Gordon Brown a fait de la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes l’une des priorités de son nouveau gouvernement. Cette décision est salutaire car il importe de donner un nouvel élan à la lutte contre la pauvreté des enfants, non seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l’Europe. Dans un premier temps, il faut évidemment reconnaître qu’il s’agit d’un problème de fond, qui touche un grand nombre de personnes et dont les conséquences se feront très longtemps sentir.
En Europe du Sud-Est et dans les pays anciennement soviétiques de la Communauté d’Etats indépendants, 25 % des enfants, selon les statistiques de l’UNICEF, vivent encore dans la pauvreté absolue. Ces enfant n’ont pas autant bénéficié du relèvement de l’économie que d’autres groupes de la société.
Mais il y a aussi des enfants pauvres dans les régions plus prospères d’Europe. Peu d’enfants souffrent d’une extrême pauvreté, mais la proportion d’enfants vivant dans des ménages dont les revenus sont inférieurs de 50 % à la moitié de la médiane nationale dépasse encore 15 % dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne ou le Portugal.
Ces chiffres donnent une idée de l’étendue du problème. Il est malheureusement impossible d’en avoir une mesure plus précise car on ne dispose pas de données plus détaillées. Même si les statistiques de base sur les revenus et les prestations sociales sont fiables, il est difficile d’évaluer toutes les incidences de ces facteurs sur le niveau de vie. De plus, la pauvreté n’est pas seulement une question de pouvoir d’achat – d’autres indicateurs sont nécessaires pour mesurer la qualité de vie.
C’est pourquoi les études de l’UNICEF sur la pauvreté en Europe se concentrent sur des questions comme le chômage, la santé et la sécurité, le bien-être éducationnel, la famille et l’exposition à la violence.
Il ressort de ces études que les enfants qui grandissent dans la pauvreté sont beaucoup plus vulnérables que les autres. La probabilité est plus grande qu’ils soient en mauvaise santé, aient des résultats décevants à l’école, aient affaire à la police, n’acquièrent pas de compétences professionnelles et, une fois adultes, soient au chômage ou faiblement rémunérés et soient dépendants de l’aide sociale.
Cela ne veut pas dire que tous les enfants pauvres ont un développement déficient, mais qu’ils risquent d’être défavorisés.
La pauvreté des enfants est généralement liée à la pauvreté des adultes qui en ont la garde. Cependant, il faut bien comprendre que la pauvreté a un impact plus profond sur l’enfant. Elle l’affecte non seulement dans le présent immédiat, mais aussi à long terme. De surcroît, les enfants ne sont guère en mesure d’améliorer par eux-mêmes leur situation. Pour sortir de la pauvreté, ils sont donc largement tributaires des politiques publiques, notamment pour ce qui est de l’accès à l’éducation et aux services de santé.
Les études de l’UNICEF font aussi ressortir de grandes différences entre les pays européens, y compris entre des pays dont la situation économique est comparable. Cela tend à démontrer l’importance des priorités politiques : la pauvreté des enfants peut et doit être combattue par des mesures énergiques.
Tout plan d’action contre la pauvreté des enfants doit naturellement chercher à définir les groupes vulnérables et les situations à risque. Les familles monoparentales et les enfants qui ont des besoins spéciaux peuvent faire partie de cette catégorie. On sait que les enfants vivant en milieu rural, les enfants d’immigrés et les enfants roms sont fortement touchés par la pauvreté.
Pour ces catégories à risque, il est indispensable de prévoir des aides directes, qui doivent en effet constituer le fondement des prestations sociales et familiales. Ces aides doivent être correctement ciblées et suffisantes pour permettre aux enfants (et à leurs parents) de sortir de la pauvreté.
Cependant, il est tout aussi important de faire en sorte que les établissements scolaires, les services de santé, les centres d’accueil de jour et les autres institutions d’intérêt public fonctionnent sans discrimination et bénéficient aux personnes les plus marginalisées ou défavorisées, quelle qu’en soit la raison. Il faut veiller à ce que les politiques de privatisation de ces services n’aient pas pour effet d’en interdire l’accès aux plus pauvres.
Pour faire reculer la pauvreté des enfants, l’une des premières actions à mener est de garantir leur libre accès à l’éducation. Même dans les écoles où il n’y a pas de frais de scolarité, il existe parfois des coûts cachés comme l’achat d’un uniforme ou de manuels. Dans certains pays, les parents doivent même payer le chauffage de l’école. Les politiques en matière d’éducation doivent en particulier s’attaquer aux problèmes de l’abandon scolaire et du chômage des jeunes en prévoyant des formations appropriées et des cursus éducatifs orientés vers l’emploi.
Aujourd’hui encore, beaucoup d’enfants pauvres n’ont pas accès aux services de santé de base. Parce que leurs parents ne bénéficient pas de la sécurité sociale, ne sont pas enregistrés auprès du système national de santé ou ont des ressources insuffisantes, ces enfants sont exclus des soins de santé. A cet égard, les expériences de contrôles médicaux et dentaires gratuits dans les écoles ont donné des résultats très positifs.
Il faut s’opposer avec force à l’idée que les pauvres seraient responsables de leur pauvreté. Cet « argument », infondé en ce qui concerne les adultes, est totalement irrecevable dans le cas des enfants. Certaines personnes ont jusqu’à présent été privées d’une protection sociale élémentaire en raison de diverses circonstances sur lesquelles elles n’ont le plus souvent aucune prise.
Nous devons reconnaître que, dans la réalité, la pauvreté est synonyme de privation de toute une série de droits de l’homme. Les politiques de lutte contre la pauvreté devraient promouvoir l’accès à ces droits, notamment les droits à l’éducation, à la formation et à l’emploi, à un logement décent, aux services sociaux et aux soins de santé.
Thomas Hammarberg
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09/07/2007
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