Education
L’éducation est le processus par lequel une société transmet d’une génération à l’autre les connaissances, les compétences et les valeurs accumulées. Dans sa définition la plus large, l’éducation inclut tout acte ou expérience ayant un effet formateur sur l’esprit, le caractère ou la capacité physique d’une personne. C’est grâce au renforcement de leurs capacités et potentiels que les individus et les communautés peuvent parvenir à leur plein développement et à la réussite économique et sociale. L’éducation est aussi un des facteurs clés du développement et de l’autonomisation des jeunes. Elle apporte des connaissances et des informations et contribue au renforcement de l’estime de soi et de la confiance en soi, ainsi qu’à la réalisation du potentiel de chacun.
L’éducation est à la fois un droit fondamental en soi et une des clefs de l’exercice des autres droits inhérents à la personne humaine. En tant que droit qui concourt à l’autonomisation de l’individu, l’éducation est le principal outil qui permette à des adultes et à des enfants économiquement et socialement marginalisés de sortir de la pauvreté et de se procurer le moyen de participer pleinement à la vie de leur communauté. L’éducation joue un rôle majeur, qu’il s’agisse de rendre les femmes autonomes, de protéger les enfants contre l’exploitation de leur travail, l’exercice d’un travail dangereux ou l’exploitation sexuelle, de promouvoir les droits de l’homme et la démocratie, de préserver l’environnement ou encore de maîtriser l’accroissement de la population.
Observation générale 13, Le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)1
Question: En quoi l’éducation a-t-elle influencé votre façon de penser, vos ressentis et vos actes d’aujourd’hui ?
L’éducation dans le monde
Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont été adoptés par les Nations Unies en 2000 en vue d’encourager le développement grâce à l’amélioration des conditions économiques et sociales dans les pays les plus pauvres au monde. L’Objectif 2 est de donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires d’ici à 2015. L’Objectif 3 vise à éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005 si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard. Chaque année, un rapport est produit pour présenter une évaluation globale des progrès réalisés.
Selon le rapport 2010 sur les Objectifs du millénaire pour le développement2:
- La scolarisation est toujours en hausse dans l’enseignement primaire, au point d’atteindre 89% dans le monde en développement.
- Le nombre total d’enfants non scolarisés a diminué, passant de 106 millions en 1999 à 69 millions en 2008.
- La disparité entre les sexes a aussi diminué au sein de la population non scolarisée : de 1999 à 2008, la proportion de filles y est passée de 57 à 53% dans le monde.
- Les données sur les ménages en provenance de 42 pays montrent que les enfants des zones rurales ont deux fois plus de chances de ne pas être scolarisés que ceux qui vivent dans des zones urbaines.
- Les enfants handicapés bénéficient de beaucoup moins de possibilités que leurs pairs non handicapés. Même dans des pays qui sont sur le point d’atteindre l’objectif de l’éducation primaire universelle, les enfants handicapés représentent la majorité des exclus.
L’un des objectifs fondamentaux de l’éducation est d’enseigner à lire et à écrire. Fondement de l’éducation de base et de l’apprentissage, l’alphabétisme contribue à la promotion des capacités individuelles et bénéficie non seulement à l’individu, mais également à la famille, à la communauté et à la société dans son ensemble. Il contribue également à l’élimination de la pauvreté et à la promotion de la participation dans la société. L’Institut des statistiques de l’UNESCO (ISU) assure le suivi des objectifs en matière d’alphabétisme en relation avec les Objectifs du millénaire pour le développement. Selon la fiche d’information de l’ISU « L’alphabétisme des adultes et des jeunes: tendance globale sur la parité entre les sexes »3, en 2008, 796 millions d’adultes (15 ans et plus) à travers le monde ne possédaient pas les connaissances de base en ce qui concerne la lecture et l’écriture, et deux tiers (64%) d’entre eux étaient des femmes. L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne comptabilisaient les trois quarts (74%) de la population mondiale ne sachant ni lire ni écrire. Le taux d’alphabétisme des adultes au niveau global était de 83%, comparé à 76% en 1990. Le progrès a été particulièrement important en Afrique du Nord, où le taux d’alphabétisme des adultes a augmenté de 20% ; en Asie de l’Est et du Sud, une augmentation de 15% a été rapportée.
