« Les réformes judiciaires ont donné certains résultats positifs en Géorgie, notamment en ce qui concerne l’influence réduite des autorités de poursuite, la transparence accrue des activités du Haut conseil de la justice et l’amélioration de la justice des mineurs. Toutefois, des problèmes structurels persistants requièrent toujours une très grande attention, en particulier en vue de garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dans ses observations adressées au Premier ministre géorgien à la suite d’une visite dans le pays.
La protection des juges contre les ingérences internes et externes est une priorité. Il faudrait adopter les changements nécessaires pour que les procédures de sélection, de nomination et de mutation des juges soient transparentes et fondées sur le mérite et sur des critères précis. Les préoccupations concernant l’attribution des affaires - notamment dans les procès très médiatisés - à des juges perçus comme étant loyaux envers le pouvoir exécutif suscitent des doutes quant à l’indépendance de la justice et appellent l’instauration d’une procédure de répartition aléatoire des affaires entre les juges. Le Commissaire a été informé de cas précis dans lesquels des juges auraient été soumis à des pressions et à des ingérences dans leur travail, y compris des allégations de menaces et d’intimidation dirigées contre des juges de la Cour constitutionnelle en lien avec des décisions qu’ils avaient rendues. Un autre problème que les autorités devraient traiter d’urgence est celui des procédures disciplinaires applicables aux juges, qui ne semblent pas fonctionner correctement.
Le Commissaire est préoccupé par des allégations selon lesquelles des membres de l’opposition seraient visés par des mesures à motivation politique, dont le placement en détention provisoire. En outre, malgré certaines améliorations apportées aux procédures de sélection, de nomination et de révocation du Procureur général, il reste à régler certaines questions relatives au fonctionnement de cette institution clé dans le domaine de la justice pénale. « Il est nécessaire d’agir avec détermination pour augmenter l’impartialité et la transparence des activités des procureurs et des membres des forces de l’ordre. »
Il faut faire toute la lumière sur les allégations selon lesquelles des abus, y compris des mauvais traitements, auraient été commis dans des établissements pénitentiaires et des postes de police, dont celui de Kobuleti. « Les autorités géorgiennes devraient établir les faits et punir les responsables. Elles devraient aussi envisager de créer un mécanisme d’enquête indépendant qui serait chargé d’examiner les allégations mettant en cause des agents des forces de l’ordre ou des fonctionnaires pénitentiaires, sur la base des propositions soumises par le défenseur public et d’autres acteurs, comme le Conseil de l’Europe. »
Le Commissaire demande instamment aux autorités géorgiennes d’utiliser plus efficacement la législation et les mécanismes existants de lutte contre la discrimination. Il faudrait accélérer la procédure d’adoption des modifications législatives soumises au Parlement, car celles-ci donneraient au Défenseur public des pouvoirs plus étendus pour combattre la discrimination, y compris dans le secteur privé.
Le Commissaire exhorte aussi les autorités géorgiennes à améliorer leurs réponses aux crimes et au discours de haine, y compris lorsque ces actes sont motivés par des considérations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Les autorités devraient également apaiser les tensions entre la majorité et les minorités religieuses, notamment en ce qui concerne les questions de biens religieux et de lieux de culte. En outre, des progrès restent nécessaires pour que le principe de la neutralité religieuse soit respecté dans l’éducation. Rappelant que la marginalisation ou l’aliénation de groupes minoritaires menace directement la cohésion sociale, le Commissaire encourage les autorités géorgiennes à instaurer un véritable dialogue avec toutes les confessions religieuses et à traiter les problèmes selon une approche fondée sur les droits de l’homme.
Les observations du Commissaire s’appuient sur les constats qu’il a faits lors de la visite qu’il a effectuée en Géorgie du 9 au 13 novembre 2015 pour évaluer la mise en œuvre des recommandations formulées dans son rapport de 2014. La réponse des autorités géorgiennes peut être consultée ici.