L’arrestation et le placement en détention d’un grand groupe de Tatars de Crimée, dont plusieurs journalistes, qui s’étaient rassemblés pacifiquement à Simferopol le 23 novembre pour assister à la libération d’Edem Semedlyaev, un avocat défenseur des droits de l’homme, est le dernier en date d’une série d’actes de représailles et de harcèlement dirigés contre des membres de cette communauté. Cet acte s’inscrit dans le cadre des persécutions dont font l’objet les responsables des Tatars de Crimée et des membres de ce groupe qui sont des défenseurs des droits de l’homme, des militants ou des journalistes, mais aussi beaucoup de membres ordinaires. Ces persécutions m’ont été décrites dans des témoignages nombreux et concordants qui émanent de membres de la communauté des Tatars de Crimée et d’organisations de défense des droits de l’homme dignes de foi.
Cette politique de persécution manifeste se traduit par des arrestations et des détentions arbitraires, mais aussi par des perquisitions brutales faites au domicile de particuliers ou dans des mosquées, par des procédures pénales qui ne respectent pas les garanties d’un procès équitable et par des peines extrêmement sévères, y compris de longues peines d’emprisonnement, imposées ces dernières années à des dizaines de militants tatars, dont Osman Arifmetetov, Edem Bekirov, Aider Dzhapparov, Timur Ibragimov, Rustem Ismailov, Suleyman Kadyrov, Emir-Usein Kuku, Server Mustafaev, Enver Omerov, Riza Omerov, Erfan Osmanov, Seyran Saliev et Ruslan Suleymanov. Beaucoup de ceux qui ont été inculpés ou condamnés à la suite d’accusations de terrorisme ou d’extrémisme dénuées de fondement continuent d’être détenus dans des prisons de haute sécurité ou dans des colonies pénitentiaires éloignées, souvent situées hors de Crimée. Dans bien des cas, ils seraient soumis à de mauvais traitements et privés d’un accès adéquat à leurs familles et à leurs avocats. Certains, comme Servet Gaziev, Gafar Dzhemilev et Murat Zekharia, ont connu des conditions de détention particulièrement difficiles car ils n’ont pas reçu les soins rendus nécessaires par leur âge avancé ou par leur mauvaise santé.
Cette tendance alarmante est encore confirmée par les condamnations pénales imposées à des responsables tatars, tels que Refat Chubarov, Président du Mejlis, jugé et condamné par contumace en juin 2021, ou Ahmet Chiygoz et Ilmi Umerov, Vice-Présidents du Mejlis, jugés et condamnés en septembre 2017, puis expulsés de la péninsule. Un autre Vice-Président du Mejlis, Nariman Dzhelyal, a été arrêté et placé en détention début septembre 2021. Quant à Mustafa Dzhemilev, ancien Président du Mejlis, il est actuellement jugé au pénal par contumace et s’est déjà vu interdire l’accès à la Crimée jusqu’en 2034, date à laquelle il aura plus de 90 ans.
Ceux qui, comme Edem Semedlyaev et d’autres avocats spécialisés dans les droits de l’homme, défendent courageusement les droits des Tatars de Crimée, subissent des représailles : arrestation et détention arbitraires, harcèlement administratif et judiciaire, perquisitions, surveillance et menaces, par exemple. De plus, presque tous les médias tatars indépendants ont été contraints à cesser leurs activités en Crimée et les rares qui subsistent sont soumis à la censure et à des pressions.
Alors que je poursuis mes efforts dans le but de pouvoir me rendre en Crimée pour y faire le travail de suivi indépendant et impartial prévu par mon mandat, j’appelle à respecter les droits des Tatars. La persécution des Tatars de Crimée doit cesser. Les personnes chargées de l’application de la loi et du maintien de l’ordre devraient respecter et protéger les droits et les libertés reconnus à tout Tatar de Crimée au titre de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment le droit à la protection contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à un procès équitable, la liberté de pensée, de conscience et de religion, la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association.
En particulier, il faut mettre fin sans tarder aux arrestations, perquisitions et détentions arbitraires et aux poursuites pénales fondées sur des accusations mensongères de terrorisme ou d’extrémisme, par exemple. Toutes les personnes condamnées ou détenues sur la base de cette forme de procédure abusive devraient être disculpées et libérées immédiatement. Les avocats qui défendent des Tatars de Crimée doivent pouvoir exercer leurs fonctions sans intimidation ni entrave et les médias des Tatars de Crimée, les journalistes, les militants et les blogueurs doivent pouvoir mener leurs activités sans restriction ni harcèlement.