L’éducation et les femmes
C’est en 1965 que l’UNESCO a proclamé le 8 septembre Journée internationale de l’alphabétisation. « L’alphabétisation et l’autonomisation des femmes » était le thème de la Journée en 2010. Les petites filles représentent encore plus de la moitié des 67,4 millions d’enfants privés d’école dans le monde, tandis que les deux tiers des 796 millions d’adultes analphabètes sont des femmes. « L’investissement dans l’alphabétisation des femmes donne d’excellents résultats : il améliore les moyens de subsistance, il a une influence bénéfique sur la santé maternelle et infantile et il favorise l’accès des filles à l’éducation. En bref, l’alphabétisation des femmes a des répercussions positives sur l’ensemble des indicateurs de développement. »
Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO, dans le message qu’elle a délivré à l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation 2010
Question: Pourquoi, selon vous, y a-t-il deux fois plus de femmes analphabètes que d’hommes ?
L’éducation, un droit de l’homme
Le droit à l’éducation est la colonne vertébrale de l’idée même de droits de l’homme. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme a proclamé que l’éducation élémentaire gratuite et obligatoire était un droit de l’homme fondamental. Mais l’éducation n’est pas seulement un droit, c’est aussi un moyen pour la pleine et entière réalisation des autres droits de la personne humaine. Le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, entré en vigueur en 1976 et ratifié par 160 pays4, a réaffirmé le droit à l’éducation en tant qu’obligation juridiquement contraignante. L’article 13 est la plus longue disposition du Pacte ainsi que l’article qui a la plus large portée sur le droit à l’éducation dans le droit international des droits de l’homme.
Si vous planifiez sur une année, semez du riz ; si vous planifiez sur une décennie, plantez des arbres ; si vous planifiez pour toute une vie, éduquez les individus.
Proverbe chinois
Article 13
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
2. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit:
a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;
b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
d) L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme;
e) Il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant.
3. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’Etat en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.
4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l’éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l’Etat.
Ouvrir une école, c’est fermer une prison.
Victor Hugo
Le droit à l’éducation est protégé par de nombreux autres instruments en matière de droits de l’homme, y compris la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que de nombreux traités régionaux (par exemple, la Charte sociale européenne, la Charte africaine pour les droits de l’homme et les droits des peuples ou encore la Charte arabe révisée des droits de l’homme), ainsi que les conventions qui concernent des groupes spécifiques (comme la Convention relative aux droits des personnes handicapées ou la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale).
Tous les instruments en matière de droits de l’homme reposent largement sur la connaissance des droits qu’ils défendent, ainsi qu’une éducation sur leurs normes et objectifs. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît cette nécessité en observant qu’une « conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement » et pour promouvoir le respect et l’observation des droits de l’homme. Dans ces conditions, l’éducation aux droits de l’homme est essentielle pour créer un monde dans lequel les droits de l’homme sont respectés.
L’éducation doit être à disposition, accessible, acceptable et adaptable. Le concept des 4 A a été élaboré par Katarina Tomasevski, ex-Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’éducation.
- A disposition – l’éducation doit être gratuite, financée par le gouvernement, et bénéficier d’une infrastructure appropriée et d’enseignants formés capables de soutenir l’offre éducative.
- Accessibilité – le système doit être accessible à tous sans discrimination, et des mesures positives doivent être prises en vue d’inclure les populations les plus marginalisées.
- Acceptabilité – le contenu de l’éducation doit être pertinent, non discriminatoire, adapté à la culture et de bonne qualité.
- Adaptabilité – l’éducation doit évoluer en fonction de la transformation des besoins de la société et doit pouvoir être adaptée localement pour correspondre à des contextes spécifiques.
Les 4 A doivent être respectés, protégés et mis en oeuvre par le gouvernement. Mais d’autres acteurs ont également des devoirs à respecter dans le processus éducatif : tout d’abord l’enfant, sujet privilégié du droit à l’éducation, à qui il appartient de se conformer aux obligations liées à l’éducation, ensuite, les parents qui sont les « premiers éducateurs » et, enfin, les enseignants, dont c’est le métier.
