« Le conflit dans l’est de l’Ukraine continue de causer de terribles souffrances et la perte de vies humaines. Il est temps d’y mettre fin et de veiller à ce que les responsables de violations des droits de l'homme fassent l’objet de poursuites et de sanctions effectives », a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public un rapport sur sa visite en Ukraine de mars dernier. Lors de cette visite, le Commissaire s’est rendu à Kiev, Dnipropetrovsk et dans la ville de Donetsk, non contrôlée par le gouvernement.
Le rapport met en évidence des questions de droits de l'homme qui doivent être traitées d’urgence, à la fois dans les territoires sous contrôle gouvernemental et dans les territoires non contrôlés par le gouvernement. Le Commissaire souligne en particulier la nécessité de faire respecter le droit à la vie, l’interdiction de la torture et le droit à la protection contre les disparitions forcées.
« Toutes les parties au conflit doivent respecter le droit à la vie, ce qui suppose de mettre un terme aux combats et aux violences et de rechercher une solution pacifique sur la base des Accords de Minsk », affirme Nils Muižnieks. « Les dispositions du droit international humanitaire doivent être pleinement et rigoureusement respectées par toutes les parties et en toutes circonstances. » Le Commissaire regrette aussi que la peine de mort ait été rétablie dans la zone non contrôlée par le gouvernement et recommande de revenir sur cette décision.
Le Commissaire a reçu des allégations crédibles selon lesquelles des cas de torture et de mauvais traitements se seraient produits en 2014 et 2015, des deux côtés de la ligne de démarcation. Il appelle les deux camps à prendre d’urgence des mesures durables pour mettre fin à ces exactions et faire en sorte que les auteurs répondent de leurs actes. « Les personnes qui détiennent le pouvoir au plus haut niveau doivent indiquer sans équivoque que les mauvais traitements ne seront pas tolérés. » Le Commissaire Muižnieks ajoute que quiconque affirme être victime d’infractions liées au conflit doit avoir accès à la justice, disposer d’un recours effectif et pouvoir demander réparation. Toutes les victimes de mauvais traitements et leurs familles doivent pouvoir bénéficier de programmes d’assistance qui visent à assurer leur réadaptation dans toute la mesure du possible.
Préoccupé par des pratiques consistant à détenir des personnes au secret et/ou dans des lieux non reconnus, le Commissaire souligne qu’il faut garantir la possibilité de se rendre sans entraves auprès de toutes les personnes privées de liberté – qu’elles se trouvent dans un lieu de détention officiel ou non officiel – des deux côtés de la ligne de démarcation. « Toutes les personnes qui ont été privées de liberté de manière arbitraire devraient être libérées immédiatement », affirme-t-il, en regrettant qu’il ait été impossible pour lui et les représentants d’autres organisations internationales de se rendre dans des lieux de privation de liberté situés dans les territoires non contrôlés par le gouvernement.
Le Commissaire souligne aussi que, pour établir une paix durable et favoriser la réconciliation dans la société, il est indispensable que les responsables de violations graves des droits de l'homme répondent de leurs actes. A cette fin, il faut combler en priorité plusieurs lacunes importantes concernant les enquêtes sur ces cas. Il importe aussi de mener une enquête effective chaque fois que des éléments laissent penser qu’une violation grave des droits de l'homme pourrait avoir eu lieu. « Les enquêtes et les poursuites contre toutes les personnes impliquées dans ces exactions présentent de nombreuses difficultés, notamment en cas de participation éventuelle de mercenaires et/ou de combattants étrangers. D’où l’importance de coopérer pleinement avec les mécanismes internationaux pertinents qui peuvent apporter aide et expertise dans ce domaine. »
Cette coopération internationale devrait aussi être renforcée afin de résoudre les centaines de cas de personnes disparues. « Il faudrait revoir la législation nationale sur les sanctions pour les auteurs de disparitions forcées et sur les droits des victimes et de leurs familles, pour vérifier qu’elle est pleinement compatible avec les normes internationales applicables en la matière. »
Par ailleurs, le Commissaire souligne la nécessité de garantir aux civils la liberté de traverser la ligne de démarcation, notamment en supprimant les dispositions les plus restrictives de l’arrêté provisoire instaurant un système de permis. Il recommande également de modifier le cadre réglementaire applicable aux personnes déplacées à l’intérieur du pays, de manière à dissocier le versement des pensions et d’autres prestations du statut de déplacé interne. En outre, le Commissaire appelle les autorités ukrainiennes à établir une procédure distincte qui permette aux personnes résidant en permanence dans les territoires non contrôlés par le gouvernement de toucher leur pension et d’autres prestations sociales.
Le Commissaire souligne aussi la nécessité de lever tous les obstacles qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et qui rendent difficile, pour les missions et les organisations internationales, de se rendre auprès des groupes les plus vulnérables, notamment auprès des personnes qui vivent dans les territoires non contrôlés par le gouvernement et dans la « zone grise » située entre les postes de contrôle.
Enfin, le Commissaire observe qu’il est indispensable de diffuser un message de réconciliation et de tolérance, et appelle les médias à couvrir le conflit en respectant les normes les plus élevées d’éthique journalistique et de professionnalisme.
C’est le quatrième rapport que le Commissaire consacre à l’Ukraine depuis 2012. Pour en savoir plus sur son travail concernant les droits de l'homme en Ukraine, veuillez consulter cette page.