Un an après la signature de la Déclaration tripartite qui a mis fin aux hostilités déclenchées en 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, publie un mémorandum sur les conséquences du conflit en termes humanitaires et sur le plan des droits de l’homme et formule huit recommandations pour une protection urgente des droits de l’homme.
La Commissaire fait observer que l’accès aux territoires touchés par le conflit reste très limité pour les organisations d’aide humanitaire ainsi que pour les missions de surveillance des droits de l'homme, et que, de plus en plus, ces missions se heurtent à des obstacles. De son point de vue, il conviendrait de régler en priorité la question de l'accès à l’ensemble des zones touchées par le conflit. La Commissaire appelle toutes les autorités compétentes à proposer des modalités d'accès effectives et souples permettant aux acteurs de l’aide humanitaire et des droits de l'homme de se rendre auprès de tous ceux qui ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence et d'une protection des droits de l'homme.
Le déclenchement des hostilités en 2020 a forcé des dizaines de milliers de personnes vivant dans la zone du conflit ou à proximité à se déplacer, en plus de celles qui ont été déplacées pendant le conflit dans les années 1990. « Aucune personne déplacée en raison du conflit et vivant actuellement en Arménie ou en Azerbaïdjan, y compris dans les zones touchées par le conflit, ne devrait être contrainte, directement ou indirectement, de retourner dans son ancien logement », a déclaré la Commissaire. Elle souligne que les retours doivent être volontaires et opérés dans le respect de la sécurité et de la dignité. Des informations précises devraient être apportées aux candidats au retour afin de s'assurer qu’ils fassent un choix éclairé.
La Commissaire est également consciente du niveau élevé de pollution de la région par les mines et les restes explosifs de guerre et déplore que de nombreuses personnes, y compris des civils, aient été tuées ou gravement blessées par l'explosion de mines depuis la cessation des hostilités. Elle appelle les parties à coopérer et à procéder aux échanges de données nécessaires pour faciliter le processus de déminage. Elle appelle aussi les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises à ratifier la Convention des Nations Unies sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (CCW) et ses protocoles pertinents.
La Commissaire note en outre que la question des prisonniers, en particulier des prisonniers arméniens en Azerbaïdjan, reste sujette à controverse et aggrave la tension déjà palpable des relations entre les deux pays. Il est donc essentiel de veiller à ce que toutes les personnes encore en captivité bénéficient de toutes les protections garanties par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, et de faciliter leur libération et leur retour.
« De nombreuses familles continuent de faire les frais du conflit, en particulier celles qui ont perdu un membre de leur famille ou dont les proches sont toujours portés disparus. Il est donc primordial de placer les familles des personnes disparues, leurs besoins juridiques et pratiques et leur droit de connaître la vérité au cœur de toutes les actions en lien avec cette question », a déclaré la Commissaire. À cet égard, il est nécessaire de renforcer la collaboration avec les deux parties pour promouvoir la communication, établir une base de données commune et accroître les chances de localiser et d'identifier les dépouilles mortelles.
Par ailleurs, la Commissaire a reçu des témoignages crédibles d'ONG, de victimes et de leurs familles concernant des violations du droit international humanitaire ainsi que de graves violations des droits de l'homme par les parties au conflit. La Commissaire souligne que les États ont l'obligation juridique, en vertu du droit international humanitaire et de la Convention européenne des droits de l'homme, de demander des comptes aux responsables de crimes de guerre et de graves violations des droits de l'homme.
La Commissaire est en outre particulièrement préoccupée par les informations faisant état de bombardements aveugles de zones habitées entraînant des décès et des blessés graves parmi les civils. Elle appelle l'Arménie et l'Azerbaïdjan à renoncer à l'emploi d'armes à sous-munitions et de veiller à ce que des enquêtes efficaces soient menées sur les violations du droit international humanitaire, telles que les attaques aveugles et/ou disproportionnées, d'identifier les responsables et de les traduire en justice, et d’assurer l’octroi d’une réparation suffisante et effective aux victimes.
Enfin, la Commissaire constate que, dans les deux pays, le débat public est de plus en plus dominé par des communications hostiles, intolérantes et hautement irrespectueuses. « La rhétorique constante de "l'agression" ou l'utilisation de mots tels que "les ennemis" pour désigner l'autre partie ne fait que contribuer à perpétuer les animosités entre les personnes vivant de part et d'autre des lignes de démarcation », a ajouté la Commissaire. Elle recommande aux deux États membres d’agir avec détermination pour prévenir et combattre le discours de haine et soutenir les initiatives qui promeuvent la coexistence pacifique et la réconciliation.
- Lire le mémorandum de la Commissaire aux droits de l’homme sur les conséquences sur le plan humanitaire et sur le plan des droits de l’homme du déclenchement en 2020 des hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh
- Lire les commentaires des autorités arméniennes
- Lire les commentaires des autorités azerbaïdjanaises