« Le conflit dans l’est de l’Ukraine a entraîné la perte de milliers de vies et de grandes souffrances pour les civils qui vivent dans les zones touchées par le conflit. Tout doit être mis en œuvre pour empêcher d’autres décès et pour apporter une aide d’urgence destinée à satisfaire les besoins élémentaires de la population touchée », a déclaré aujourd’hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en rendant public un rapport sur la visite qu’il a effectuée en Ukraine du 29 juin au 3 juillet 2015. Au cours de sa visite, le Commissaire s’est rendu à Kiev, à Dnipropetrovsk, à Kramatorsk et dans la ville de Donetsk, non contrôlée par le gouvernement.
Des deux côtés de la ligne de contact, le Commissaire a entendu des récits alarmants concernant des victimes civiles et de nouvelles destructions, notamment le bombardement aveugle d’établissements scolaires et d’infrastructures médicales. Les personnes qui se trouvent dans la situation la plus vulnérable sont celles qui vivent dans les zones adjacentes à la ligne de contact entre les forces gouvernementales et les groupes armés, y compris dans la zone tampon, ce qui représente environ 2 millions de personnes. Jusqu’à 1,3 million de personnes ont des problèmes d’accès à l’eau potable.
Les personnes qui vivent dans les zones non contrôlées par le gouvernement ne perçoivent plus de prestations sociales et doivent faire face à l’insécurité alimentaire, à l’augmentation du prix des articles de première nécessité et au dysfonctionnement du secteur bancaire. Les limitations de la liberté de circulation aggravent encore leur situation. Tout en reconnaissant les contraintes imposées par la situation sécuritaire, le Commissaire demande instamment aux autorités ukrainiennes d’appliquer une approche équilibrée, qui concilie les mesures de sécurité et la nécessité, pour la population locale, de traverser librement la ligne de contact. Les autorités devraient aussi prendre des mesures proactives et pragmatiques pour faciliter le versement des prestations sociales aux habitants de ces zones. « J’appelle les autorités à travailler en étroite collaboration avec les organisations internationales pour faciliter l’acheminement rapide de l’aide humanitaire, notamment en créant des couloirs humanitaires spéciaux et en simplifiant les procédures administratives », a déclaré le Commissaire, qui souligne également la nécessité d’examiner les allégations de corruption aux postes de contrôle. « Les responsables des régions de Donetsk et de Louhansk non contrôlées par le gouvernement devraient aussi lever les obstacles entravant l’accès de l’aide humanitaire et créer les conditions permettant aux organisations humanitaires internationales de travailler », a souligné le Commissaire.
Le Commissaire est consterné par les informations qui continuent de faire état de détentions illégales et arbitraires, y compris de détentions au secret et de détentions dans des lieux inconnus, d’exécutions sommaires, d’actes de torture et de mauvais traitements, et par l’impunité de ces violations graves des droits de l'homme dans l’est de l’Ukraine. « Toutes les personnes ayant commis des violations graves des droits de l’homme dans l’est, quel que soit le camp auquel elles appartiennent, doivent être traduites en justice », a souligné le Commissaire. La lutte contre l’impunité doit s’accompagner d’une réforme du secteur de la sécurité, menée dans le plein respect des droits de l’homme et du principe de la prééminence du droit. « Toutes les formations militaires qui n’ont pas encore été pleinement intégrées dans les forces armées régulières ou dans la police et qui continuent à agir hors de la chaîne de commandement normale doivent être désarmées et dissoutes sans plus tarder. Ce qui permettra de juger du succès des réformes des services répressifs, c’est la capacité de ces services à combattre l’impunité et les crimes commis par leurs membres. »
Le Commissaire est très préoccupé par les effets dévastateurs du conflit sur les enfants et sur leur développement, causés par le bombardement aveugle des biens de caractère civil et par la présence de mines antipersonnel et de munitions non explosées. En raison des limitations de la liberté de circulation et de l’interruption des services administratifs, il est difficile d’obtenir des certificats de naissance, des passeports, des diplômes et d’autres documents pour les enfants qui naissent ou habitent actuellement dans les zones non contrôlées par le gouvernement. « Les mineurs qui habitent dans les zones non contrôlées par le gouvernement risquent de devenir apatrides, avec toutes les conséquences négatives que cela peut avoir sur leur développement et sur leurs droits de l’homme. Je demande instamment aux autorités ukrainiennes d’adopter sans plus tarder des dispositions qui simplifient l’obtention de documents d’identité valides, de certificats de naissance et de certificats de scolarité pour les mineurs et les nouveau-nés, et d’établir une procédure efficace d’identification de l’apatridie. »
Le Commissaire, qui, depuis le début du conflit, accorde une attention particulière aux difficultés des personnes déplacées à l’intérieur du pays, se déclare une nouvelle fois préoccupé par la situation de ces personnes, dont le nombre s’élève désormais à 1,5 million. Elles manquent notamment de solutions de logement durables et de moyens de subvenir à leurs besoins. Il faudrait traiter ces problèmes de manière systématique, en établissant un plan d’action spécifique qui vise à satisfaire les besoins les plus urgents des personnes déplacées et à combler les lacunes concernant leur protection.
Enfin, le Commissaire Muižnieks appelle une nouvelle fois à mener des enquêtes effectives sur les événements de Maïdan et d’Odessa. Il demande instamment aux autorités de remédier pleinement aux insuffisances opérationnelles et structurelles des procédures d’enquête mises en évidence par le Comité consultatif international du Conseil de l'Europe lors de son examen des enquêtes en cours sur les événements de Maïdan. « Il faut lutter contre l’impunité des violations graves des droits de l'homme pour rendre justice aux victimes, pour prévenir de manière dissuasive la commission de nouvelles violations et pour préserver l’Etat de droit et la confiance de l’opinion publique dans le système judiciaire », a conclu le Commissaire.