« Les Pays-Bas sont dotés d’un solide dispositif de protection des droits de l'homme, mais en pratique il existe des lacunes, notamment en ce qui concerne les droits des immigrés et des enfants. Ces lacunes doivent être comblées », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l’occasion de la publication du rapport sur sa visite de mai dernier aux Pays-Bas.
L’utilisation étendue de mesures de rétention administrative des demandeurs d'asile et des immigrés est particulièrement préoccupante ; cette pratique pose problème au regard des normes internationales, qui n’autorisent la rétention administrative qu’en dernier ressort, pour la durée la plus brève possible et en l’absence d’autre solution effective. Concernant plus précisément le placement systématique en rétention des demandeurs d’asile qui arrivent dans les ports et aéroports internationaux en provenance de pays n’appartenant pas à l’espace Schengen, le Commissaire note que cette mesure ne s’applique pas aux mineurs non accompagnés et seulement exceptionnellement aux familles avec enfants. Cependant, il demande instamment au Gouvernement néerlandais de « mettre fin à la rétention des demandeurs d'asile mineurs ou se trouvant dans une situation de vulnérabilité particulière ».
Le Commissaire appelle aussi les autorités néerlandaises à ne pas placer en rétention des étrangers qui ne peuvent pas être expulsés, car « un tel placement est incompatible avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a établi qu’une mesure privative de liberté est arbitraire si elle n’est pas étroitement liée aux raisons pour lesquelles elle a été ordonnée ».
Autre motif de préoccupation pour le Commissaire : le vide juridique dans lequel se trouvent les immigrés en situation irrégulière. « Un certain nombre d’immigrés en situation irrégulière, complètement démunis, vivent dans la rue ou dans des campements, faute d’obtenir une place dans un centre d’hébergement d’urgence. Il faut remédier à cette situation sans plus tarder car toute personne, quelle que soit sa situation au regard du droit de séjour, a droit à un niveau de vie suffisant, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants ».
Le Commissaire Muižnieks salue les mesures prises pour accorder des permis de séjour à certains des immigrés qui ne peuvent pas être renvoyés et aux mineurs dont la demande d’asile a été rejetée mais qui vivent aux Pays-Bas depuis un certain temps (kinderpardon). Il invite toutefois les autorités néerlandaises à assouplir les conditions limitant l’accès à ces dispositifs. « Il est nécessaire d’adopter une approche humaine et respectueuse des droits de l'homme. Toute personne dont le retour est impossible ou particulièrement difficile devrait être autorisée à rester aux Pays-Bas ».
Concernant les droits des enfants, le Commissaire recommande de prendre plusieurs mesures destinées à améliorer la justice des mineurs : notamment, augmenter l'âge minimal de la responsabilité pénale (actuellement fixé à 12 ans), changer la loi qui autorise, par dérogation, à traiter des jeunes âgés de 16 et 17 ans comme des délinquants adultes et développer le recours à des mesures non privatives de liberté en remplacement de la détention provisoire.
Le rapport met aussi en évidence l’accroissement de la pauvreté chez les enfants et ses répercussions sur les droits des enfants. « Les enfants sont aujourd’hui 100 000 de plus qu’en 2007 à vivre dans la pauvreté. En 2012, la pauvreté touchait 11 % des enfants aux Pays-Bas. Ces chiffres alarmants montrent la nécessité de prendre des mesures vigoureuses de lutte contre la pauvreté, tant au niveau national qu’au niveau local ».
Le Commissaire est également préoccupé par le nombre élevé d’enfants handicapés qui sont séparés des autres enfants de leur âge dans le système éducatif néerlandais. Si les dispositions législatives adoptées récemment dans ce domaine vont dans le bon sens, il reste des progrès à faire pour que l’éducation inclusive devienne la règle. « L’exclusion sociale des personnes handicapées commence souvent dès l’école, lorsqu’elles sont exclues du système éducatif ordinaire. L’éducation inclusive n’est pas seulement bénéfique aux enfants handicapés, mais aussi à leurs camarades de classe, à leurs enseignants et à tous les membres de la collectivité, qui découvrent ainsi la richesse de la diversité humaine ».
Enfin, le Commissaire appelle les autorités néerlandaises à ne pas réduire le budget des structures nationales des droits de l'homme et à renforcer l’indépendance financière de l'Institut néerlandais des droits de l'homme.
Lire le rapport de la visite aux Pays-Bas (en anglais)
Aperçu rapide du rapport avec l'infographie (en anglais)
Lire la réponse du gouvernement des Pays-Bas (en anglais)