Dans une lettre adressée au ministre de la Protection des citoyens, au ministre des Migrations et de l’Asile et au ministre de la Marine et de la Politique insulaire de la Grèce, rendue publique aujourd’hui, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, demande instamment aux autorités grecques de mettre fin aux opérations de refoulement aux frontières maritimes et terrestres avec la Turquie, et de veiller à ce que toute allégation de renvoi et de mauvais traitements par des membres des forces de sécurité dans le cadre de ces opérations fasse l’objet d’une enquête indépendante et effective.
Ces pratiques, largement dénoncées et attestées depuis de nombreuses années, empêchent les personnes directement refoulées à la frontière, hors de toute procédure et sans identification individuelle, de faire valoir les raisons pour lesquelles ces renvois porteraient atteinte à leurs droits, et de demander une protection. « Dans de telles situations, les États membres ne sont pas en mesure de s’assurer que ces renvois n’emportent pas violation, notamment, de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’interdiction de refoulement inscrite dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés » souligne la Commissaire. « En outre, la manière dont ces opérations seraient menées est de toute évidence incompatible avec les obligations qui incombent à la Grèce en matière de droits de l’homme », ajoute-t-elle.
Notant le rôle joué par les organisations de la société civile s’agissant de documenter et signaler les cas de refoulement, la Commissaire se déclare préoccupée par les tentatives visant à discréditer le travail des ONG œuvrant à la protection des droits des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants et par les procédures d’enregistrement excessivement contraignantes qui risquent non seulement de fragiliser ces organisations, mais aussi de nuire à des milliers de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants qui dépendent souvent de leur intervention pour bénéficier du respect de leurs droits élémentaires au quotidien. Par conséquent, elle demande aux autorités grecques de s’employer activement à créer et à maintenir un cadre juridique et un environnement politique et public propices à l’existence et au fonctionnement d’organisations de la société civile.
Concernant plus particulièrement les conditions d’accueil, la Commissaire souligne qu’il faut agir sans plus tarder pour améliorer les conditions de vie déplorables qui prévalent dans les centres d’accueil et d’identification, ajoutant que toutes les normes adéquates doivent être enfin respectées et le surpeuplement évité. Par ailleurs, les nouvelles structures d’accueil étant, selon certaines informations, appelées à fonctionner comme des centres fermés, Dunja Mijatović craint que cela ne se traduise par des privations de liberté massives et de longue durée. Elle prie instamment les autorités grecques de reconsidérer le caractère fermé de ces centres, de sorte que le régime applicable à ces structures préserve la liberté de circulation de leurs résidents, conformément aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe.
Pour finir, la Commissaire rappelle que la politique de confinement des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants sur les îles de la mer Égée est au cœur d’un grand nombre des problèmes rencontrés de longue date par la Grèce en termes de protection des droits de ces personnes. « J’espère fortement que les nouveaux centres d’accueil ne feront pas obstacle à un réexamen effectif de cette politique » conclut la Commissaire.