"L'externalisation par l'Union européenne des politiques de contrôle de ses frontières extérieures a des effets délétères sur les droits de l'homme, en particulier sur le droit de quitter un pays, qui est une condition préalable nécessaire à la jouissance d'autres droits, notamment du droit de demander l'asile", a déclaré aujourd'hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l'occasion de la publication d'une étude consacrée au droit de quitter un pays.
"Le droit de quitter un pays, inscrit dans la plupart des grands instruments relatifs aux droits de l'homme, vise à faire en sorte que les personnes puissent circuler librement, sans obstacles injustifiés. Or l'UE a adopté une approche du contrôle des frontières et de l'immigration qui suscite de graves préoccupations. En effet, elle conduit des pays tiers à modifier leur législation et leurs pratiques d'une manière qui risque d'entraîner des violations des droits de l'homme, notamment du droit de quitter un pays, de l'interdiction des expulsions collectives et du droit de demander l'asile et d'en bénéficier."
Parmi les mesures qui suscitent des préoccupations quant à leur compatibilité avec les droits de l'homme figurent le profilage ethnique aux points de passage des frontières, les sanctions imposées aux compagnies aériennes qui n'effectuent pas d'activités de police, la confiscation de documents de voyage, les accords de réadmission et la pratique illégale et très problématique du refoulement, qui consiste à intercepter des personnes en mer ou à une frontière terrestre et à les renvoyer à leur lieu de départ.
"Les conséquences de ces mesures sont particulièrement évidentes dans les Balkans occidentaux, où des pays sont fortement incités à réduire le nombre de leurs ressortissants qui demandent l'asile dans l'UE : tout Etat qui n'obtempère pas risque de voir l'obligation de visa réintroduite pour l'ensemble de ses ressortissants. Il n'est donc pas étonnant que certains Etats de la région limitent les départs des personnes soupçonnées de vouloir demander l'asile, dont la grande majorité sont des Roms."
Au cours des seules années 2009 à 2012, ce sont environ 7 000 citoyens de "l'ex-République yougoslave de Macédoine" qui ont été privés de la possibilité de quitter le pays et les passeports des personnes renvoyées dans le pays par les autorités d'Etats membres de l'UE ont régulièrement été confisqués. En décembre 2012, une nouvelle infraction a été introduite dans le Code pénal serbe, qui complique la demande d'asile par les Serbes à l'étranger.
Aux termes de cette étude, il est également préoccupant que l'UE finance des centres qui accueillent les ressortissants de pays tiers et qu'elle encourage les pays limitrophes à mettre en place des systèmes de surveillance élaborés pour éviter que leurs propres ressortissants quittent leur territoire.
Enfin, les gardes-frontières des Etats membres de l'UE mènent des opérations en mer, pour éloigner les migrants des frontières de l'UE, ainsi qu'aux frontières terrestres entre les Etats tiers, pour que les ressortissants de ces Etats n'atteignent jamais les frontières de l'UE, des centaines de kilomètres plus loin. "Sans mettre en doute l'attachement de l'UE aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, l'on peut se demander si ses activités de contrôle des frontières sont compatibles avec les normes universelles et européennes relatives aux droits de l'homme. Il est temps que l'UE rende ses politiques de contrôle des frontières plus respectueuses des droits de l'homme, plus transparentes et plus responsables."