L'attaque militaire déclenchée par la Russie a entraîné d'immenses souffrances, des morts et des destructions en Ukraine, avec des conséquences désastreuses sur le plan des droits humains et sur le plan humanitaire pour tous ceux et celles qui y vivent. Elle a également entraîné la cessation de la qualité de membre de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe et une nouvelle intensification des lois et des pratiques qui constituaient depuis de longues années déjà une menace existentielle pour la société civile russe, portant ainsi la répression des droits humains et des libertés en Russie à des niveaux sans précédent. Les manifestations publiques contre la guerre ont été systématiquement dispersées et des milliers de manifestants pacifiques arrêtés et poursuivis. Des centaines de militants de la société civile, de défenseurs des droits humains et de journalistes indépendants ont été victimes de diverses formes de représailles, depuis le qualificatif « d’agents étrangers » jusqu’à des menaces, des intimidations et un harcèlement administratif et judiciaire. L’intimidation et le harcèlement de la société civile russe ont commencé il y a longtemps. Avant même le début de la guerre, des dizaines d’ONG, notamment Memorial parmi les plus importantes, ont été dissoutes en vertu de la loi dite « des agents étrangers », tandis qu’il a été interdit à des groupes de la société civile et à des médias étrangers et internationaux d’exercer leurs activités après avoir été qualifiés « d’indésirables » par les autorités russes. Pendant ce temps, l’opposant Alexeï Navalny reste en prison, ce qui est contraire aux obligations de la Russie au titre de la Convention européenne des droits de l’homme.
Avec le début de la guerre, le Parlement russe s’est empressé d’adopter une série de projets de loi sévères qui ont banni la liberté de parole et toute critique de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine en imposant, entre autres, de lourdes amendes et des peines de prison de longue durée pour « discréditation de l’armée russe » et diffusion de « fausses informations ». En conséquence, des milliers de sites Internet et de médias indépendants ont été bloqués, interdits ou ont décidé d’interrompre leurs activités depuis le début de la guerre en Ukraine, notamment le journal « Novaïa gazeta", la chaîne de télévision « Dojd’ »" et la station de radio « Echo de Moscou ». Dans toute la Fédération de Russie, des milliers de personnes ont fait l'objet de sanctions administratives, notamment d'amendes et d'arrestations, en raison de leur opposition à la guerre. Des dizaines de blogueurs, journalistes, avocats spécialisés dans la défense des droits humains, fonctionnaires, artistes, personnalités et dirigeants de l'opposition, tels que Vladimir Kara-Mourza et Ilia Iachine, qui se sont élevés contre la guerre, se sont retrouvés sous le coup de poursuites pénales, et nombre d’entre eux sont en détention, risquant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement.
Outre la restriction sévère du droit de tous de recevoir des informations en Fédération de Russie, cette répression sans précédent des droits humains a eu un immense effet dissuasif sur tous ceux et celles qui s’opposent ouvertement à la guerre, incitant des centaines de militants de la société civile, notamment des défenseurs des droits humains et des journalistes, à fuir leur pays et à chercher refuge à l’étranger, notamment dans des États membres du Conseil de l'Europe.
Après la cessation de la qualité de membre de la Fédération de Russie du Conseil de l’Europe, le Comité des Ministres a adopté la résolution CM/Res(2022)3 notant, entre autres, que l’Organisation prendra des initiatives visant à soutenir et à collaborer avec les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante en Fédération de Russie. Une décision similaire a également été adoptée en ce qui concerne la coopération entre le Conseil de l’Europe et la société civile, les défenseurs des droits humains et les médias indépendants du Bélarus. L'Assemblée parlementaire a adopté la même approche, soulignant la nécessité de soutenir la société civile en Russie et au Bélarus et de collaborer avec elle.
En tant que Commissaire aux droits de l'homme, j’accorde une attention particulière à la situation des défenseurs des droits humains en Europe, conformément à mon mandat et à la Déclaration sur l’action du Conseil de l'Europe pour améliorer la protection des défenseurs des droits humains et promouvoir leurs activités. Après la cessation de la qualité de membre de la Russie du Conseil de l'Europe, j'ai souligné que le soutien de la société civile en Russie et au Bélarus resterait une des priorités de mon action future. Auparavant, j'ai exprimé mon soutien aux défenseurs des droits humains et aux journalistes du Bélarus qui ont fait l’objet de représailles systématiques et à grande échelle dans le cadre de la dégradation générale de la situation des droits humains dans le pays après les élections présidentielles d'août 2020. J’ai des échanges réguliers avec des membres de la société civile de Russie et du Bélarus, notamment sur des questions liées à leur sécurité et à leur environnement de travail. Ils sont actuellement la cible de représailles et de harcèlement de la part de leurs autorités respectives, et ils ont besoin du soutien continu du Conseil de l'Europe et de ses États membres pour surmonter les risques et les défis auxquels ils sont confrontés, qu'ils aient quitté leur pays respectif ou qu’ils y soient restés.
