« Du point de vue des droits de l'homme, l’internet et l’environnement numérique ne sont pas des mondes virtuels. Les normes et les principes qui s’appliquent hors ligne doivent aussi être respectés en ligne », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public un rapport sur l’application du principe de la prééminence du droit à l’internet et au monde numérique en général.
Ce rapport en quatre parties examine la question urgente des moyens d’instaurer et de maintenir la prééminence du droit sur l’internet et dans le monde numérique en général. Ce faisant, il met fortement l’accent sur les menaces que représentent, notamment pour la protection des données et la liberté d’expression, les pratiques consistant à interférer dans les activités en ligne sans respecter les normes internationales.
« Une grande partie de l’infrastructure de l’internet est sous le contrôle de sociétés privées, qui ne sont pas directement liées par le droit international des droits de l'homme. En outre, les entités privées sont soumises à la législation nationale des pays dans lesquels elles sont établies ou actives, législation qui ne respecte pas toujours le droit international ou les normes internationales relatives aux droits de l’homme. » Autre problème crucial : les pressions de plus en plus fortes que les Etats ou d’autres acteurs exercent sur les entreprises privées pour les amener à révéler des données concernant les internautes ou à contrôler elles-mêmes les contenus web. « Tous ces phénomènes montrent l’urgence de prendre des mesures pour renforcer la prééminence du droit sur l’internet. Les Etats devraient cesser de se cacher derrière des sociétés privées et de les utiliser pour imposer des pratiques contraires aux droits de l'homme. Il faudrait aussi clarifier à la fois la responsabilité des Etats qui ne font pas respecter les droits de l'homme par les entités privées et la responsabilité des entreprises en ce qui concerne leurs activités qui ont des conséquences pour l’internet. »
De plus, le rapport met en évidence les menaces liées au développement de la surveillance pratiquée par les services de sécurité de l’Etat, les forces de l’ordre et les sociétés privées, qui souvent coopèrent. Il souligne aussi la nécessité de limiter l’exercice de la compétence extraterritoriale en matière de cyberinfractions transnationales. « Il faut évidemment combattre la cybercriminalité et le terrorisme, mais pas au détriment des droits de l'homme. La surveillance secrète risque de finir par détruire la démocratie au lieu de contribuer à la défendre. Les gouvernements devraient montrer autant de détermination à sauvegarder les droits de l'homme qu’à lutter contre le terrorisme. »
Le Commissaire rappelle que toute restriction d’accès à des contenus en ligne doit reposer sur un cadre juridique strict et prévisible, et faire l’objet d’un contrôle juridictionnel rigoureux. Il souligne aussi que l’incapacité à protéger les droits de l'homme dans l’environnement numérique au moyen d’accords globaux confère une légitimité aux revendications des Etats qui demandent que leurs données soient acheminées exclusivement par des routeurs et des câbles situés sur leur territoire et qu’elles soient stockées dans des clouds locaux. « Cette attitude risque d’entraîner une fragmentation de l’internet et de faire disparaître l’internet tel que nous le connaissons actuellement, en raison de l’édification d’obstacles nationaux venant entraver le réseau mondial. »
Le rapport complet est disponible en anglais. Un résumé du rapport ainsi que les recommandations du Commissaire sont également disponibles en français, en turc et en russe. Des traductions dans d’autres langues sont prévues.
Infographie: le document thématique en bref
Lire la version courte comportant le résumé et les recommandations du commissaire (en français)