La lutte pour le respect des droits de l’homme se mène aussi au niveau local. En effet, les autorités locales ou régionales prennent des décisions clés en matière d’éducation, de logement, de santé, de services sociaux et de maintien de l’ordre, autant de domaines très importants qui ont des incidences sur les droits de l’homme. Aussi ces décideurs politiques doivent-ils veiller à intégrer les normes européennes et internationales dans l’élaboration de leurs politiques et à fonder leur approche sur le respect des droits de l’homme.
Si les gouvernements et parlements nationaux ratifient des traités internationaux qui engagent les Etats, c’est souvent aux pouvoirs locaux et régionaux qu’incombe la mise en œuvre quotidienne des normes relatives aux droits de l’homme. Eux aussi sont liés par ces accords.
Par conséquent, il est fondamental de promouvoir et de protéger les droits de l’homme au niveau local. Les pouvoirs locaux et régionaux sont souvent directement compétents en matière de santé, d’éducation, de logement, d’approvisionnement en eau, d’environnement, de maintien de l’ordre, et, la plupart du temps, de fiscalité. Ces questions ont trait aux droits des individus, et, plus particulièrement, à leurs droits sociaux.
La proximité géographique et personnelle entre les citoyens et les responsables politiques locaux présente des avantages évidents. En effet, ces derniers sont plus accessibles et ils ont davantage conscience des besoins et des défis les plus immédiats en matière de droits de l’homme dans leur région.
En outre, le dialogue avec les citoyens et les groupes non gouvernementaux peut être plus direct et plus inclusif au niveau local. Les collectivités locales qui ont adopté une approche militante des droits de l’homme ont pris conscience qu’il y avait beaucoup à gagner à traiter les individus comme des « titulaires de droits », plutôt que de se contenter d’essayer de répondre à leurs besoins.
Mais une telle approche exige des responsables locaux qu’ils mènent des campagnes actives de sensibilisation, afin de garantir que les citoyens aient connaissance de leurs droits et de ceux des autres.
A cet égard, lors de mes visites dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, je m’efforce toujours de rencontrer ces responsables locaux et régionaux, et j’ai souvent été impressionné par l’engagement et la créativité dont font preuve bon nombre d’entre eux.
En Autriche, par exemple, les administrations provinciales disposent de coordinateurs pour les droits de l’homme, qui forment le réseau des autorités dans ce domaine et auquel l’on a recours pour la préparation de communications adressées aux mécanismes de contrôle internationaux relevant du domaine des droits de l'homme. A cet égard, la ville autrichienne de Graz a conçu une initiative intéressante en créant un conseil local des droits de l’homme chargé d’examiner la réglementation et les activités de la ville du point de vue des droits de l’homme.
J’ai également eu connaissance d’autres initiatives locales intéressantes, notamment en Italie, dans la ville de Bologne, qui a élaboré des projets d’inclusion sociale et facilité l’accès aux processus décisionnels, ou encore à Naples, où des projets de logement avaient été lancés (bien qu’ils soient désormais suspendus en raison d’un manque de ressources financières). D’autres expériences positives ont été menées dans ce pays, en partie par le biais de réseaux locaux, ce qui a facilité l’intégration de demandeurs d’asiles, de réfugiés et d’élèves issus de l’immigration.
Dans le cadre d’un projet mené en coopération avec l’UNICEF, les maires de plusieurs villes d’Europe se sont portés volontaires pour agir en tant que protecteur spécial des droits des enfants. Par ailleurs, les conseils municipaux de plusieurs villes se sont inspirés du Programme « Les villes pour les droits de l’homme », une initiative non gouvernementale soutenue par le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT), qui s’efforce de répondre aux questions liées aux droits de l’homme en adoptant une approche globale et participative.
En outre, en 2007, les maires de vingt villes européennes ont uni leurs forces et appelé leurs pairs à garantir la liberté de réunion et d’association aux groupes de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) dans les pays où ces droits avaient été refusés ou restreints.
