Cette semaine, une grande conférence internationale et une manifestation sportive sont organisées à Montréal pour défendre les droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels (LGBT). Ces événements sont soutenus sans réserve par le Premier ministre canadien et d’autres responsables politiques et ne sont donc pas menacés.
Toutefois, dans de nombreux Etats du Conseil de l'Europe, la situation n’est toujours pas rose. Invoquant des soucis de sécurité, les autorités de Riga ont refusé l'organisation d'une Gay Pride à une ONG représentant les minorités sexuelles. Lorsqu'un groupe d'activistes s'est finalement réuni dans une église anglicane pour soutenir les droits des homosexuels, ils furent, à leur sortie, attaqués à coup d'oeufs et de détritus par des militants anti-homosexuels.
Au mois de mai, à Moscou, une manifestation similaire a été interdite par les autorités moscovites. Lorsque certains militants ont, néanmoins, entrepris une marche pacifique, ils ont été brutalement agressés par des extrémistes homophobes, sans que la police n'intervienne pour les protéger.
Ceci est inacceptable; Les manifestations pacifiques en faveur des droits des minorités sexuelles doivent être autorisées. Le fait que certaines personnes nourrissent des préjugés homophobes ne justifie en rien que l’on restreigne la liberté d’expression et de réunion des autres.
La police a le devoir de protéger ces manifestations et, bien que, dans des cas extrêmes, il puisse s’avérer nécessaire de recommander un autre lieu de réunion, leur interdiction est tout à fait inacceptable car elle sape les principes fondamentaux des droits de l'homme.
En 1988, la Cour européenne des Droits de l'Homme a jugé que les gouvernements devaient non seulement éviter l’ingérence mais prendre aussi, parfois, des mesures concrètes pour assurer effectivement la liberté de réunion pacifique.
Les mouvements gays et lesbiens s’organisent de plus en plus et incitent leurs membres à révéler leur homosexualité. C’est une réaction logique à des siècles de discrimination systématique dans tous les pays.
Le problème n’est pas réellement leur orientation sexuelle mais la réaction des autres. Quelles qu’en soient les causes psychologiques, de nombreuses personnes réagissent avec agressivité vis-à-vis des homosexuels. Malheureusement, des hommes religieux ont aussi apporté un soutien direct ou indirect à l’homophobie, retardant ainsi le changement d’attitude nécessaire dans de nombreux pays.Les actes d’incitation à la haine et de violence à l’égard des minorités sexuelles sont encore fréquents et souvent perpétrés dans l’impunité la plus totale. Il est temps que cela change.
Les normes européennes et internationales sont claires. La liberté d’expression et de réunion ne peut être restreinte pour ce groupe particulier de personnes qui est, bien sûr, couvert par les dispositions relatives à la non discrimination énoncées dans les textes législatifs internationaux sur les droits de l'homme.
La Cour européenne des Droits de l'Homme s’est prononcée contre la criminalisation de l’homosexualité. Elle a, en outre, adopté une position claire contre les disparités relatives à l’âge légal pour avoir des relations sexuelles, le non accès à des postes dans l’armée et l’impossibilité pour des partenaires de même sexe d’obtenir la garde d’un enfant ou de bénéficier de prestations sociales.
Toutefois, il est indispensable de contrôler la conformité des lois nationales avec la jurisprudence de la Cour et leur mise en œuvre effective. Il faut, pour cela, que les juges et les procureurs soient bien informés et que la police reçoive la formation et les instructions voulues.
Les enseignants constituent un autre groupe de professionnels ayant un rôle central à jouer dans les initiatives de lutte contre les préjugés. L’un des buts majeurs de l’éducation aux droits de l'homme devrait être d’extirper l’homophobie.
Les responsables politiques eux-mêmes sont des acteurs clés de cette campagne de sensibilisation. M. Paul Martin, Premier ministre canadien, a donné l’exemple en déclarant aux participants qu’il a accueillis à la conférence de Montréal :
Le Canada d’aujourd’hui est fier d’adhérer aux valeurs de tolérance et d’inclusion et d’en assurer la promotion. Je suis sûr que, comme moi, vous espérez que les discussions qui auront lieu au cours de cette importante manifestation contribueront à changer les mentalités dans notre société. Vous pouvez vous enorgueillir de participer à cette conférence qui prouve votre solidarité et votre engagement à éliminer toutes les formes de discrimination liées à l’orientation sexuelle.
Thomas Hammarberg