« Le conflit armé en Ukraine donne lieu à de nombreux témoignages de graves violations des droits de l’homme, dont des meurtres, des disparitions forcées et des actes de torture des deux côtés de la ligne de démarcation. Les auteurs de crimes d’une telle gravité doivent rendre compte de leurs actes. Il faut veiller à ce que les victimes de violations des droits de l’homme ainsi que leurs familles puissent participer aux procédures pénales engagées sur la base de ces crimes » a affirmé le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, suite à la visite qu’il a effectuée en Ukraine du 21 au 25 mars 2016. Dans le cadre de cette visite, le Commissaire s’est rendu à Kiev, Dnipropetrovsk et dans la ville de Donetsk non contrôlée par le Gouvernement. A Donetsk, le Commissaire a visité un hôpital spécialisé en psychoneurologie et un foyer pour personnes âgées.
Le Commissaire et sa délégation se sont longuement entretenus avec plus d’une dizaine de personnes qui ont affirmé avoir été soumises à diverses formes de mauvais traitements de part et d’autre de la ligne de démarcation. La plupart étaient des civils qui avaient été apparemment détenus ou maintenus en captivité en 2014 et/ou en 2015 soit par les forces de l’ordre ou des bataillons de volontaires progouvernementaux d’un côté, soit par des groupes armés opposés au Gouvernement dans l’Est du pays, de l’autre. A Kiev, le parquet a informé le Commissaire que de nombreuses poursuites pénales visant des membres des forces gouvernementales et des bataillons de volontaires avaient été lancées. Etant donné que des mauvais traitements ainsi que des détentions au secret, voire non reconnues, sont constamment signalés, il est capital de veiller à ce que les organismes internationaux compétents puissent jouir d’un accès sans entrave aux détenus dans les deux camps. Alors que c’est généralement le cas sur le territoire contrôlé par le Gouvernement, le Commissaire a exhorté ses interlocuteurs de Donetsk à adopter une approche réciproque.
Le Commissaire a été informé que plusieurs centaines de personnes figurent toujours sur les listes de personnes disparues établies à Kiev et à Donetsk. « Les familles des victimes, ainsi que la société dans son ensemble, ont le droit de connaître la vérité », a affirmé le Commissaire. « Il faut soutenir les efforts des ONG et des associations de parents de personnes disparues pour découvrir quel sort leur a été réservé. L’instauration d’un mécanisme indépendant pour rechercher les personnes disparues pourrait renforcer ce processus ».
« La liberté de circulation des personnes s’est encore réduite depuis ma précédente visite en Ukraine à l’été 2015 » a fait remarquer le Commissaire. On observe, certes, quelques améliorations de l’infrastructure aux postes de contrôle et aux alentours mais les files d’automobilistes attendant pendant des heures, voire des journées entières, pour passer la ligne de démarcation ne cessent de s’allonger. Pour prévenir un isolement accru de la population vivant dans les zones qui échappent au contrôle du Gouvernement et le long de la ligne de démarcation, il faudrait prendre des mesures concrètes afin d’accroître la liberté de circulation d’un territoire à l’autre et de s’assurer que les organisations humanitaires internationales peuvent se rendre sans entraves auprès des personnes dans le besoin.
Au cours de ses entretiens avec le Président et le ministre des Finances, le Commissaire s’est déclaré préoccupé par la suspension du versement des pensions aux personnes résidant dans les territoires non contrôlés par le Gouvernement et a appelé une nouvelle fois les autorités à mettre en œuvre une approche pragmatique et proactive pour établir le contact avec les habitants de ces zones. « Le paiement des pensions et des prestations sociales ne devrait pas être lié au statut de personne déplacée à l’intérieur du pays (PDI) d’un individu ».
Le rapport sur la visite du Commissaire sera publié prochainement.