Image: Theme 'Poverty' by Pancho

Cette incroyable disparité, ou dualité des mondes riche et pauvre, est maintenue par la force.
Alain Badiou

Il existe un lien fort entre la pauvreté et les droits de l’homme. Dans la Déclaration et le programme d’action de Vienne de la Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme, il est dit :
« L’existence d’une extrême pauvreté très répandue freine le bénéfice complet et effectif des droits de l’homme ; son immédiate diminution et son éventuelle élimination doivent rester une haute priorité pour la communauté internationale. »

Notre monde est terriblement inégal. En 2010, l’homme le plus riche au monde aurait gagné 15 milliards d’euros. Pour mesurer à quel point ce « salaire » est choquant, observons le produit national brut (PNB) annuel de quelques pays. En 2009, l’Afghanistan, avec une population de 29 millions d’individus, avait un PNB de 10 milliards ; le PNB de la Géorgie, avec une population de 4 millions d’individus, était de 8 milliards.1 Nous vivons dans un monde où un millionnaire gagne autant en une année que le PNB de pays entiers. Les inégalités profondes et la pauvreté touchent non seulement les régions en développement mais également les pays riches. En Europe, on trouve ncore des sans-abri qui dorment dans la rue, des familles expulsées parce qu’elles ne peuvent payer leur loyer, des enfants insuffisamment nourris et des personnes âgées qui se battent pour chauffer leur logement durant l’hiver. La pauvreté n’est pas une destinée incontrôlable ; c’est une question de justice sociale et de respect des droits de l’homme.

Définir et mesurer la pauvreté

La pauvreté peut être définie comme « la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable ou chronique des ressources, des moyens, des choix, de la sécurité et du pouvoir nécessaires pour jouir d’un niveau de vie suffisant et d’autres droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux ».
Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.2

Il existe plusieurs façons de définir et de mesurer la pauvreté. De ces différences en termes de définition et de mesure découlent des méthodes différentes de collecte et d’analyse des données statistiques, mais aussi des approches distinctes de la lutte contre la pauvreté. La pauvreté se mesure généralement en termes de pauvreté extrême ou relative. Dans les deux cas, un seuil de pauvreté est défini, et les personnes qui se trouvent sous ce seuil sont considérées comme pauvres.

L’extrême pauvreté

L’extrême pauvreté (ou grande pauvreté) est le manque de ressources pour satisfaire les besoins essentiels à la survie que sont notamment l’eau potable, la nourriture et des installations sanitaires. Le seuil de pauvreté est souvent calculé sur la base du revenu : dès lors que le revenu d’une personne ou d’une famille tombe en dessous d’un certain seuil considéré comme un minimum vital raisonnable, alors cette personne ou cette famille est considérée comme pauvre.

La Banque mondiale définit l’extrême pauvreté comme le fait de vivre avec moins de 1,25 $ (soit environ 0,9 €) par jour.3 En 2005, il y avait selon la Banque mondiale 1,4 milliard d’individus vivant dans l’extrême pauvreté. Il est vrai que ces chiffres sont le plus souvent relayés par les médias de masse et repris par les gouvernements et les ONG. Mais, alors que la Banque mondiale affirme que l’extrême pauvreté a diminué depuis les années 80, quelques chercheurs4 ont remis en question sa méthodologie de mesure et déclaré que la réalité était sous-estimée.

Des paysans de La Via Campesina se mobilisent contre l’aggravation de la pauvreté

En mai 2010, des représentants de La Via Campesina d’Europe et d’Amérique latine ont rejoint des manifestants à Madrid pour demander l’abandon des négociations entamées en vue de la signature d’accords de libre-échange entre l’UE et les pays d’Amérique latine. Selon les manifestants, ces accords bénéficieraient aux seules sociétés transnationales et aggraveraient la pauvreté. La Via Campesina s’oppose aux politiques néolibérales de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de l’Organisation internationale du commerce, convaincue que seule une approche basée sur les droits de l’homme peut permettre de lutter contre la faim, la pauvreté et le changement climatique.