Pratiques de réinstallation
Il est important que les défenseurs des droits humains qui ont quitté la Russie ou le Bélarus pour se rendre dans des États membres du Conseil de l'Europe afin d'échapper aux persécutions y trouvent la sécurité et la stabilité la plus grande possible. Certains pays européens ont étendu la procédure d’asile à ces militants, car ils les considèrent comme des réfugiés politiques. Je note avec intérêt qu’outre les procédures d'asile, quelques Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en place des politiques et des systèmes de réinstallation pour les acteurs de la société civile, en particulier les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants de Russie et du Bélarus, qui courent le risque de subir des représailles et des persécutions dans leur pays d'origine.
Ces politiques et ces systèmes de réinstallation consistent principalement à délivrer des visas humanitaires aux journalistes, aux défenseurs des droits humains et aux militants de Russie et du Bélarus, pour leur permettre d’entrer sur le territoire des États qui délivrent ces visas. La Lettonie est l’un des pays européens qui ont mis en place un système de réinstallation complet pour les militants de la société civile, y compris les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants de Russie et du Bélarus, en leur fournissant des documents de voyage, des visas longs et des titres de séjour. La Lituanie facilite également de manière efficace la réinstallation sur son territoire de défenseurs des droits humains et de journalistes de Russie et du Bélarus, ce modèle se caractérisant par l'étroite collaboration entre les pouvoirs publics et la société civile locale, qui conseille et informe les autorités décisionnaires sur les demandes en cours. Il convient également de saluer les politiques de réinstallation récemment adoptées entre autres en Allemagne, en République tchèque et en Estonie.
Bien qu’un nombre croissant de pays du Conseil de l’Europe soient prêts à offrir de tels visas aux militants de la société civile, leur nombre, leur validité et les procédures de délivrance peuvent entraîner de très sérieux obstacles. Les défenseurs des droits humains ont souligné que dans certains pays, la délivrance de ces visas était conditionnée par la disponibilité de quotas nationaux, qui sont insuffisants pour répondre aux demandes de toutes les personnes concernées. Plusieurs exigences pratiques liées à ces visas pourraient également entraver considérablement la réinstallation, voire la rendre impossible. Par exemple, l’obligation de faire la demande depuis le pays d’origine peut être impossible à remplir pour des militants qui ont déjà fui leur pays et qui ne peuvent pas y revenir.
Certains Etats membres du Conseil de l’Europe ont mis en place un régime d’exemption de visa avec la Russie et le Bélarus, et les membres de la société civile de ces deux pays sont autorisés à résider sur leur territoire sur la base de la réglementation générale en matière de migration. Toutefois, un régime d'exemption de visa n’offre pas en soi de garanties contre l’obligation de retour une fois que l’autorisation de séjour a expiré. Il ne permet pas non plus de voyager et de franchir les frontières sans entrave vers d’autres pays. Beaucoup de militants constatent qu’ils se trouvent dans une situation où ils sont basés dans des pays voisins de la Russie ou du Bélarus qu'ils pouvaient atteindre sans visa, mais où ils ne peuvent pas, en raison de l’obligation de faire une demande depuis leur pays d'origine, demander un visa humanitaire pour d’autres pays d’Europe où ils pourraient être en sécurité.
En revanche, certains pays européens ont commencé à limiter ou même à cesser de délivrer des visas ou des permis de séjour aux ressortissants russes et bélarusses en général, en réaction à l’agression militaire russe en Ukraine. De telles restrictions auraient rendu plus difficile le fait de quitter son pays, y compris pour les militants de la société civile, les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants. Les défenseurs des droits humains ont expliqué qu’une interdiction générale des visas de tourisme pour tous les ressortissants russes ou biélorusses, même avec des exceptions, risque d’avoir de graves répercussions sur celles et ceux qui ont besoin de quitter la Russie rapidement et discrètement, notamment ceux qui pourraient être persécutés pour des motifs liés à leur opposition à la guerre en Ukraine, à leur travail en faveur des droits humains, mais aussi à leur orientation sexuelle, à leur identité de genre ou à d’autres motifs.