Question: Dans votre pays, l’éducation est-elle à la disposition de tous et accessible à tous ?
Education et discrimination
Pour pouvoir lutter efficacement contre la discrimination, il faut la dénoncer !
Katarina Tomaševski
Le principe de non-discrimination en relation à l’éducation touche à plusieurs questions :
1. La première est que l’éducation, à tous les niveaux, doit être à la disposition de tous et accessible à tous sans discrimination.
2. La deuxième est que la fourniture de l’éducation, sa qualité et son contenu doivent être défendus sans discrimination.
3. La troisième est que l’éducation en soi vise le développement du respect et de la tolérance.
Concernant la première question, la DUDH fixe pour objectif que l’éducation élémentaire soit obligatoire et gratuite. La formation technique et professionnelle devrait être généralement disponible et l’enseignement supérieur devrait être également accessible à tous sur la base du mérite. Le Comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies a confirmé que l’obligation de non-discrimination en relation avec éducation englobait toutes les personnes vivant sur le territoire d’un État partie, y compris les non-ressortissants, et a affirmé que « la jouissance du droit à l’éducation de base n’est soumise à aucune condition d’âge ou de sexe : elle vaut pour les enfants, les adolescents et les adultes, y compris les personnes âgées »5. Le Comité a reconnu le droit d’accès à l’éducation publique sur une base non discriminatoire comme une obligation fondamentale minimale des Etats en relation au droit à l’éducation. Garantir la non-discrimination en termes d’accès à l’éducation exige de surmonter des perspectives stéréotypées, par exemple celle qui consiste à priver du droit d’accès à l’éducation les filles ou encore certains groupes défavorisés.
La deuxième question est liée à l’idée que l’éducation elle-même devrait fonctionner de façon non discriminatoire. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels souligne que l’« acceptabilité » est un aspect essentiel de la jouissance du droit à recevoir une éducation. Il est important que la qualité de l’éducation soit équivalente dans tous les établissements d’enseignement public d’un même niveau. Si des établissements éducatifs séparés sont maintenus pour des groupes spécifiques d’individus, comme les deux sexes, ou encore les groupes ethniques ou religieux, la qualité du corps enseignant ainsi que celle des locaux et des équipements scolaires doit être équivalente.
Question: Dans votre pays, les filles et les garçons sont-ils traités sur un pied d’égalité dans l’éducation ? Si non, en quoi sont-ils traités différemment ?
Pourquoi la société devrait-elle se sentir responsable
de la seule éducation des enfants, et pas de celles des adultes de tous âges ?
Erich Fromm
Si vous trouvez que l’éducation est coûteuse, essayez l’ignorance.
Anonyme
La question de savoir s’il faut privilégier l’intégration ou la ségrégation dans l’école a fait l’objet de vifs débats ces dernières années. Le droit à une éducation inclusive est reconnu dans le droit international des droits de l’homme. La Convention relative aux droits des personnes handicapées affirme explicitement que l’éducation pour les enfants handicapés doit être inclusive. Toutefois, l’éducation inclusive ne devrait pas se limiter aux apprenants présentant des déficiences ou des besoins spéciaux, mais être ouverte à tous les individus marginalisés, exclus, ou encore victimes de stéréotypes, y compris les membres des minorités ethniques. Un environnement d’apprentissage intégrant toutes sortes d’individus est également bénéfique aux plus privilégiés, que cela aide à acquérir une sensibilité aux besoins des autres. Ce faisant, cela favorise l’intégration sociale et la tolérance.
Question: Dans votre pays, trouve-t-on des écoles réservées à certains élèves ? Lesquels ?
