« Le niveau élevé de tension qui prévaut actuellement en France suscite mon inquiétude et je considère qu’il est urgent d’apaiser la situation », a déclaré aujourd’hui la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, à l’issue d’un déplacement à Paris, le 28 janvier pour discuter des questions de droits de l’homme liées au mouvement des « gilets jaunes ».
Lors de cette mission, la Commissaire a entendu les préoccupations exprimées par ses interlocuteurs concernant les violences commises lors des manifestations, y compris à l’égard de journalistes, par des membres des forces de l’ordre et certains manifestants.
La Commissaire s’inquiète en particulier du grand nombre de personnes blessées, certaines très gravement, dans les manifestations ou en marge de celles-ci, notamment par des projectiles d’armes dites de défense intermédiaire telles que le lanceur de balles de défense. Elle constate certes que les forces de l’ordre, parmi lesquelles de nombreux blessés sont aussi à déplorer, opèrent dans des conditions difficiles, notamment liées à l’hostilité de certains manifestants, mais aussi à une surcharge de travail et, pour certaines unités engagées, à une formation insuffisante aux techniques de maintien de l’ordre et à l’usage de certaines armes. Toutefois la Commissaire est gravement préoccupée par le nombre et la gravité des blessures résultant de l’usage de la force par les forces de l’ordre.
Rappelant la nécessité de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales tout en garantissant la sécurité et la paix publique, la Commissaire souligne qu’il est crucial que la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs actuellement en discussion à l’Assemblée nationale ne conduise à aucune restriction des libertés d’expression et de réunion pacifique et au droit à la liberté et à la sûreté qui ne serait ni nécessaire ni proportionnée, conformément aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme. A cet égard, la Commissaire est particulièrement préoccupée par la disposition visant à interdire préventivement, par une décision administrative et sans contrôle préalable d’un juge, de prendre part à une manifestation. Elle s’inquiète également de celle érigeant en délit la dissimulation volontaire partielle ou totale du visage au sein ou aux abords d’une manifestation. « De telles mesures, dont la proportionnalité me semble contestable, ne m’apparaissent pas nécessaires pour garantir efficacement la liberté de réunion et risquent d’être, au contraire, perçues comme une entrave à l’exercice de cette liberté. Dans un contexte si délicat, j’invite le gouvernement et le législateur à ne pas aller dans cette direction et à privilégier les voies du dialogue et à garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
Un Mémorandum plus détaillé sera publié dans les prochains jours.