« Les projets de loi du gouvernement hongrois soumis au Parlement la semaine dernière, comprenant des propositions visant à modifier la Constitution et d’autres instruments législatifs, pourraient avoir des effets néfastes graves sur les droits de l’homme dans le pays », a déclaré ce jour la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović. « Je crains que plusieurs propositions figurant dans le train de mesures législatives, soumis sans consultation préalable et portant sur des questions comme le fonctionnement du système judiciaire, le droit électoral, les structures nationales des droits de l’homme, le contrôle des financements publics et les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI), ne risquent de porter atteinte à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme en Hongrie ».
Une réforme majeure du cadre institutionnel de la protection des droits de l’homme en Hongrie est en cours d’examen par le Parlement : il s’agit d’une proposition visant à fusionner l’Autorité pour l’égalité de traitement et le Commissaire aux droits de l’homme (institution du Médiateur). Si les États membres ont une certaine latitude pour organiser leurs structures nationales des droits de l’homme comme ils l’entendent, il est crucial qu’ils le fassent en respectant les principes fondamentaux convenus au niveau international, en particulier la nécessité de garantir et de respecter l’indépendance et l’effectivité de ces organes. Je constate que l’Autorité pour l’égalité de traitement est une institution qui fonctionne bien, et qui a rendu d’importantes décisions en matière de lutte contre la discrimination ces dernières années, tandis qu’en octobre 2019, la reconduction de l’accréditation de l’institution du Médiateur en institution de « statut A » par l'Alliance Globale des institutions nationales des droits de l'Homme de l’ONU a été reportée. Des doutes subsistaient en effet quant au processus d’élection de l’Ombuds actuel et à l’adéquation des efforts de l’institution pour s’attaquer à l’ensemble des problèmes de droits de l’homme dans le pays et s’exprimer en faveur de la promotion et de la protection de tous ces droits.
Certains des amendements proposés risqueraient aussi de nuire à l’indépendance de la justice, qui a déjà été mise à mal au cours de la dernière décennie. La proposition visant à renforcer les pouvoirs du Président de la Kúria, la Cour suprême hongroise, suscite une inquiétude particulière, notamment au vu des récents changements apportés à la procédure de nomination. Je renvoie dans ce contexte à ma précédente recommandation sur la nécessité de renforcer l’autogouvernance collective des magistrats en Hongrie, notamment le statut et les fonctions du Conseil national de la justice.
Enfin, je suis alarmée par l’escalade manifeste de la stigmatisation des personnes LGBTI et la manipulation de leur dignité et de leurs droits à des fins politiques. Cela concerne notamment une proposition visant à imposer de nouvelles limitations à la possibilité d’adopter des enfants pour tous les adultes célibataires ou ceux vivant en partenariat enregistré, en soumettant ces demandes à l’autorisation exceptionnelle du ministre des Affaires familiales.
Des propositions législatives d’une telle portée, et plus particulièrement des modifications d’ordre constitutionnel, ne devraient pas être introduites pendant des périodes d’état d’urgence, comme l’a également signalé la Commission de Venise, car les possibilités de véritables discussions démocratiques et d’un contrôle public sont restreintes pendant ces périodes. J’appelle donc le Parlement hongrois à reporter le vote jusqu’à la fin de l’état d’urgence et à s’engager dans de vastes consultations avec la population hongroise, qui sera la première à ressentir les effets de ces changements. J’appelle également à une consultation avec la Commission de Venise avant un réexamen minutieux des projets de loi pour veiller à ce que ceux-ci soient conformes aux droits de l’homme.