Malheureusement, j’ai également été témoin de quelques exemples de xénophobie et de manque de compréhension au niveau local, notamment en ce qui concerne les besoins des groupes défavorisés.
Cette situation est d’autant plus déplorable qu’il a été prouvé que la gouvernance locale, qui repose sur les droits de l’homme, était un moyen efficace pour venir à bout de la discrimination et de l’exclusion sociale. En effet, bon nombre de collectivités territoriales européennes mènent des projets locaux qui améliorent les conditions de vie de groupes de personnes défavorisées, telles que les Roms, les migrants et les réfugiés en leur permettant d’exercer leurs droits.
En octobre 2008, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a organisé un séminaire à Stockholm sur les travaux entrepris au niveau local pour la mise en œuvre des droits de l’homme. A cette occasion, il a souligné l’importance des campagnes de sensibilisation, des plans d’action locaux, des médiateurs locaux ou régionaux, du contrôle du respect des droits de l’homme et de la formation des responsables politiques locaux et des fonctionnaires concernant les responsabilités qui leur incombent en matière de droits de l’homme. Voici autant de thèmes qui pourraient être développés plus avant.
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Les collectivités territoriales et les autorités régionales sont encouragées à développer leurs propres plans d’action. En effet, les plans d’actions locaux sont plus adaptés à leurs besoins, à leurs ressources et à leurs priorités. Plusieurs organismes locaux en Europe ont déjà développé des plans d'actions sectoriels visant à protéger les droits de l'enfant, à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes ou à construire une société accessible aux personnes handicapées. Ainsi, une planification cohérente des droits de l’homme permettrait d’examiner et d’analyser régulièrement la situation locale en la matière. En outre, les problèmes et les solutions pourraient être étudiés directement avec la société civile, les citoyens et d'autres partenaires. Enfin, l'expérience acquise au niveau local devrait par ailleurs contribuer à la planification des activités en matière de droits de l'homme au niveau national.
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Les médiateurs et autres institutions des droits de l'homme doivent être connus de tous et facilement accessibles à l’ensemble de la population, pas seulement aux habitants de capitales ou de villes importantes. Dans les grands pays, la réalisation de cet objectif peut nécessiter la création de bureaux du médiateur national en dehors des zones métropolitaines. Une autre solution consisterait à mettre en place des médiateurs locaux ou régionaux. En effet, la proximité géographique de ces derniers avec la population les rend plus disponibles et plus accessibles aux personnes dont les droits ont été bafoués.
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Pour que les fonctionnaires puissent cerner et traiter les questions liées aux droits de l’homme dans le cadre de leurs activités ordinaires, ils doivent eux-mêmes être formés aux droits de l’homme.
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Il est nécessaire de se pencher sur les conséquences pour les droits de l’homme de la privatisation généralisée des services éducatifs, sanitaires et sociaux. Bien que divers services puissent effectivement être confiés au secteur privé, la responsabilité relative à la mise en œuvre des normes internationales ne saurait lui être déléguée. Par conséquent, il faut établir un système de responsabilisation dans les administrations concernées, et contrôler la qualité des prestations de service.
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Le budget local est généralement un bon indicateur de l'attachement des responsables politiques aux droits de l'homme. En effet, les responsables politiques locaux sont souvent tenus d’établir des priorités entre différents besoins. L'examen du budget sous l'angle des droits de l'homme est un moyen de mieux informer les élus et les fonctionnaires des conséquences de leurs décisions.
L’approche fondée sur les droits de l’homme au niveau local donne aux patients, aux élèves, aux personnes âgées, aux sans-abri, en un mot à tout un chacun, la possibilité de faire valoir ses droits et d’améliorer ainsi la situation ; elle est étroitement associée à la bonne gouvernance. Les responsables politiques locaux devraient par conséquent saisir l’opportunité d’améliorer la qualité de vie au sein de leur propre collectivité en mettant les droits de l’homme en œuvre dans leurs travaux ordinaires.
Thomas Hammarberg