(Lire le communiqué de presse en russe)
"Il est nécessaire de continuer à mener de grandes réformes pour remédier aux déficiences systémiques de l'administration de la justice et renforcer l'indépendance et l'impartialité du système judiciaire en Fédération de Russie", a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la publication d'un rapport sur la visite qu'il a effectuée en Fédération de Russie du 3 au 12 avril 2013.
Le Commissaire reconnaît les efforts déployés par le gouvernement pour faire évoluer le système judiciaire : par exemple, la révision de la législation, l'actuelle réforme de la procédure de supervision extraordinaire et l'instauration d'un recours contre la durée excessive des procédures et les retards dans l'exécution des décisions des juridictions internes.
Il reste cependant beaucoup à faire pour assurer le bon fonctionnement de la justice. M. Muižnieks recommande d'améliorer les procédures et les critères appliqués pour nommer, destituer et sanctionner les juges. "Entre 2002 et 2012, plus de 600 juges ont été destitués et près de 2 500 ont reçu des avertissements. Bien que le nombre de sanctions prises contre des juges soit en diminution constante depuis 2010, il semble que les juges ne soient pas à l'abri des pressions indues, dont certaines émanent de la magistrature elle-même."
Le ministère public exerce de vastes pouvoirs discrétionnaires, ce qui porte atteinte au principe de l'égalité des armes et au caractère véritablement contradictoire de la procédure. "La justice pénale reste programmée pour rendre des verdicts de culpabilité ; l'acquittement est considéré comme un échec du système. Dans les rares cas où l'accusé est acquitté, le procureur forme presque toujours un recours contre cette décision, comme il le fait aussi lorsque la peine prononcée lui semble trop clémente. Les droits de la défense sont également fragilisés à cause du harcèlement et des autres formes de pressions exercées sur les avocats, qui se trouvent bien trop souvent empêchés d'assister efficacement leurs clients. Ce système est injuste et doit changer."
Le Commissaire appelle également à la prudence en ce qui concerne la procédure simplifiée. Cette procédure, qui permet d'éviter un examen complet de l'affaire lors d'une audience judiciaire, peut être mise en œuvre à la demande du défendeur si celui-ci reconnaît les faits qui lui sont reprochés. "Certes, le recours à la procédure simplifiée peut accélérer le traitement des affaires pénales, écourter la détention provisoire et réduire la peine, mais une combinaison de facteurs, dont un taux de condamnation très élevé, la sévérité des peines et le peu de confiance de la population dans le système judiciaire, risque d'inciter le défendeur à plaider coupable même s'il est innocent, ce qui conduit à une distorsion de la justice."
Concernant le problème structurel de l'absence d'enquêtes sur les disparitions et d'autres crimes graves dans le Caucase du Nord, le Commissaire souligne que la justice est nécessaire à une véritable réconciliation dans la société. Il recommande de mener des enquêtes effectives sur les exactions passées et d'améliorer la protection des victimes et des témoins.
M. Muižnieks recommande aussi que les autorités russes s'abstiennent d'extrader des étrangers qui risquent d'être soumis à la torture dans le pays de destination, en rappelant les arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme sur cette question. "Les tribunaux russes omettent souvent d'évaluer sérieusement les risques encourus et ont tendance à se fier beaucoup trop aux assurances diplomatiques données par l'Etat qui demande l'extradition. Les juges, les procureurs et tous les agents responsables du traitement des cas d'extradition doivent appliquer les normes européennes et internationales relatives aux droits de l'homme. Il est nécessaire de mener des enquêtes effectives sur les cas d'enlèvement, anciens ou plus récents, pour que les responsables répondent de leurs actes et, à titre dissuasif, pour éviter que de telles violations ne se reproduisent."
Préoccupé par la persistance de cas de torture et de mauvais traitements en garde à vue, et convaincu de la nécessité de mettre fin à la culture de l'impunité, le Commissaire recommande de modifier la législation pour faire de la torture une infraction pénale distincte, de permettre d'engager directement des poursuites à l'encontre de policiers et d'autres fonctionnaires, et d'exclure des enquêtes les agents complices des mauvais traitements ou impliqués dans ces affaires.
Enfin, M. Muižnieks souligne le rôle important joué par les différents acteurs qui participent à la défense des droits de l'homme en Fédération de Russie, notamment les ombudsmans, la société civile et le Conseil présidentiel pour les droits de l'homme et la société civile. "Les autorités russes devraient entretenir un véritable dialogue avec les représentants de la société civile et des structures des droits de l'homme, ainsi que cela est indiqué dans l'avis sur la compatibilité de la législation de la Fédération de Russie relative aux organisations à but non lucratif avec les normes du Conseil de l'Europe, que j'ai publié en juillet dernier. Leurs conseils et recommandations devraient être mieux pris en compte dans le processus décisionnel."
Lire le communiqué de presse en russe
Lire le rapport (en anglais)
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