« L'incapacité à traiter pleinement les crimes de guerre et les causes profondes des conflits des années 1990 continuent d'avoir des conséquences dévastatrices sur le respect des droits humains, l’État de droit et la cohésion sociale dans la région », a déclaré aujourd'hui Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, lors de la publication d'un document thématique sur l'état d'avancement des efforts en matière de justice transitionnelle dans les pays de l'ex-Yougoslavie.
« Le temps presse pour rendre justice aux victimes, leur accorder des réparations et leur donner accès à la vérité », a déclaré la Commissaire. « Le recul notable des processus de confrontation au passé coïncide avec des tendances négatives en matière de droits de l’homme, notamment en matière de discours de haine, de liberté de réunion, de liberté des médias et d’espace civique, et menace la paix durement gagnée ».
Dans son rapport, la Commissaire examine les processus inachevés et les obligations liées au fait de confronter les crimes du passé. « Les poursuites pour crimes de guerre, la recherche des personnes disparues et l'octroi de réparations aux victimes ont récemment ralenti ou stagné, principalement en raison d'un manque de volonté politique. D'autres mesures cruciales, telles que la mise en place de commissions vérité et réconciliation, l’assainissement de la fonction publique, l’examen des causes profondes ayant mené à la commission de crimes dans le passé et la commémoration inclusive, n'ont pas eu lieu ». Elle souligne également les tendances négatives qui ont sapé les tentatives de confrontation au passé et formule des recommandations sur la manière de donner un nouvel élan aux processus de justice transitionnelle afin de créer un avenir dans lequel les conflits sont moins probables.
La Commissaire souligne que le discours ethnonationaliste qui a repris de la vigueur dans la région, ainsi que la montée du déni des crimes de guerre et la glorification des criminels de guerre entravent gravement les efforts de réconciliation et menacent la paix. « Les discours et les actions de division et de haine sont devenus une stratégie politique généralisée, y compris au moment des élections, et sapent dangereusement les efforts visant à empêcher la reprise de la violence », a-t-elle déclaré. Elle souligne également le rôle des médias, des chefs religieux et des personnalités publiques dans la diffusion de ces discours néfastes, ainsi que leur responsabilité dans l'inversion de ces tendances négatives.
Soulignant l'importance cruciale de la coopération régionale dans ce contexte, la Commissaire encourage les États de la région à redoubler d'efforts pour confronter le passé dans le but de réaliser la justice et la réconciliation, en adoptant une approche centrée sur les victimes et en appliquant une tolérance zéro à l'égard du déni de génocide et de l'incitation à la haine à l'encontre d'autres groupes ethniques. La dimension intergénérationnelle, y compris l'engagement des jeunes, l'éducation intégrée, l'enseignement de l'histoire et la commémoration fondée sur les droits de l'homme, requiert une attention urgente pour rompre la transmission continue des traumatismes et de la haine d'une génération à l'autre. Il est crucial de renforcer le soutien politique et financier à la société civile travaillant sur la justice transitionnelle afin qu’elle soit solide et résiliente. « La société civile est actuellement le meilleur espoir d'un avenir meilleur fondé sur les droits humains et l'État de droit », a-t-elle déclaré.
Le document thématique de la Commissaire souligne également les leçons considérables tirées des processus de justice transitionnelle de la région. Les atrocités commises pendant les guerres des années 1990 ont donné lieu à un changement d’approche résolu contre l’impunité. Le taux élevé de résolution des cas de personnes disparues pendant les guerres - plus de 70 % - sert de modèle pour le traitement de ces questions. L'engagement et les approches novatrices de la société civile et des défenseurs des droits humains sont louables et peuvent servir d'inspiration dans d'autres situations post-conflit. Les processus d'après-guerre ont également fortement contribué à rompre le silence sur les violences sexuelles liées aux conflits et sur la nécessité d'adopter des approches sensibles au genre dans la confrontation au passé. La Commissaire souligne également que le fait de confronter un passé de graves abus des droits humains est un processus à long terme qui nécessite un engagement durable de la part des autorités nationales, de la communauté internationale et de la société dans son ensemble.
- Lire le document thématique Confronter le passé pour un avenir meilleur : vers la justice, la paix et la cohésion sociale dans la région de l'ex-Yougoslavie (en anglais, version française en cours de traduction)
- Lire le "Rapport en bref" (également disponible en albanais, anglais, bosnien, croate, macédonien et serbe)
- Lire le résumé détaillé (également disponible en albanais, anglais, bosnien, croate, macédonien et serbe)