Concernant la troisième question, la DUDH affirme que l’éducation vise le plein développement de la personnalité humaine, des droits de l’homme et de la paix, tandis que la Convention relative aux droits de l’enfant y ajoute le respect de l’environnement naturel. Le fait de savoir lire, écrire et compter, qui est le fondement de l’éducation de base et de l’apprentissage tout au long de la vie, est essentiel à la promotion des capacités humaines. Toutefois, le droit à l’éducation va bien au-delà, dans la mesure où l’éducation vise à « préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone »6. On reconnaît de plus en plus le rôle crucial que joue l’éducation dans la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation ; elle promeut la cohésion sociale en combattant les stéréotypes liés au genre et d’autres natures, en promouvant le respect du pluralisme et le renforcement de la capacité des individus à participer effectivement dans des sociétés démocratiques et pluralistes.
Nous avons tous droit à une éducation qui vise la construction et la préservation d’une culture de droits de l’homme. Nous devrions pouvoir acquérir des connaissances sur les droits de l’homme et apprendre dans un environnement respectueux des droits de l’homme. C’est exactement ce en quoi consistent les droits de l’homme. Nous pouvons donc en conclure que le droit à l’éducation inclut également le droit à l’éducation aux droits de l’homme.
Le droit à l’éducation englobe le droit à l’éducation aux droits de l’homme.
Comme nous l’avons examiné précédemment, les instruments en matière de droits de l’homme garantissent le droit à l’éducation à tous, mais ce droit ne saurait être garanti sans l’égalité des chances. Outre le fait d’assurer que l’éducation soit disponible et accessible à tous sans discrimination, il convient donc d’adopter des mesures spécifiques temporaires pour permettre aux individus ou aux groupes vulnérables de bénéficier de chances égales. Par exemple, il convient de prévoir une aide supplémentaire pour les personnes présentant des déficiences mentales ou physiques, ou simplement des difficultés d’apprentissage, ainsi que pour les membres des groupes socialement défavorisés ou marginalisés, ou encore les minorités ethniques confrontées à des obstacles linguistiques et culturels.
Education et vulnérabilité en Europe
Bien que de nombreux instruments de droits de l’homme ayant force contraignante consacrent le droit de tout un chacun à l’éducation sans discrimination, la réalité est que tous les individus ne jouissent pas de ce droit dans des proportions égales. Il existe des groupes sociaux dont le droit à l’éducation est plus souvent violé. Les experts du Conseil de l’Europe ont mis en évidence trois grands groupes de jeunes particulièrement vulnérables au sein du système éducatif :
1. ceux qui sont issus de familles défavorisées ;
2. ceux dont les parents ont un faible degré d’instruction ;
3. les minorités ethniques, les migrants et les individus sans logement fixe (que l’on appelle les « Gens du voyage »).
En Europe, en 2009, 14,4% de tous les jeunes de 18 à 24 ans ont quitté l’éducation ou la formation, selon les statistiques officielles publiées par Eurostat.8 Cela signifie que plus de six millions d’individus, soit un jeune sur sept, quittent l’école avec un niveau d’instruction correspondant au premier cycle du secondaire, voire inférieur. Dans 14 Etats membres, toutefois, les indicateurs dépassent la moyenne européenne. Les taux d’abandon scolaire les plus forts ont été relevés à Malte (36,8%), au Portugal (31,2%) et en Espagne (31,2%).
En tant que minorité ethnique la plus importante en termes numériques en Europe, les Roms sont particulièrement vulnérables aux violations de leurs droits de l’homme en matière d’éducation. La marginalisation sociale, la pauvreté, les difficultés linguistiques et les différences culturelles les empêchent parfois de profiter pleinement de l’éducation qui est légalement à leur disposition. Dans certains pays, les enfants roms sont souvent placés dans des classes ou des écoles « spéciales », bien qu’ils n’aient aucun handicap mental ou aucune difficulté d’apprentissage, ou sont scolarisés dans des écoles réservées aux Roms. On estime à 50 % le nombre d’enfants roms qui ne terminent pas leur scolarité dans le primaire, selon un rapport de l’Unesco9. Or, l’éducation primaire est obligatoire en vertu du droit international des droits de l’homme. Les parties prenantes devraient donc faire tous leurs efforts pour la pleine application de ce droit.
Question: Pouvez-vous identifier d’autres groupes, non mentionnés dans cette liste, qui sont particulièrement vulnérables au sein de votre communauté ?
