« La cyberviolence à l’égard des femmes est un problème croissant en Europe. Il peut prendre de nombreuses formes, comme le harcèlement (sexuel), la pornodivulgation, les menaces de viol, d’agression sexuelle ou de meurtre. Les auteurs de ces violences peuvent être des partenaires, des ex-partenaires, des collègues, des camarades de classe ou, comme c’est souvent le cas, des individus anonymes. Certaines femmes sont particulièrement exposées, comme les défenseures des droits des femmes, les journalistes, les blogueuses, les joueuses en ligne, les personnalités publiques et les politiciennes. La cyberviolence touche les femmes de manière disproportionnée, ce qui est non seulement cause de traumatismes et de souffrances psychologiques pour elles, mais les dissuade aussi de participer à la vie politique, sociale et culturelle dans le cyberespace », a déclaré aujourd’hui la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Il est inquiétant de constater que le confinement imposé dans de nombreux pays européens pour stopper la pandémie de covid-19 a augmenté l’exposition des femmes et des filles à la violence de genre en ligne, en particulier la violence sexuelle, facilitée par l’utilisation accrue des communications numériques pendant cette période. Comme toutes les autres formes de violence à l’égard des femmes, la cyberviolence fait obstacle à la pleine réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes et porte atteinte aux droits des femmes.
Si la cyberviolence à l’égard des femmes est quotidienne sur internet, en particulier sur les plateformes des médias sociaux, ces dernières peuvent aussi être des armes efficaces pour lutter contre ce fléau. Ces dernières années, des mouvements contre la violence sexuelle se sont répandus sur la toile pour inciter les femmes à témoigner de leur vécu. Internet peut aussi être un lieu adapté pour lancer des campagnes d’information afin de mettre en garde contre les risques de cyberviolence et offrir des services de soutien et d’assistance aux victimes. Un très bon exemple en est le projet SOFJO du Représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, qui porte sur la sécurité en ligne des femmes journalistes.
Au niveau du Conseil de l’Europe, outre la Convention de Lanzarote, qui traite de la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, et la Convention de Budapest sur la cybercriminalité, l’instrument phare est la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d'Istanbul. Elle fait obligation aux États parties de réprimer la violence psychologique et le harcèlement, y compris sexuel. Elle préconise aussi l’application de mesures préventives dans le secteur éducatif et invite à trouver des moyens pour encourager les entreprises privées et les médias à se fixer des principes d’autoréglementation, par exemple des mesures visant à lutter contre toute forme d’agression verbale à l’égard des femmes. Il est important que tous les États membres ratifient cette convention et la mettent pleinement en œuvre.
En vertu de la Convention d’Istanbul, tout auteur de violences doit être dûment poursuivi et sanctionné. Pour que ce soit aussi le cas avec la cyberviolence à l’égard des femmes, cette forme spécifique de violence doit être reconnue par le droit pénal afin de sortir de l’impunité. À cet effet, il devrait y avoir des mécanismes spécialisés en ligne, facilement accessibles, qui permettent aux femmes de signaler les abus aux autorités et d’obtenir à la fois une protection et la suppression des contenus préjudiciables. Les services répressifs devraient être formés afin de pouvoir mener plus efficacement enquêtes et poursuites dans les affaires de cyberviolence.
Je salue toutes les initiatives prises par le Conseil de l’Europe et ses États membres pour lutter contre la cyberviolence à l’égard des femmes. J’invite aussi instamment tous les États membres à soutenir les organisations de la société civile engagées dans ce combat et à coopérer avec elles ainsi qu’avec les institutions nationales des droits de l’homme et les sociétés d’internet. Par ailleurs, il est essentiel de s’attaquer aux causes profondes de la cyberviolence à l’égard des femmes en condamnant plus généralement le sexisme et en remettant en cause les stéréotypes de genre. La Recommandation CM/Rec(2019) 1 CM/Rec(2019)1, Prévention et lutte contre le sexisme, et la campagne correspondante contre le sexisme sont des outils utiles à cet égard.
Souvent, les agressions et la violence en ligne à l’égard de femmes ne sont pas prises au sérieux. Il faut que cela change et les États doivent s’attaquer à la cyberviolence comme à n’importe quelle autre forme de violence à l’égard des femmes, en utilisant tous les outils dont ils disposent. Comme ce problème ne concerne pas que les femmes, il est essentiel d’associer les hommes à sa prévention et de souligner le rôle positif qu’ils peuvent jouer à ce sujet. Si les États n’interviennent pas, c’est la liberté d’expression en ligne qui sera menacée. Si, au contraire, les États se saisissent du problème des violences sexistes en ligne en utilisant le cadre international en place pour garantir les droits humains, ils permettront qu’internet soit une plateforme ouverte, libre et sûre pour l’échange d’idées.
Faisons du monde numérique un lieu où l’égalité entre les femmes et les hommes est une réalité et où les femmes et les filles se sentent en sécurité, à l’abri de la violence, autonomes et plus visibles.