« Saint-Marin a fait des progrès dans la défense des droits de l’homme ces dernières années. Il faut maintenant agir plus durablement pour garantir la liberté des médias et accroître l’égalité entre les femmes et les hommes », a déclaré aujourd’hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en publiant un rapport sur sa visite du 9 au 10 juin dans le pays.
Tout en reconnaissant l’approche mesurée adoptée par les juridictions de Saint-Marin dans les affaires pénales en matière de liberté d’expression, le Commissaire encourage les autorités du pays à dépénaliser la diffamation, à ne la réprimer que par des sanctions civiles strictement proportionnées et à instaurer une sanction plus proportionnée pour la divulgation d’informations relevant du secret de l’instruction. La nouvelle loi relative à l’édition et à la profession d’exploitant de médias a été adoptée pour répondre à des préoccupations légitimes concernant la réglementation de la profession de journaliste et la déontologie journalistique. Bien que cette loi contienne un certain nombre d’aspects positifs, par exemple la protection accrue des sources des journalistes, le Commissaire estime préoccupant le fait que le mécanisme qui mettra en application le futur code de déontologie implique un risque d’ingérence abusive dans le contenu des médias, quelle que soit la teneur de ce code. « Les autorités devraient le remplacer par un mécanisme d’autodiscipline moins intrusif assurant une meilleure protection de la liberté des médias », a-t-il déclaré.
Saluant les progrès accomplis dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes, le Commissaire recommande d’attribuer des ressources suffisantes à l’Autorité pour l’égalité des chances et de ratifier la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe. Il encourage aussi les autorités à continuer de s’intéresser particulièrement à la situation des femmes de nationalité étrangère, et en particulier des auxiliaires de vie et des employées domestiques, afin de s’assurer qu’elles ont accès à des mesures d’intégration et bénéficient d’un soutien adéquat contre le risque d’exploitation. « Il faudrait aussi prendre des mesures résolues pour combler l’écart entre hommes et femmes dans l’emploi et la participation à la vie politique, parallèlement à des mesures pour lutter contre les stéréotypes liés au sexe dès les premières années de scolarité ».
S’agissant des droits reproductifs, le Commissaire encourage les autorités à améliorer la loi sur l’avortement qui est actuellement très restrictive. « Il faudrait chercher avant tout à empêcher les grossesses non désirées et non pas à limiter les choix des femmes. Les autorités devraient au minimum dépénaliser les avortements effectués pour préserver la santé physique et mentale des femmes ou en cas d’anomalie fœtale fatale, de viol ou d’inceste. Elles devraient aussi confirmer publiquement que les sanctions pénales ne s’appliqueraient pas en cas d’avortement effectué légalement à l’étranger ».
Saint-Marin a réalisé des progrès importants en matière de respect des droits de l’homme des personnes handicapées, eu égard en particulier à sa politique exemplaire en matière d’éducation inclusive. Se félicitant de l’adoption d’une nouvelle loi-cadre relative à l’intégration dans la société, le Commissaire recommande d’appuyer cette loi par un plan d’action clair et un budget adéquat. En même temps, il appelle instamment à réviser en profondeur la législation de Saint-Marin en matière de capacité juridique à la lumière de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. « Cette révision devrait avoir pour but de supprimer sans plus attendre la déchéance totale de la capacité juridique et la tutelle plénière, y compris la restriction concomitante des droits politiques, et de supprimer progressivement la prise de décisions à la place de l’intéressé pour la remplacer par une aide à la prise de décisions avec le consentement de l’intéressé ». Il encourage aussi Saint-Marin à soutenir les efforts visant à permettre aux handicapés de vivre au sein même de la société et à mieux lutter contre les discriminations à l’égard des personnes handicapées sur le marché du travail.
En ce qui concerne les droits de l’homme des personnes LGBTI, le Commissaire recommande d’assurer la reconnaissance juridique du sexe d’une personne d’une manière rapide, transparente et accessible, fondée sur l’autodétermination. Il recommande aussi des réformes législatives afin d’assurer la protection juridique des couples de même sexe, sous la forme d’une union civile ou d’un partenariat enregistré capable de pourvoir aux besoins fondamentaux d’un couple engagé dans une relation stable. De plus, il invite instamment les autorités à faire en sorte immédiatement que la loi donne aux concubins de même sexe tous les droits dont jouissent les concubins de sexe opposé, y compris pour les permis de séjour. Il exhorte en outre les autorités à lancer des activités de sensibilisation en faveur du respect et de l’égalité pour les personnes LGBTI.
- Lire le rapport suite à la visite à Saint-Marin, 9 au 10 juin 2015 (en anglais)
- Lire les commentaires du gouvernement de Saint-Marin sur le rapport (en anglais)
- Lire le rapport en bref (en anglais)