La pauvreté relative

Le mouvement paysan international La Via Campesina représente des agriculteurs dans 70 pays d’Afrique, d‘Amérique, d’Asie et d’Europe.
www.viacampesina.org

En Europe, lorsqu’on parle de pauvreté, il s’agit généralement de pauvreté relative ; une personne ou un foyer est alors considéré comme pauvre si ses revenus ou ressources ne paraissent pas suffisants ou ne sont pas socialement acceptables. Les personnes en situation de pauvreté sont souvent exclues de toute forme de participation aux activités économiques, sociales et culturelles – considérées comme la norme pour les autres –, et leur accès aux droits fondamentaux est parfois restreint.5 Le fait que les pays européens tendent à faire référence aux seuils de pauvreté relative ne signifie pas que des individus n’y vivent pas dans l’extrême pauvreté. Ainsi, dans l’Europe du Sud-Est et dans la Communauté des Etats indépendants, 25 % des enfants sont en situation d’extrême pauvreté.6

Vivre en situation de pauvreté peut vouloir dire :

• être isolé de sa famille et de ses amis ;
• se sentir impuissant et exclu, n’avoir que peu d’influence sur les décisions qui affectent votre quotidien ;
• manquer d’informations sur les aides et les services disponibles ;
• avoir des difficultés à satisfaire ses besoins fondamentaux, dont l’accès à un logement décent, aux services de santé et à l’école, et à des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ;
• vivre dans un quartier peu sûr, où la criminalité et la violence sont élevées et les conditions environnementales défavorables, ou dans une zone reculée ou isolée ;
• ne pas avoir les moyens de payer les services de base, comme l’eau, le chauffage et l’électricité, ou d’acheter une nourriture saine ou de nouveaux vêtements, ou encore d’utiliser les transports publics ;
• ne pas avoir les moyens d’acheter des médicaments ou de consulter un dentiste ;
• vivre au jour le jour sans économies ni réserves pour affronter les périodes difficiles, comme la perte de son emploi ou la maladie ;
• être exploité et contraint de se mettre en situation d’illégalité ;
• être victime de racisme et de discrimination ;
• ne pas pouvoir participer aux loisirs et à la vie sociale « normale », comme aller prendre un verre dans un bar, aller au cinéma ou à des événements sportifs, rendre visite à des amis ou acheter des cadeaux d’anniversaire pour les membres de sa famille.

Adapté du site internet du Réseau européen anti-pauvreté (European Anti-Poverty Network, EAPN) http://www.eapn.eu

Le développement humain – une nouvelle approche de la pauvreté

Le développement humain, en tant qu’approche, repose sur ce que je tiens pour être l’idée fondamentale du développement : à savoir, faire progresser la richesse de la vie humaine plutôt que la richesse de l’économie dans laquelle les êtres humains vivent, ce qui n’en représente qu’une partie.
Amartya Sen

Vous trouverez les rapports sur le développement humain à l’adresse www.hdr.undp.org/en/

La conception prédominante dans les années 80 – selon laquelle la pauvreté rime avec privation de revenus tandis que les stratégies de réduction de la pauvreté seraient indissociables de la croissance économique – a été largement critiquée par plusieurs spécialistes qui estiment que ne pas être pauvre va bien au-delà du fait d’accéder à la richesse. C’est ainsi qu’une nouvelle approche de la réduction de la pauvreté a été proposée, associée à une nouvelle méthode de mesure du développement. L’indice de développement humain est une mesure comparative de divers paramètres qui affectent la qualité de vie dans un pays, par exemple l’espérance de vie, l’aptitude à lire et à écrire, l’éducation, le niveau de vie, l’égalité entre les femmes et les hommes, et la protection de l’enfance. L’indice de développement humain est publié dans les rapports annuels sur le développement humain produits sous l’égide du Programme des Nations Unies pour le développement.

Les droits de l’homme et la pauvreté

La pauvreté peut être à la fois la cause et le résultat de violations des droits de l’homme. Autrement dit, il n’y a pas que la non-réalisation des droits de l’homme qui peut être à l’origine de la pauvreté, la pauvreté en soi peut aussi entraîner une aggravation des violations de droits de l’homme. Les Etats ont des obligations légales envers les personnes qui vivent en situation de pauvreté, et toutes ces obligations découlent des droits sociaux, économiques, culturels, civiques et politiques que détiennent ces personnes. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels précise que tous les droits doivent être réalisés tant individuellement que par l’assistance et la coopération internationales. Cela signifie que les pays développés n’ont pas seulement une responsabilité nationale, mais également une responsabilité internationale, tout comme ceux qui sont en position de contribuer à l’éradication de la pauvreté. Partant, l’élimination de la pauvreté n’est pas une question de charité ou de bonne volonté des Etats les plus riches ; il s’agit pour ces Etats de satisfaire à leurs obligations de réaliser les droits de l’homme.