Quels sont les défis éducatifs actuels ?
Comment réagirions-nous si nous constations que notre mode de vie actuel est inconciliable avec notre vocation à devenir d’authentiques êtres humains ?
Paulo Freire
En 1996, une commission de l’UNESCO a esquissé les sept tensions principales qui se font sentir dans
le monde et affectent l’éducation au XXIe siècle10:
1. La tension entre le global et le local ;
2. La tension entre l’universel et l’individuel ;
3. La tension entre la tradition et la modernité ;
4. La tension entre le spirituel et le matériel ;
5. La tension entre les considérations à long-terme et celles à court-terme ;
6. La tension entre la compétition et l’égalité des chances ;
7. La tension entre l’extraordinaire expansion du savoir et la capacité des êtres humains à l’assimiler.
L’UNESCO a défini ce qu’elle appelle les quatre « piliers » de l’apprentissage sous-tendant une stratégie qui pourrait aider à relever ces défis:
1. Apprendre à vivre ensemble: l’éducation devrait renforcer chez les jeunes les savoir-faire et les aptitudes susceptibles de les aider à accepter leur interdépendance mutuelle; à résoudre les conflits; à travailler et planifier ensemble des objectifs et un avenir communs; à respecter le pluralisme et la diversité (par exemple sexuelle, ethnique, religieuse et culturelle); à participer activement à la vie de la communauté.
2. Apprendre à connaître: l’éducation devrait aider les apprenants à acquérir les instruments du savoir - les outils essentiels à la communication et à l’expression orale, la lecture, l’arithmétique et l’art de résoudre les problèmes; à posséder à la fois une solide culture générale et la connaissance approfondie de quelques domaines; à comprendre les droits et les responsabilités; et surtout, à apprendre à apprendre.
3. Apprendre à faire: l’éducation devrait aider les apprenants à acquérir des savoir-faire et des compétences sociales et psychologiques qui leur permettront de prendre des décisions informées dans diverses situations, de gérer les relations sociales et les relations de travail; de participer aux marchés locaux et mondiaux; d’utiliser les outils technologiques; de satisfaire leurs besoins fondamentaux et d’améliorer leur qualité de vie et celle d’autrui.
4. Apprendre à être: l’éducation devrait contribuer à l’épanouissement de la personnalité des individus et leur permettre d’agir avec davantage d’autonomie, de jugement, de réflexion critique et de responsabilité personnelle. Elle devrait viser à développer toutes les facettes du potentiel de chacun, par exemple la mémoire, le raisonnement, le sens esthétique, les valeurs spirituelles, les capacités physiques et l’art de la communication; un mode de vie sain, le goût du sport et des loisirs; l’appréciation de sa propre culture; le respect d’un code éthique et moral; l’art de se faire valoir et de se défendre; la résilience.
Les rôles complémentaires de l’éducation formelle et non formelle
Alors que notre monde évolue à un rythme de plus en plus soutenu, l’acquisition de nouvelles capacités et compétences acquiert une importance cruciale pour nous permettre de mieux répondre aux nouveaux défis. Les politiques éducatives européennes ont entrepris d’intégrer deux concepts fondamentaux, et notamment celui d’« apprentissage tout au long de la vie » et de « société apprenante ». L’idée est celle d’une communauté où s’offrent aux individus diverses occasions de développer leurs compétences, et ce tout au long de leur vie. D’un côté, les systèmes d’éducation formelle devraient gagner en ouverture et en souplesse pour répondre à cette demande. De l’autre, l’éducation non formelle, avec tout son arsenal de méthodologies et approches flexibles, devrait pouvoir s’adapter plus rapidement et aisément aux besoins toujours changeants des sociétés et des apprenants individuels.
Question: Comment l’éducation formelle est-elle présente au sein de votre communauté ?
