La Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, a rendu public aujourd’hui le rapport sur sa visite en Azerbaïdjan, qui comporte des recommandations sur la manière de garantir la liberté d’expression, d’augmenter le nombre des avocats et la qualité de l’assistance juridique dans le pays, et de renforcer l’autonomie des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI).
La Commissaire regrette qu’aucun progrès n’ait été réalisé concernant la protection de la liberté d’expression. Les journalistes et les militants actifs sur les réseaux sociaux qui expriment leur désaccord avec les autorités ou qui les critiquent continuent à être privés de liberté pour divers motifs, fondés sur des accusations peu crédibles. Dunja Mijatović demande une nouvelle fois aux autorités de libérer toutes les personnes détenues à cause des opinions qu’elles ont exprimées et de mettre pleinement en œuvre plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme relatifs à des restrictions arbitraires de la liberté d’expression.
La Commissaire émet des doutes sur la légalité des interdictions de voyager imposées à des dizaines de journalistes, d’avocats, de militants politiques et de défenseurs des droits de l’homme. Elle souligne que les autorités doivent se garder d’imposer des interdictions de voyager arbitraires ou disproportionnées et doivent lever immédiatement celles qui sont en contradiction avec le droit de quitter le pays. La Commissaire recommande aussi de dépénaliser la diffamation et de faire en sorte que la législation et la pratique concernant la liberté d’internet soient conformes aux normes européennes.
Dunja Mijatović observe que la pénurie d’avocats, particulièrement grave en province, empêche de nombreuses personnes d’avoir accès à une assistance juridique et de se faire représenter en justice. Tout en reconnaissant que les autorités et l’Association du barreau ont pris plusieurs dispositions pour augmenter le nombre d’avocats dans le pays, la Commissaire appelle le gouvernement à intensifier ses efforts en ce sens. Elle insiste sur le fait que le processus d’admission au barreau doit devenir plus juste et plus objectif. Elle souligne également la nécessité de renforcer l’indépendance du barreau, ainsi que son rôle dans la représentation et la défense des intérêts de ses membres.
La Commissaire appelle les autorités à prendre immédiatement des mesures pour que le droit d’accès à une assistance juridique de qualité soit effectivement garanti à toute personne dès le début de la privation de liberté. « Les autorités devraient adopter une loi sur l’assistance juridique qui soit conforme aux normes du Conseil de l'Europe et veiller à ce que toutes les personnes puissent effectivement exercer le droit à une assistance juridique », indique Dunja Mijatović.
Les sanctions disciplinaires (comme la radiation du barreau) imposées sans motif valable et selon des critères flous restent un problème préoccupant. « La plupart des avocats qui ont été récemment radiés du barreau ou qui ont fait l’objet d’une suspension temporaire d’exercice travaillaient sur des affaires considérées comme politiquement sensibles », fait remarquer la Commissaire. « Cela laisse penser que les procédures disciplinaires peuvent être utilisées pour punir les avocats qui traitent des affaires sensibles. L’Association du barreau doit renforcer les garanties procédurales pour que les procédures contre des avocats soient transparentes et équitables. Il importe aussi de protéger le droit, pour les avocats, de s’exprimer sur des questions d’intérêt public. »
La Commissaire salue les mesures prises par les autorités pour venir en aide aux personnes qui ont été déplacées à cause du conflit qui perdure au sujet de la région du Haut-Karabakh. Elle réaffirme l’importance de sortir de l’impasse qui dure depuis plusieurs décennies et de trouver enfin une solution pacifique à ce conflit, pour que les personnes qui souhaitent rentrer chez elles puissent le faire dans le cadre d’une démarche volontaire, en toute sécurité et dans la dignité.
Nombre de déplacés internes ont été réinstallés dans des zones d’habitation construites à leur intention et bénéficient d’un logement gratuit. Cependant, beaucoup d’autres sont encore logés dans des résidences universitaires ou dans des centres collectifs, où les conditions de vie sont très difficiles, n’ont aucune possibilité de devenir propriétaires de l’appartement où ils sont hébergés, ou vivent dans un logement ne répondant pas à leurs besoins. En outre, plusieurs obstacles compromettent les possibilités, pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays, d’exercer une activité génératrice de revenus et d’assurer leur subsistance, surtout lorsqu’elles vivent en zone rurale ou dans des zones urbaines hors de Bakou. « Les autorités devraient promouvoir davantage l’accès des PDI à tous les droits économiques et sociaux, notamment au droit à un logement adéquat et au droit au travail. Il est essentiel de permettre aux PDI de subvenir elles-mêmes à leurs besoins pour éviter qu’elles dépendent entièrement de l’aide gouvernementale », estime la Commissaire.
La majorité des enfants déplacés à l’intérieur du pays fréquentent un établissement scolaire qui a été construit à leur intention ou qui leur est réservé. Ils sont donc éduqués séparément du reste de la population. La Commissaire recommande de scolariser les enfants déplacés avec les autres enfants et de recenser les besoins spécifiques des enfants déplacés pour les aider à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent.
Enfin, la Commissaire recommande de lever les restrictions apportées au droit, pour les PDI, de voter aux élections municipales dans la circonscription où elles résident et recommande de garantir la pleine participation des PDI aux processus décisionnels.