Retour En Crimée, les violations graves des droits de l'homme et les attaques contre les minorités et les journalistes nécessitent une action urgente

Rapport sur la mission à Kiev, Moscou et en Crimée

Rapport

« Tous les cas de violations graves des droits de l'homme qui se sont produits en Crimée[1] depuis février 2014, y compris les récents enlèvements, doivent faire l’objet d’enquêtes effectives et les responsables doivent répondre de leurs actes. Il faut aussi prendre d’urgence des mesures pour garantir les droits des minorités et leur sécurité, ainsi que la liberté des médias et la sécurité des journalistes », a déclaré aujourd’hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public un rapport sur sa mission à Kiev, Moscou et Simféropol effectuée du 7 au 12 septembre 2014 ; c’était la première évaluation de la situation des droits de l'homme en Crimée à être réalisée sur place par une institution internationale depuis mars 2014.

Dans le rapport du Commissaire sont évoqués des cas précis de décès et de disparition, notamment le décès de Reshat Ametov et la disparition de trois militants locaux de la société civile, Leonid Korzh, Timur Shaimardanov et Seiran Zinedinov. Le Commissaire note que des procédures pénales ont été ouvertes en lien avec certaines de ces affaires et souligne que davantage de détermination est nécessaire pour enquêter sur toutes les affaires de violations graves des droits de l'homme, conformément aux critères internationaux d’indépendance, de rigueur et de transparence.

Le Commissaire reste préoccupé par la situation des groupes rendus vulnérables par les événements se déroulant dans la région, dont les Tatars de Crimée, les personnes d’origine ukrainienne et toutes celles qui ont refusé la citoyenneté russe. Il attire plus particulièrement l’attention sur les fouilles, pratiquées par des individus armés et masqués appartenant à des forces de sécurité, dans des institutions religieuses musulmanes, des entreprises et des domiciles de membres de la communauté tatare de Crimée. Il se déclare également préoccupé par des allégations concernant des tentatives pour prendre le contrôle d’églises qui sont la propriété de l’Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev. « Il faudrait envoyer un message clair de « tolérance zéro » envers la violence et toute forme de pratique discriminatoire et accorder une attention particulière à la nécessité de protéger les droits de l'homme et de faire respecter l’état de droit en toutes circonstances. Les minorités doivent pouvoir pratiquer leur religion en public et en privé, en toute sécurité, recevoir une éducation dans leurs langues et exprimer ouvertement leurs points de vue, sans peur ni intimidation. Il est essentiel de s’abstenir de toute mesure qui risquerait d’aggraver leur situation et qui inciterait alors une nouvelle fois des membres de minorités à quitter la région ».

Le Commissaire est d’avis que les forces d’autodéfense de Crimée doivent être dissoutes. « Ceux qui n’ont pas été impliqués dans des cas de violations de droits de l’homme pourraient –s’ils le souhaitent-  être intégrés dans les forces de police locale après avoir suivi une formation professionnelle complète ». De plus, il souligne qu’aucune amnistie ne doit jamais être accordée à des personnes ayant commis des violations graves des droits de l'homme. « Il faut respecter en toutes circonstances l’obligation de protéger le droit à la vie et de lutter de manière effective contre les mauvais traitements, y compris en veillant à établir les responsabilités ».

En outre, le Commissaire condamne les agressions physiques et les manœuvres d’intimidation subies par des journalistes ces derniers mois ; il rappelle l’obligation de protéger la liberté des médias en permettant à la presse de remplir sa fonction publique vitale de sentinelle. Il est également important d’assurer des conditions favorables au travail des défenseurs des droits de l’homme ainsi que leur sécurité, et de condamner toute forme de harcèlement à leur égard.

Enfin, le Commissaire souligne la nécessité urgente de garantir « un accès libre et inconditionnel à la Crimée pour les organisations internationales humanitaires et de défense des droits de l'homme, par toutes les voies et à tout moment, ainsi qu’une surveillance internationale sans entrave ».

[1] La mission du Commissaire aux droits de l’homme visait à promouvoir la jouissance effective des droits de l’homme. Elle ne peut être interprétée ni comme une reconnaissance des autorités de facto ni comme une reconnaissance d’une quelconque modification du statut de ce territoire.

Lire le rapport sur la mission à Kiev, Moscou et en Crimée (en anglais)

Strasbourg 27/102014
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