« Je suis très préoccupé par des informations faisant état de plusieurs cas de traitement inhumains et dégradants infligés à des personnes handicapées vivant dans des institutions fermées. La Roumanie a besoin de se doter d'un mécanisme national de prévention de la torture permettant de garantir la protection effective des droits de l'homme des personnes privées de liberté », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l'issue d'une visite de cinq jours en Roumanie.
Le Commissaire s'est rendu dans une institution située à Tancabesti, près de Bucarest, où vivent une cinquantaine d'enfants et d'adolescents handicapés. « Isoler des enfants handicapés dans des institutions comme celle que j'ai visitée ne peut que conduire à la dégradation de leur santé et à leur exclusion sociale. Le placement de personnes handicapées en institution perpétue leur stigmatisation et leur marginalisation, ce qui emporte violation de leur droit à l'autonomie de vie et à l'inclusion dans la société, garanti par la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, par laquelle la Roumanie est liée. Pour mettre fin à cette pratique regrettable, il faut s'engager résolument sur la voie de la désinstitutionalisation et de la promotion de l'autonomie des personnes handicapées. »
S'agissant des personnes atteintes de déficiences intellectuelles ou psychosociales, des mesures devraient également être prises afin de remplacer le système de prise de décision substitutive par un système de prise de décision assistée. « Malheureusement, les changements apportés récemment à la législation interne n'ont pas entraîné l'abolition de la déclaration d'incapacité totale et de la tutelle plénière. J'exhorte les autorités à mettre la législation en conformité avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, de manière à ce que ces personnes jouissent de la capacité juridique sur un pied d'égalité avec les autres dans tous les aspects de la vie. »
Le Commissaire s'est réjoui du rétablissement de l'Autorité nationale pour la protection de l'enfance. Il a exprimé l'espoir que cela donnera un nouvel élan aux efforts des autorités visant à combattre les tendances négatives de ces dernières années, qui ont surtout affecté les enfants issus de groupes sociaux défavorisés, tels que les Roms et les personnes en situation d'extrême pauvreté.
Le Commissaire s'est déclaré particulièrement préoccupé par la situation des plus de 80 000 enfants que leurs parents laissent en Roumanie lorsqu'ils vont travailler à l'étranger. « J'invite instamment les autorités à renforcer la protection de ces enfants, qui souffrent beaucoup de l'absence de leurs parents. Il faudrait appliquer d'urgence des mesures en faveur de la prise en charge sanitaire et de l'intégration sociale des plus de 5 000 enfants des rues qui vivent dans des conditions déplorables à Bucarest et d'autres villes de Roumanie. Dans ce contexte, je salue le projet du ministère de la Santé de créer des centres de santé. »
Le Commissaire a aussi salué les mesures prises par les autorités depuis 2013, grâce auxquelles près de 5 000 enfants roms ont été enregistrés à l'état civil et plus de 30 000 adultes ont obtenu des papiers d'identité. « J'encourage les autorités à poursuivre ces efforts, qui sont indispensables pour permettre aux personnes concernées de bénéficier des droits sociaux fondamentaux que sont l'accès aux soins et l'accès à l'éducation. »
Le Commissaire Muižnieks a constaté avec satisfaction le succès des mesures adoptées par la Roumanie pour intégrer les enfants et les adolescents roms dans le système éducatif et pour promouvoir l'enseignement du romani et de l'histoire des Roms dans les établissements scolaires. « Le taux de décrochage des élèves roms, estimé à 36 %, reste cependant trop élevé. J'exhorte les autorités à mobiliser les fonds nécessaires et à mieux utiliser l'efficace outil de médiation sociale créé en Roumanie que sont les médiateurs roms, dont seuls la moitié est actuelle employés. »
Enfin, tout en se félicitant des dispositions anti-discrimination intégrées dans la législation nationale et de l'action du Conseil national de lutte contre la discrimination, le Commissaire a vivement encouragé les autorités à combattre plus énergiquement les crimes de haine. « J'observe avec inquiétude que les autorités roumaines semblent sous-estimer le nombre d'infractions motivées par la haine raciale commises dans le pays, dont les premières victimes sont les Roms. Bien que des ONG et des médias fassent régulièrement état de telles infractions, aucune n'a fait l'objet d'une procédure judiciaire en 2013. Il convient de veiller tout particulièrement à ce que les cas de discours de haine et de crime de haine soient dûment signalés et à ce que les membres des forces de l'ordre et les professionnels du droit reçoivent systématiquement une formation qui les rende capables de reconnaître les infractions à motivation raciste, de mener des enquêtes effectives et de sanctionner les coupables. »
Le rapport du Commissaire sur la visite sera publié prochainement.