Campagne « Exigeons la dignité »

En 2009, Amnesty Iinternational a lancé une campagne intitulée « Exigeons la dignité ». Cette campagne, qui devrait durer au moins six ans, réunit des personnes pour solliciter la responsabilité des acteurs nationaux et internationaux responsables de violations des droits de l’homme qui accroissent la pauvreté et enferment ses victimes dans la privation. Parmi les manifestations locales et internationales organisées dans le cadre de cette campagne figurent des ateliers, des concerts, des expositions photographiques, des conférences, des pétitions et bien d’autres actions.
Pour en savoir plus sur la campagne et découvrir comment agir, voir www.amnesty.org, ou le site local d’Amnesty International.

Si tu es venu pour m’aider, tu perds ton temps. Mais si tu es venu parce que ta libération est indissociable de la mienne, alors travaillons ensemble.
Lilla Watson, artiste visuelle aborigène d’Australie

Question: Les pays développés devraient-ils être tenus responsables de leur incapacité à éradiquer la pauvreté ?

Les droits de l’homme essentiels pour la réduction de la pauvreté

Compte tenu de l’indivisibilité et de l’interdépendance des droits de l’homme, tous les droits de l’homme sont essentiels pour la réduction de la pauvreté. Toutefois, quelques-uns ont été identifiés comme d’une importance particulière dans ce contexte. La publication des Nations Unies Projet de principes directeurs : une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme7 conseille, lors de la planification de politiques pour la réduction de la pauvreté, de se focaliser sur les droits de l’homme ci-après :

Droit à la santé. Un état de santé médiocre peut être à la fois la cause et la conséquence de la pauvreté. Une mauvaise santé peut affecter les résultats scolaires des enfants ou la productivité au travail et se traduire par le chômage et l’incapacité à participer à la vie culturelle et sociale. Parallèlement, le fait de vivre dans la pauvreté peut exposer à la malnutrition, à un environnement malsain et à un accès restreint aux services médicaux.

Droit à l’éducation. L’éducation est l’une des meilleures solutions à long terme à la pauvreté. Grâce à l’éducation, les adultes et les enfants pauvres peuvent acquérir les compétences qui les aideront à sortir de la pauvreté.

Bibliothèques de rue

En 2007, ATD Quart-Monde a lancé un projet de bibliothèque de rue en Pologne. Chaque semaine à Varsovie, une équipe d’animateurs se rend dans un centre de réfugiés tchéchènes où résident 350 familles en attente d’une décision concernant leur autorisation de séjour en Pologne ou leur renvoi en Tchétchénie. Certains des enfants ne vont pas à l’école ; c’est la raison pour laquelle l’équipe d’animateurs a mis en place une bibliothèque de rue dans leur quartier.
Pour plus d’informations sur ce projet, voir www.atd-fourthworld.org

Le fait de ne pas travailler me procure du souci. Mes enfants avaient faim ; je leur ai dit que le riz était en train de cuire, jusqu’à ce que la faim les fasse sombrer dans le sommeil.
Un vieil homme de Bedsa, Egypte8

Droit à un travail décent. Des conditions de vie inadaptées et l’insécurité sont le fondement de la pauvreté. En conséquence d’opportunités d’emploi restreintes, les personnes démunies acceptent des emplois temporaires faiblement rémunérés, sans contrat, et travaillent dans des conditions de santé et de sécurité déplorables. Ces personnes sont alors particulièrement exposées aux mauvais traitements et au harcèlement de la part de leurs employeurs et, le cas échéant, ont moins la possibilité d’obtenir réparation. Beaucoup sont piégées dans l’exercice d’activités dangereuses et illégales que sont l’industrie du sexe, le travail des enfants, le travail forcé et d’autres pratiques assimilables à de l’esclavage.

Question:Quel est, dans votre pays, le salaire minimum pour vivre dignement ?