Problèmes à l'arrivée
Si l'existence de mécanismes de réinstallation opérationnels est une préoccupation urgente, il convient également d'accorder une plus grande attention au soutien dont ont besoin les militants de la société civile et les journalistes de Russie et du Bélarus à leur arrivée dans un pays de destination sûr en Europe. Nombre d'entre eux m’ont fait part des divers problèmes juridiques, administratifs, financiers et autres auxquels ils ont dû faire face une fois arrivés dans le pays de destination. Certains d'entre eux ont rencontré des obstacles pour obtenir un permis de séjour après l'expiration de leur visa. Pour la plupart d'entre eux, les permis de séjour qu’ils avaient reçus avaient une durée de validité relativement courte, qui ne dépassait généralement pas un an. Pour celles et ceux qui ont demandé des permis de travail afin de pouvoir reprendre leurs activités au sein de la société civile, les exigences administratives et parfois même la paperasserie bureaucratique ont affecté dans plusieurs cas leur capacité de mener leurs activités professionnelles, de faire des projets à long terme et d’obtenir des financements. Par extension, cela a également eu des effets sur leur vie privée et familiale et sur celle de leurs proches.
Un autre défi découle du fait que certains pays européens exigent qu’une personne étrangère présente un casier judiciaire vierge de son pays d’origine comme condition préalable à l’obtention d’un permis de séjour et de travail stable, si bien que ces personnes dépendent des autorités de la Fédération de Russie et du Bélarus. Etant donné la grave détérioration de la situation des droits humains dans ces pays et la forte augmentation des représailles et des persécutions à l’encontre des militants de la société civile, beaucoup de demandeurs de ce type de permis de séjour ont déjà fait l’objet de poursuites et certains ont même déjà été condamnés pour leurs activités légitimes. Ils ne peuvent donc produire d’extrait de casier judiciaire vierge aux autorités du pays d’accueil. Il faudrait mettre en place des moyens d’en tenir compte lors de l’examen de leurs demandes.
Les exigences de transparence en matière de création d’une ONG, qui constituent en principe des conditions saines et valables, pourraient également affecter la sécurité des militants, des journalistes et des défenseurs des droits humains de Russie et du Bélarus faute de garanties pour protéger leurs données à caractère personnel. En effet, dans la plupart des pays européens, l’enregistrement d’une nouvelle entité juridique telle qu’une association de défense des droits humains ou un média indépendant nécessite la communication d’informations sur ses fondateurs, sa structure, son personnel et ses financements. Étant donné les dangers que courent les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants même lorsqu’ils séjournent à l'étranger, il importe que les exigences de transparence ne soient pas appliquées d’une manière qui les mettrait en danger.
Plus généralement, les défenseurs des droits humains de Russie et du Bélarus ont expliqué que dans certains cas, ils sont affectés par la méfiance croissante de certaines autorités et d’entreprises du secteur privé à l'égard de toute personne de nationalité russe ou bélarussie. Dans certains États membres, les défenseurs des droits humains, les militants de la société civile et les journalistes indépendants de Russie et du Bélarus qui souhaitaient enregistrer une ONG ou une autre entité juridique pour poursuivre leur travail légitime se sont heurtés à des difficultés. Dans quelques cas, les autorités du pays de destination ont ralenti le processus en intensifiant les contrôles ou en appliquant d’autres procédures en fonction de la nationalité des demandeurs. Quant au secteur privé, plusieurs banques dans un certain nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe ont refusé d’ouvrir et d’héberger les comptes de ressortissants russes et bélarusses, y compris les comptes nécessaires pour gérer une entité juridique de défense des droits humains ou des activités relevant de la société civile. Cette situation est venue s'ajouter aux restrictions financières déjà existantes auxquelles sont confrontés les ressortissants de Russie et du Bélarus, y compris les défenseurs des droits humains et les journalistes, à la suite de la décision des principales sociétés de paiement numérique de cesser leurs activités liées à ces deux pays, ce qui rend impossible l’utilisation ailleurs dans le monde des cartes de paiement émises dans ces pays. Ces mesures aveugles sont parfois justifiées par le fait qu’elles sont fondées sur les sanctions prises par certains États membres du Conseil de l'Europe à l’encontre de la Russie et du Bélarus. Cependant, il est important de souligner que ces sanctions ne s’appliquent qu'à une liste de personnes ciblées et qu’elles ne devraient pas être utilisées par les pouvoirs publics ou par des entités privées contre des personnes qui ne figurent pas sur les listes de sanctions et qui sont au contraire opposées aux violations des droits humains commises par les pays visés.
