.
Les deux principales questions que la Commissaire a traitées au cours de sa visite, à savoir les droits des Roms et les droits des personnes handicapées, font l’objet de l’attention du bureau du Commissaire depuis que l’institution a commencé à s’y intéresser, il y a 20 ans. « Si quelques progrès ont été enregistrés, je suis cependant préoccupée par la persistance de nombre de problèmes de discrimination et d’exclusion que chacun de mes prédécesseurs avait déjà identifiés », a indiqué la Commissaire. Elle a souligné que des efforts concertés étaient nécessaires pour faire véritablement bouger les choses, de manière à ce que ces problèmes, qui ont de lourdes conséquences pour les groupes concernés, mais aussi pour la société dans son ensemble, ne se perpétuent pas des années encore.
La Commissaire a constaté que les Roms restaient confrontés à la discrimination dans la quasi-totalité des domaines, dont l’éducation, le logement et l’emploi, ainsi que dans leurs relations avec la police. La Commissaire a aussi abordé la question du traitement des Roms ukrainiens, qui contraste avec le traitement des autres réfugiés ukrainiens et qui met en évidence les préjugés profondément ancrés contre les Roms qui perdurent dans la société tchèque.
La Commissaire a rencontré des victimes de stérilisation forcée et a discuté des obstacles qui entravent encore l’accès de beaucoup d’entre elles au mécanisme d’indemnisation désormais en place. « La création de ce mécanisme d’indemnisation a été un signal fort de la volonté de la République tchèque de s’attaquer à cette injustice historique. Il est important de bien faire les choses pour que les victimes ne soient pas humiliées et traumatisées davantage. » La Commissaire a appelé à régler rapidement les questions liées aux preuves, notamment dans les cas où les dossiers médicaux ont été détruits, à donner des orientations claires sur l’évaluation des demandes, à réexaminer les demandes rejetées en s’appuyant sur ces orientations et à accélérer le traitement des demandes, pour que justice soit enfin rendue aux victimes.
La Commissaire a accordé une attention particulière à l’éducation inclusive car, si l’on veut rendre la société plus tolérante et plus juste, il est essentiel de veiller à ce que tous les enfants, quelles que soient leur origine et leurs capacités, y compris les enfants roms et les enfants handicapés, puissent être scolarisés ensemble. La Commissaire a examiné plusieurs aspects de cette question, dont la nécessité de faire en sorte que les élèves qui en ont besoin continuent à bénéficier pleinement d’une aide pédagogique, et la nécessité de combattre les pratiques discriminatoires en matière d’admission des élèves et d’affectation dans les établissements. En outre, la Commissaire a constaté avec préoccupation que les efforts constants destinés à améliorer la fiabilité des tests n’ont pas permis d’éviter l’orientation des enfants roms vers des formes d’enseignement de moindre qualité ou séparées. « Un véritable changement de paradigme est nécessaire pour mettre fin à cette focalisation sur les tests car ceux-ci restent un outil d’exclusion dans le système éducatif », a affirmé la Commissaire.
La Commissaire a également noté que de nombreuses personnes handicapées continuent de vivre ou de suivre un traitement de longue durée dans des institutions de grande taille. « Il convient de redoubler d'efforts pour désinstitutionnaliser les systèmes d'aide sociale et de santé et passer entièrement à une offre d’accompagnement et de services de proximité pour les personnes handicapées », a déclaré la Commissaire. Elle a également discuté des conditions de vie dans les institutions, y compris des cas signalés de mauvais traitements graves. Parmi les autres sujets nécessitant une attention urgente figurent les garanties entourant le traitement sans consentement et la privation de la capacité juridique. D'autres mesures sont également nécessaires pour assurer l'accessibilité des lieux publics, des médias et de l’information.
La Commissaire s’est rendue dans l’école primaire Grafická de Prague et dans le centre social de Stod. Dans leurs domaines respectifs, à savoir l’éducation inclusive et les services sociaux de proximité pour les personnes handicapées, ces deux lieux montrent que le changement est possible. La combinaison d’un leadership inspirant de l’équipe de direction, d’une étroite coopération avec les communautés locales et beaucoup de persévérance ont permis à cette école et à ce centre d’opérer une transformation remarquable, qui devrait servir d'exemple pour l'ensemble du pays. Cependant, cela suppose avant tout un changement complet de mentalité chez toutes les parties prenantes, qui doivent mettre l’inclusion au cœur de leur projet.
La Commissaire a constaté que les autorités étaient généralement très conscientes des problèmes susmentionnés et qu’elles avaient élaboré nombre de stratégies et de plans d’action pour les résoudre. Toutefois, la fragmentation persistante des responsabilités, au niveau du gouvernement central et entre les autorités nationales et les autorités régionales et municipales, nuit considérablement à l’efficacité de ces mesures. « Il y a beaucoup de bonnes idées et de bonnes intentions qui pourraient vraiment rendre la société tchèque plus inclusive, encore faut-il qu’elles puissent être pleinement appliquées. Malheureusement, le déficit de mise en œuvre reste important. »
La Commissaire a aussi évoqué la Convention d’Istanbul et s’est réjouie de la volonté de ses interlocuteurs de faire avancer le processus de ratification. « Le temps est venu pour la République tchèque d’adhérer à cette norme de référence en matière de protection des femmes et des filles contre la violence à l’égard des femmes et contre la violence domestique », a souligné la Commissaire. En outre, elle a demandé instamment aux autorités de prendre des mesures concrètes pour améliorer la protection des droits des personnes LGBTI.
Cette visite a également permis à la Commissaire de donner suite à la mission d'urgence qu’elle avait consacrée en mars 2022 à la situation des personnes qui fuyaient la guerre déclenchée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Elle a discuté des difficultés actuelles liées à la prise en charge de nombreux réfugiés en République tchèque, qui est devenue l’un des principaux pays d’accueil des personnes qui fuient l’Ukraine. La Commissaire a reconnu et salué les efforts extraordinaires déployés à cet égard par les autorités tchèques et par la population.
Au cours de sa visite, la Commissaire a rencontré les autorités, le Défenseur public des droits, le HCR et de nombreux représentants de la société civile. Elle publiera prochainement un rapport sur sa visite en République tchèque.