Droit à une alimentation adéquate. La pauvreté peut avoir pour conséquence la faim et la malnutrition, qui ont des effets néfastes sur la concentration des enfants à l’école et des adultes au travail. Les effets physiques et psychologiques de la privation d’une nourriture de qualité risquent d’aggraver la pauvreté.

Il est temps de penser globalement et d’agir localement

Les pays développés ne sont pas épargnés par la faim et la malnutrition. En 2009 dans l’Union européenne, 115 millions de personnes étaient exposées au risque de pauvreté.10 La Fédération européenne des banques alimentaires (FEBA) est une initiative destinée à lutter contre la faim et le gaspillage alimentaire ; elle rassemble 240 banques alimentaires en Europe. En 2010, celles-ci ont collecté 359 960 tonnes de denrées alimentaires qu’elles ont distribuées à 4,9 millions de personnes, en coopération avec d’autres organisations et services sociaux. Les banques alimentaires mettent en lien la lutte contre la pauvreté alimentaire, l’exclusion et le gaspillage, et l’appel à la solidarité. Tous les membres d’équipe de la FEBA sont des volontaires qui ont précédemment occupé divers postes à responsabilités dans des entreprises, des services publics et des associations.
Pour trouver votre banque alimentaire locale, www.eurofoodbank.eu

Question: Y a-t-il dans votre communauté des personnes qui n’ont pas toujours les moyens de bénéficier de trois repas par jour ?

En 2011, bien que la planète produise suffisamment de nourriture pour tous ses habitants, presque un milliard d’enfants, de femmes et d’hommes allaient se coucher tous les soirs avec la faim au ventre.
Rapport sur les catastrophes dans le monde9

Droit à un logement décent. Le droit à un logement décent est le droit de chacun à acquérir et conserver un logement sain et sûr, dans lequel vivre dans la paix et la dignité. La plupart des personnes démunies vivent dans des logements inadaptés, dans des quartiers défavorisés, voire sont privées de logement. Elles sont parfois confrontées aux problèmes de surpeuplement, de pollution et de bruit, et privées d’accès à l’eau potable, à des installations sanitaires ou au chauffage. Les personnes démunies vivent souvent dans des zones reculées et peu sûres, généralement stigmatisées. Ce problème (logements inadaptés ou statut de sans-abri) est le résultat de la pauvreté ; il peut conduire à des formes de privation plus graves et à l’exclusion.

Criminalisation du statut de sans-abri

En 2011, le Parlement hongrois a voté une loi qui autorise l’incarcération des personnes « coupables » d’avoir dormi dans des lieux publics à deux reprises en six mois. Dans un entretien, le ministère hongrois de l’Intérieur a déclaré que son gouvernement allait « nettoyer les espaces publics des mendiants et de tous ceux qui vous mettent de mauvaise humeur… »"11. La nouvelle loi, qui érige en infraction le fait de résider de façon récurrente dans les lieux publics, a été votée malgré l’absence de services appropriés pour les personnes sans logement décent dans de nombreuses villes de Hongrie.

La pauvreté, c’est comme vivre en prison, sous la contrainte, en attendant la liberté.
Une personne en Jamaïque12

Question:Comment le problème des sans-abri est-il géré dans votre communauté ?

Là où il n’y a pas de sécurité, il n’y a pas de vie.
Une personne en Somalie13

Droit à la sécurité de la personne. Les personnes pauvres sont généralement confrontées à de multiples formes d’insécurité. En plus de l’insécurité financière, économique et sociale, elles font souvent l’objet de menaces de mort, de harcèlement, d’intimidation, de traitements discriminatoires et de violences physiques de la part des acteurs étatiques et non étatiques. Bien souvent, elles vivent dans des zones où les taux de criminalité sont plus élevés et où la police est moins présente.

Droit de paraître en public sans honte. Le droit de paraître en public sans honte découle de plusieurs autres droits de la personne humaine, comme le droit au respect de la vie privée, à une tenue vestimentaire adéquate, à la participation à la vie culturelle et au fait de vivre dans la dignité. Les personnes pauvres sont souvent marginalisées et exclues. Le fait de vivre en situation de pauvreté tend à amoindrir l’estime personnelle de ces personnes, à les empêcher de paraître en public sans honte et de participer activement à la vie culturelle et sociale.