Un problème qui requiert la pleine attention de l’ensemble des autorités nationales est le risque d’exposer les personnes ayant besoin de protection à des représailles en raison d’une extradition vers la Russie ou le Bélarus. Beaucoup de pays européens ont conclu divers accords avec ces deux pays dans le domaine de la coopération pénale, du blanchiment de fonds, de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme. Cette collaboration facilite entre autres l’échange d’informations sur les personnes soupçonnées ou accusées d’activités criminelles présumées, leur arrestation et leur extradition. S’ils sont mis en œuvre sans la diligence requise, ces accords pourraient permettre aux autorités du pays d’origine de persécuter des militants en exil pour leurs activités critiques et pacifistes. Le 21 juin, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la Résolution 2446(2022) sur les cas signalés de prisonniers politiques en Fédération de Russie, où elle a appelé les États membres à rejeter les demandes d’extradition de ressortissants russes pour des infractions qui pourraient être considérées comme motivées politiquement. Une approche similaire devrait être adoptée à l’égard des demandes d’extradition formulées par les autorités du Bélarus. Au niveau de l’Union européenne, les ministres de la justice sont convenus qu’il faut « renforcer la vigilance à l’égard des demandes d’extradition de ressortissants ou de résidents d’États membres de l’UE, présentées par les autorités de pays tiers à des fins politiques, et renforcer les échanges d’informations entre les autorités nationales des États membres concernant ces demandes ».
Société civile et défenseurs des droits humains en Russie et au Bélarus
Depuis de longues années, la société civile est bien établie, solide et résiliente en Russie et au Bélarus. Même si certaines organisations ont dû partir, beaucoup sont restées et continuent de mener à bien leur travail inestimable dans leur pays. Outre les activités de défense des droits humains déjà existantes, telles que la surveillance des conditions de détention, le suivi des procès à motivation politique et l’assistance aux personnes vulnérables, notamment les migrants, les personnes LGBTI et les minorités nationales, de nouveaux projets ont vu le jour depuis le début de la guerre en Ukraine. En mars 2022, un certain nombre d'éminents défenseurs et de militants russes des droits humains ont créé le Conseil des défenseurs des droits humains de Russie et publié un Manifeste humanitaire dénonçant l'agression russe contre l'Ukraine. Des dizaines de nouveaux projets, d’initiatives et de campagnes ont également vu le jour en réaction à la guerre, pour proposer des moyens créatifs de résistance pacifique, s’opposer à la propagande officielle en Russie et aider les victimes de la guerre. Ainsi, beaucoup de personnes ordinaires se sont portés volontaires afin d’aider les ressortissants ukrainiens qui se sont retrouvés dans diverses régions russes pour échapper aux hostilités, complétant ainsi le travail effectué par les défenseurs professionnels des droits des migrants, comme le Comité d’assistance civique. Des jeunes, des personnes actives sur les réseaux sociaux, des blogueurs, des journalistes, des féministes et beaucoup d’autres personnes actives ont uni leurs voix pour consolider la société civile sous diverses formes en ces temps difficiles.
Les défenseurs des droits humains avec lesquels j'ai parlé ont tous souligné l’importance de soutenir de l'extérieur celles et ceux qui sont restés - y compris les avocats qui représentent sur place les défenseurs des droits humains détenus et qui sont eux-mêmes victimes de harcèlement. Il est vrai que plus les défenseurs des droits humains sont nombreux à quitter un pays, plus celui-ci risque de régresser en matière de droits humains.
La voie à suivre
Les États membres du Conseil de l'Europe pourraient jouer un rôle déterminant en soutenant les membres russes et bélarusses de la société civile, restés dans leur pays ou en exil, en ces temps de crise des droits humains.
Tout d'abord, les États européens devraient reconnaître publiquement le rôle primordial joué par la société civile en Russie et au Bélarus dans la lutte pour les droits humains, la démocratie et l’État de droit dans leurs pays et leur apporter un soutien continu par tous les moyens disponibles.
Il convient de soutenir les militants des droits humains et de la société civile emprisonnés en Russie et au Bélarus ainsi que les membres de leur famille. Il faut que les persécutions dont ils font l'objet en raison de leurs activités légitimes soient dénoncées par toutes les parties prenantes, qui doivent demander leur libération immédiate et faire en sorte que la responsabilité des personnes responsables de l’utilisation abusive du système de justice pénale à leur encontre soient engagée.
