Un ancien évêque belge a récemment minimisé les abus sexuels qu’il avait commis sur deux de ses neveux, en soulignant qu’il n’était pas un pédocriminel. Lors d’une interview télévisée, il a assimilé avec désinvolture à une « petite relation » le fait d’infliger des violences sexuelles à un mineur durant plusieurs années.
Les propos de l’évêque ont été largement condamnés et ont suscité une vive indignation. Il y a environ un an, lorsqu’il avait reconnu avoir commis des abus sexuels, des centaines de personnes avaient brisé le silence et déclaré avoir subi elles aussi de tels abus de la part de membres du clergé catholique de Belgique.
La médiatisation des scandales d’abus sexuels dans le clergé de plusieurs pays a mis en lumière un grave problème d’atteinte aux droits de l’enfant. Il ne s’agit pas de cas isolés : les abus sexuels sont un phénomène répandu dans toutes sortes d’institutions accueillant des enfants, qu’elles soient publiques ou privées, gérées par une communauté religieuse, par une fondation, par l’Etat ou par une municipalité. Parmi les victimes figurent des enfants handicapés, des orphelins et des mineurs issus de familles dysfonctionnelles.
Mais il est encore plus fréquent que les violences soient infligées dans l’intimité de la famille. Très souvent, l’auteur des violences est quelqu’un dont la victime dépend d’une manière ou d’une autre. La plupart des faits relevant de la pornographie enfantine ou des abus sexuels sur enfants sont commis à la maison, dans une chambre à coucher.
En Suède, la police vient de terminer une enquête sur une affaire de pornographie mettant en scène des enfants. L’originalité de cette affaire tient à l’identité des personnes impliquées : 23 sur 25 sont des femmes. Toutes sont accusées d’avoir reçu de la pornographie enfantine et certaines, d’avoir aussi fourni des images. Ces femmes, âgées de 40 à 70 ans, ont parfois elles-mêmes des enfants et des petits-enfants.
Le chef de l’équipe chargée de la protection de l’enfance au sein du bureau national d'enquêtes suédois a déclaré que nous devons désormais tenir compte du fait que les femmes, que nous avons tendance à considérer d’abord comme des victimes, peuvent fort bien être des auteurs d’infractions, au même titre que les hommes.
Une priorité politique
Les affaires comme celles-ci montrent l’ampleur du phénomène. Elles doivent aussi faire prendre conscience aux responsables politiques, aux magistrats et aux membres du clergé que les mesures prises ne sont pas suffisantes. Les abus sexuels sur enfants sont une grave atteinte aux droits de l’homme ; lutter contre ces abus devrait être une priorité politique.
Parce que c’est une réalité particulièrement douloureuse et inacceptable, les adultes préfèrent trop souvent l’ignorer. Or, les auteurs d’abus ont tendance à passer d’un enfant à un autre si on ne les arrête pas.
Que faire ?
La Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant érige en infractions pénales les violences sexuelles à l’encontre d’enfants, où qu'elles soient commises et quels qu’en soient les auteurs. Ces crimes ne doivent pas rester impunis.
L’un des principaux moyens de prévenir les abus est d’organiser régulièrement des sessions de formation continue à l’intention des professionnels qui travaillent pour et avec les enfants. Ces professionnels doivent être attentifs aux risques de sévices et capables de reconnaître les signes d'une relation violente. Ils doivent aussi savoir comment réagir aux présomptions de maltraitance d'une manière qui ne mette pas en danger la sécurité de l'enfant et qui respecte ses droits.
L’on ne saurait trop insister sur l’importance d’une éducation sexuelle sérieuse dans les établissements scolaires. Un enfant averti du danger est en effet mieux armé pour éviter les situations à risque.
Le Conseil de l'Europe a adopté un traité important : la Convention sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels. Cette convention établit des normes destinées à favoriser la protection efficace des enfants, la prévention des abus et la sanction de leurs auteurs. Le Conseil de l'Europe a aussi lancé une campagne qui vise à proposer des outils de prévention et de signalement des abus, à sensibiliser le public et à donner des moyens d’agir aux parents, aux personnes s’occupant d’enfants et aux enfants eux-mêmes.
Briser le silence
Très souvent, les victimes ont peur de signaler les abus. Certaines craignent des représailles, surtout si elles restent dépendantes de leur(s) bourreau(x), et beaucoup éprouvent un sentiment de honte ou de culpabilité. Un enfant victime d’abus se sent extrêmement seul et il lui faut beaucoup de courage pour briser le silence. Des efforts supplémentaires doivent être entrepris pour créer davantage de lieux où les mineurs puissent parler en toute confiance de ce qui leur arrive à des personnes qui les croient et sauront les aider.
La tolérance zéro doit s’appliquer à l’égard de tous les abus à l’encontre d’enfants.
Thomas Hammarberg
Le carnet des droits humains de la Commissaire
Le carnet des droits de l'homme
Strasbourg
05/05/2011
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