« Je suis très préoccupé par l’exclusion sociale et la discrimination persistantes dont les Gens du voyage font l’objet en Irlande », a déclaré le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muižnieks, à l’issue d’une vite de trois jours dans le pays. Les Gens du voyage ayant été affectés de manière nettement disproportionnée par les coupes budgétaires dues à la politique d’austérité, le Commissaire a souligné l’urgence de réinvestir dans cette communauté. « Je me réjouis des signes indiquant que les Gens du voyage seront bientôt considérés comme un groupe ethnique en Irlande. C’est une reconnaissance que cette communauté attend depuis longtemps. » Associée à des mesures ciblées des pouvoirs publics et à une participation plus effective des Gens du voyage, cette reconnaissance importante peut marquer un nouveau départ dans la lutte contre les graves inégalités que les membres de cette communauté continuent de subir en matière d’hébergement, de santé et d’éducation et, en fait, dans tous les domaines de la vie.
Le Commissaire, qui a rappelé le tragique incendie qui, un an plus tôt, avait coûté la vie à 10 personnes, dont des enfants, sur un site de halte temporaire des Gens du voyage, a souligné l’urgence de combler le manque de possibilités d’hébergement pour cette communauté, d’améliorer l’aménagement des sites et de renforcer la protection contre les expulsions forcées. Dans le cadre des mesures qu’elles prennent pour lutter contre la crise du logement que connaît le pays, les autorités nationales devraient veiller à ce que les collectivités locales utilisent les fonds qui leur sont alloués par l’Etat pour financer des solutions d’hébergement répondant aux besoins spécifiques des Gens du voyage. « J’ai pu constater que, parfois, des investissements modestes et une meilleure communication suffisent pour améliorer considérablement la situation des droits de l'homme et le respect de la dignité des Gens du voyage », a indiqué le Commissaire après s’être rendu sur deux sites où vivent des membres de cette communauté, dans la région de Dublin.
Concernant les droits des femmes et l’égalité de genre, le Commissaire s’est réjoui de la signature, par l’Irlande, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique en novembre 2015, ainsi que de l’élaboration d’une deuxième stratégie nationale en faveur des femmes. « En cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, je demande instamment à l’Irlande de ratifier la Convention d’Istanbul et de prendre des mesures concrètes pour lutter contre la violence domestique. Cela suppose notamment de garantir durablement des crédits suffisants pour remédier au manque de places en refuge pour les femmes victimes de violence », a affirmé le Commissaire, qui a visité un refuge et un centre de conseil pour les femmes victimes de violence domestique à Dublin. « En Irlande, les mesures d’austérité ont aggravé des formes anciennes d’inégalité entre les femmes et les hommes, qui entravent l’accès des femmes à la justice et le progrès en matière de droits des femmes. » Le Commissaire a souligné l’importance de continuer à mener des actions de sensibilisation à la violence domestique et à la violence fondée sur le genre auprès de tous les professionnels concernés, notamment des policiers et des magistrats, de manière à améliorer la réponse du système judiciaire à ces phénomènes.
Sur le plan de la santé et des droits sexuels et reproductifs des femmes, le Commissaire a constaté que l’Irlande possède l’un des cadres juridiques les plus restrictifs d’Europe en matière d’avortement. Alors qu’une « Assemblée de citoyens » a été créée pour examiner le huitième Amendement à la Constitution irlandaise, qui limite actuellement les possibilités de réforme de ce cadre, le Commissaire appelle à se diriger vers une dépénalisation de l’avortement, du moins en cas de risques pour la santé de la mère, d’anomalie fœtale létale ou de viol ou d’inceste.
Le Commissaire a également souligné la nécessité de traiter tous les cas d’abus commis dans le passé à l’encontre de femmes et d’enfants en Irlande, y compris dans des foyers pour femmes, des établissements scolaires et des établissements de santé. Tout en notant les mesures déjà prises en ce sens, dont la création par les autorités de régimes d’indemnisation, le Commissaire a insisté sur l’importance de respecter pleinement les normes internationales des droits de l'homme pertinentes. En particulier, tous les groupes de victimes ont droit à la vérité, au soutien et à des recours effectifs ; ils ont aussi droit à ce que soient ouvertes rapidement, sur toutes les allégations d’abus, des enquêtes indépendantes et sérieuses, qui permettent d’amener les responsables à répondre de leurs actes.
Le Commissaire a aussi appelé l’Irlande à rendre l’éducation plus inclusive, pour mieux répondre aux besoins d’une société de plus en plus marquée par la diversité. « Je m’intéresse beaucoup à l’éducation inclusive car je la juge indispensable à la cohésion sociale des sociétés plurielles. Or, cette question se pose avec une acuité particulière en Irlande », a fait remarquer le Commissaire. En effet, le système éducatif irlandais, dans lequel plus de 95 % des écoles primaires sont confessionnelles et gérées par des institutions privées, cause des problèmes en termes d’accès à l’éducation sans discrimination, fondée en particulier sur la religion. « J’ai été informé de l’intention du Gouvernement d’ouvrir 400 établissements non confessionnels ou multiconfessionnels supplémentaires d’ici à 2030. Il est cependant urgent que l’Etat lève les obstacles, notamment juridiques, qui entravent encore l’accès à l’éducation sans discrimination, et qu’il prenne des mesures pour que tous les établissements scolaires reflètent mieux la diversité de la société irlandaise. »
Le Commissaire publiera prochainement un rapport sur sa visite en Irlande.