Celles et ceux qui sont restés en Russie et au Bélarus et qui ont la volonté et la capacité de poursuivre leur travail dans le domaine de la société civile et des droits humains pourraient bénéficier d’un soutien politique et pratique continu de la part des Etats membres. En particulier, l'aide financière et le financement semblent être essentiels pour la société civile de Russie et du Bélarus. Il faudrait les poursuivre et les augmenter. Etant donné l'environnement politique et juridique hostile au travail de la société civile indépendante dans ces pays, les donateurs - tant publics que privés - devraient continuer de faire preuve de souplesse et adapter leurs méthodes opérationnelles à l’environnement en mutation rapide, y compris les instruments financiers numériques en constante évolution, afin de garantir la sécurité des bénéficiaires. Toute mesure prise à l’égard des acteurs de la société civile de la Fédération de Russie et du Bélarus devrait avant tout respecter le principe de précaution, qui pourrait être évalué en consultation avec les bénéficiaires de la société civile.
Celles et ceux qui sont restés pourraient également tirer parti des possibilités de coopération avec les principaux acteurs à l'étranger, notamment les organisations internationales telles que le Conseil de l'Europe, ses États membres, le secteur privé et les entreprises. En particulier, le Conseil de l'Europe pourrait envisager de les associer à ses activités, notamment à des réunions d'experts, à des manifestations publiques, à des projets de formation et d’éducation et à des consultations régulières. Comme l’a recommandé l'Assemblée parlementaire, les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les médias et les organisations de la société civile du Bélarus et de Russie, qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, pourraient être invités à participer aux réunions du Conseil de l’Europe dans les mêmes conditions que leurs homologues des Etats membres de l’Organisation. Par ailleurs, dans un geste bienvenu, les organisations partenaires de la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes ont décidé de continuer à publier des informations relatives aux graves préoccupations concernant la liberté des médias en Fédération de Russie. Une autre façon de montrer son soutien serait que les principaux documents, publications et pages web du Conseil de l'Europe soient disponibles et facilement accessibles en russe.
Pour les défenseurs des droits humains et les militants de la société civile qui ont quitté ou devront quitter la Russie ou le Bélarus, je me félicite de l’adoption et de la mise en œuvre par certains Etats membres de politiques de réinstallation complètes et durables. J’invite l’ensemble des Etats membres du Conseil de l'Europe à suivre leur exemple, à coopérer les uns avec les autres, y compris au niveau des services consulaires, et à échanger les bonnes pratiques en la matière. Il devrait y avoir un éventail de voies légales adaptées à la situation particulière des membres de la société civile de Russie et du Bélarus pour assurer leur réinstallation et leur séjour en toute sécurité dans la zone du Conseil de l’Europe, y compris l'accès aux visas d'urgence et aux documents de voyage non seulement depuis leur pays d’origine mais aussi depuis des pays tiers. La coopération et la consultation avec des partenaires de confiance de la société civile semblent être la clé d'une réinstallation réussie, car ils pourraient jouer un rôle déterminant pour les procédures de vérification et l'assistance aux militants à leur arrivée dans un pays sûr et pour leur intégration. Les États membres devraient mettre en place des garanties efficaces contre l’extradition de ceux qui sont poursuivis ou condamnés pour leur travail légitime.
Offrir aux défenseurs des droits humains et aux militants de la société civile un séjour stable dans les pays d'accueil, faciliter leur travail et leur fournir des avantages sociaux, à eux et aux membres de leur famille, cela représente une étape essentielle pour qu’ils puissent reprendre leurs activités dans un environnement sûr et favorable. Le processus d’enregistrement de leurs nouvelles entités juridiques et leur fonctionnement, y compris leur accès au financement, doivent être facilités tout en prévoyant des garanties adéquates adaptées à leur situation particulière, y compris la protection des données à caractère personnel.
Je considère les militants de la société civile, les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants, y compris ceux et celles de la Fédération de Russie et du Bélarus, comme des partenaires naturels du Conseil de l'Europe car ils partagent les mêmes valeurs et continuent courageusement à œuvrer pour les droits humains, la démocratie et l’Etat de droit. Je leur exprime ma solidarité en ces temps difficiles et j’attache de la valeur à leur travail inlassable de promotion et de sensibilisation aux travaux et aux normes du Conseil de l'Europe en matière de droits humains. Ils figurent parmi les principaux défenseurs d'un changement dans la bonne direction au sein de leur sociétés respectives en pleine transformation. Il est capital de travailler ensemble, d’exprimer son soutien et de jeter des ponts pour un avenir meilleur dans une Europe libérée de la guerre et de la violence. Le Conseil de l'Europe et ses institutions, ses organes de suivi et ses différents mécanismes, peut être un partenaire de premier plan dans cette voie.
Dunja Mijatović