Toutefois, l’éducation non formelle ne bénéficie que rarement de la même reconnaissance que la scolarisation formelle, que ce soit d’un point de vue administratif ou dans la perception des individus. Les deux défis essentiels que doit relever l’éducation non formelle sont l’assurance de la qualité et la validation des compétences. La question de la reconnaissance et de la validation de l’apprentissage non formel se pose aussi dans les initiatives politiques européennes. De nos jours, on reconnaît plus volontiers non seulement le rôle de l’éducation formelle, mais également les opportunités offertes par l’éducation non formelle, autrement dit, les programmes proposés hors du système éducatif formel. De tels programmes sont souvent gérés par les organisations non gouvernementales, dont les organisations de jeunesse.
En 1998, la Conférence des ministres européens responsables de la jeunesse a identifié l’éducation non formelle en tant que priorité du Conseil de l’Europe et souligné l’importance de reconnaître et de valoriser les compétences acquises grâce à l’apprentissage non formel. Le partenariat entre la Commission européenne et le Conseil de l’Europe dans le domaine de la jeunesse s’est chargé de coordonner les stratégies des deux organisations et de leurs partenaires pour la reconnaissance de l’apprentissage non formel, notamment au moyen d’un document commun sur l’apprentissage de l’éducation non formelle, « Pathways for Recognition »11.
Les experts de l’éducation évoquent l’importance de « franchir les frontières » entre l’éducation formelle et non formelle, de promouvoir la communication et la coopération pour une meilleure synchronisation des activités éducatives et de créer des environnements d’apprentissage qui offrent aux apprenants un ensemble cohérent d’opportunités.
Le rôle du Conseil de l’Europe
Le Conseil de l’Europe offre une tribune pour les débats et soutient la coopération entre ses 47 Etats membres dans de nombreuses sphères, dont l’éducation. L’objectif global en est de développer une vision cohérente du rôle de l’éducation, en insistant notamment sur la protection et la promotion des droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit, et la capacité d’une société à s’engager dans le dialogue interculturel. Le programme s’appuie sur une large vision de l’éducation qui englobe à la fois des valeurs et des compétences. Des enjeux communs sont identifiés, des solutions sont proposées et des exemples de bonnes pratiques sont partagés.
Le programme Pestalozzi du Conseil de l’Europe offre des opportunités de perfectionnement professionnel, d’échanges et de coopération pour les enseignants, les chefs d’établissement et les représentants des organisations de la société civile.
Les Etats membres ont adopté plusieurs textes importants qui fournissent le moteur et l’orientation pour l’action au niveau national, ainsi que des indications sur la façon de diffuser les bonnes pratiques et de rehausser les normes dans toute l’Europe. Parmi ceux-ci figurent notamment la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme (CM/Rec(2010)7), la Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur la promotion et la reconnaissance de l’éducation non formelle des jeunes (CM/Rec(2003)8), la Recommandation du Comité des Ministres aux Etats membres sur l’éducation des Roms et des Gens du voyage en Europe (CM/Rec(2009)4), la Recommandation relative à la responsabilité publique pour l’enseignement supérieur et la recherche (CM/Rec(2007)6) et la Recommandation relative au dialogue interculturel et à l’image de l’autre dans l’enseignement de l’histoire (CM/Rec(2011)6).
Un autre domaine de coopération est le droit à une éducation de qualité, le développement de politiques et de pratiques concernant le droit à l’éducation pour tout être humain, ainsi que le fait de favoriser l’exercice de ce droit, qui fait de la qualité de l’éducation une condition nécessaire à la pleine jouissance des autres droits de l’homme. Cette ambition implique notamment de déterminer la responsabilité publique eu égard au droit à une éducation de qualité et de reconnaître, protéger et promouvoir la diversité par l’exercice du droit à une éducation de qualité.
Le rôle des organisations non gouvernementales
Les ONG jouent un rôle crucial dans la promotion du droit à l’éducation et d’autres droits corrélés. Parmi celles-ci, les syndicats, les unions d’étudiants, les associations d’enseignants et de parents remplissent des fonctions irremplaçables, notamment au niveau local et national.
Au niveau européen, des organisations de jeunesse ont trouvé le moyen de se faire entendre sur les questions d’éducation. Il en va de même pour des organisations d’élèves et d’étudiants comme l'Association des états généraux des étudiants de l’Europe (AEGEE), l'Union des étudiants d’Europe (ESIB) et le Bureau d’organisation des syndicats lycéens d’Europe (OBESSU), qui est une plate-forme européenne d’organisations et de syndicats nationaux d’élèves actifs dans l’enseignement général et professionnel du secondaire. Ces organisations s’efforcent de faciliter l’échange d’informations, d’expériences et de connaissances entre les organisations d’élèves et jouent un rôle de premier plan dans la représentation des idées des élèves en Europe. Comme d’autres organisations d’élèves et d’étudiants, elles se battent directement contre la discrimination dans les systèmes éducatifs européens et s’efforcent d’apporter des améliorations à la qualité et l’accessibilité de l’offre éducative en Europe.
Le Forum européen de la jeunesse, en tant que principale plate-forme des organisations de jeunesse en Europe, considère l’éducation comme une priorité stratégique de la politique de jeunesse. Il appelle à des approches holistiques de l’éducation, qui reconnaissent et soutiennent une éducation formelle de qualité, l’éducation non formelle et l’apprentissage informel. Le Forum européen de la jeunesse s’attache principalement à construire une authentique société d’apprentissage tout au long de la vie, dans laquelle tous les apprentissages sont valorisés, où les jeunes peuvent prendre la responsabilité de leurs parcours éducatifs et où les organisations de jeunesse sont reconnues comme les premiers prestataires d’une éducation non formelle de qualité12.
Le réseau DARE (éducation à la démocratie et aux droits de l’homme en Europe) est un réseau européen d’ONG et d’autres organisations qui tentent de faire mieux connaître l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, en promouvant la coopération transnationale et transculturelle et en favorisant la qualité de l’éducation dans ces domaines. Parmi ses initiatives figurent notamment les journées d’action synchronisées (Synchronised Action Days, SynAct), qui ont lieu tous les ans autour du 10 décembre, date de la Journée des droits de l’homme.
Human Rights Education Associates (HREA) est une organisation internationale non gouvernementale qui milite pour l’apprentissage des droits de l’homme, la formation des activistes et des professionnels, le développement de supports éducatifs, ainsi que le renforcement de la communauté grâce aux technologies en ligne (comme la liste de diffusion HREA).
Notes
1 Observation générale 13, Le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 08/12/99. E/C.12/1999/10, par. 1;; http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(symbol)/E.C.12.1999.10.Fr?OpenDocument
2 Rapport 2010 sur les Objectifs du millénaire pour le développement, www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report2010.pdf
3 L’alphabétisme des adultes et des jeunes: tendance globale sur la parité entre les sexes, Fiche d’information ISU, septembre 2010, n° 3, publiée par l’Institut des statistiques de l’UNESCO www.unesco.org/education/ild2010/FactSheet2010_Lit_EN.pdf
4 Chiffres au mois d’août 2011
5 Observation générale 13, Le droit à l’éducation (art. 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), 08/12/99. E/C.12/1999/10, par. 24.
6 Convention relative aux droits de l’enfant, UN Doc A/44/49 (1989), par. 29(1)(d)
8 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions; La lutte contre l’abandon scolaire: une contribution essentielle à la stratégie Europe 2020, ec.europa.eu/education/school-education/doc/earlycom_.pdf
9 Early Childhood Care and Education Regional Report – Europe and North America, UNESCO, WCECCE/Ref.4, 27 août 2010 unesdoc.unesco.org/images/0018/001892/189211e.pdf
10 Learning: The Treasure Within, UNESCO, Paris, 1996. www.see-educoop.net/education_in/pdf/15_62.pdf
11 http://youth-partnership-eu.coe.int
12 www.youthforum.org
- L’éducation dans le monde
- L’éducation, un droit de l’homme
- Education et discrimination
- Education et vulnérabilité en Europe
- Quels sont les défis éducatifs actuels ?
- Les rôles complémentaires de l’éducation formelle et non formelle
- Le rôle du Conseil de l’Europe
- Le rôle des organisations non gouvernementales
Date clé
- 8 septembreJournée internationale de l’alphabétisation
- 5 octobreJournée mondiale des enseignants
Libérez le potentiel de l’enfant et vous transformerez le monde avec lui.
Maria Montessori