Une banque qui ne prête qu’aux pauvres

En 2006, le prix Nobel de la paix a été accordé conjointement à Muhammad Yunus et à la banque Grameen pour leurs efforts visant à « promouvoir le développement économique et social depuis la base ».
La banque Grameen a été fondée par Yunus au Bangladesh en 1976. Cette institution travaille exclusivement pour les pauvres et la plupart de ses emprunteurs sont des femmes. Elle accorde des microcrédits sur le long terme, sans exiger de garantie. Les objectifs de ce programme sont de fournir des services financiers aux pauvres afin de les aider à vivre une vie plus digne et à assurer l’éducation de leurs enfants. Même les mendiants peuvent obtenir de petits prêts à taux zéro.

Droit à un accès égal à la justice. Les personnes pauvres sont particulièrement vulnérables à la discrimination dans l’application de la justice. Elles sont souvent incapables d’obtenir la protection des tribunaux faute de pouvoir financer leur représentation juridique. Même lorsqu’elles peuvent avoir accès à une aide juridique, les personnes démunies n’ont parfois pas les informations nécessaires et la confiance suffisante pour aller demander justice. Qui plus est, l’expérience montre que ces personnes sont plus souvent que les autres accusées de comportement criminel et ne bénéficient pas sur un pied d’égalité de la présomption d’innocence.

Question :Selon vous, dans votre pays, une personne pauvre et une personne aisée bénéficient-elles d’une égale protection devant la justice ? Si tel n’est pas le cas, comment garantir leur égale protection ?

La pauvreté est une souffrance, une véritable maladie. Elle ronge la personne sur le plan matériel mais aussi moral. Elle dévore la dignité de chacun et le pousse au désespoir.
Une femme en Moldova14

Les libertés et les droits politiques. Conséquence de la discrimination, les personnes pauvres sont souvent dépourvues des informations, des opportunités et des capacités nécessaires à une active participation à la prise de décision politique. Elles sont souvent exclues ou sous représentées dans les instances politiques. La jouissance de leurs droits et libertés politiques est essentielle à la lutte contre leur exclusion sociale, leur marginalisation et leur pauvreté.

Question: Comment les intérêts des personnes pauvres sont-ils représentés dans la prise de décision au sein de votre communauté ?

Le droit de la personne humaine au développement

La Déclaration sur le droit au développement, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1986, était le premier instrument international à faire référence exclusivement au droit au développement. Ce document propose une approche basée sur les droits de l’homme du développement et de l’éradication de la pauvreté. L’expert indépendant des Nations Unies sur le droit au développement, le Dr Arjun Sengupta, a affirmé que l’élimination de la pauvreté est un aspect essentiel de la promotion et de la concrétisation du développement en tant que droit de l’homme, et qu’un meilleur accès à des services comme la santé, l’éducation, le logement et la nutrition devait être assuré aux personnes pauvres pour renforcer leur capacité à s’extraire de la pauvreté.
Le Dr Sengupta explique en outre que l’on peut appréhender le droit au développement (RtD) comme un vecteur de divers autres droits dont le droit à l’alimentation, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au logement et d’autres droits économiques, sociaux et culturels mais aussi civils et politiques, en plus de la croissance économique (economic growth, G). Le droit au développement ne sera réalisé qu’à la condition que tous les droits de l’homme (human rights, HR) s’améliorent, ou bien si l’un d’entre eux s’améliore et qu’aucun autre n’est bafoué. Si quelques droits s’améliorent tandis qu’un autre se détériore, il sera impossible de revendiquer le moindre progrès du droit au développement16

Le droit au développement

1. Le droit au développement est un droit inaliénable de l’homme en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de bénéficier de ce développement.
Article 1 de la Déclaration sur le droit au développement15

Pauvreté et Objectifs du millénaire pour le développement

Pour suivre les progrès réalisés relativement aux OMD, voir http://www.un.org/millenniumgoals/

En septembre 2000, les dirigeants du monde ont adopté la Déclaration du millénaire des Nations Unies, qui engage leurs nations dans un partenariat global pour éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2015 et énonce une série d’objectifs, connus sous le nom d’Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le premier de ces objectifs est axé spécifiquement sur l’élimination de la pauvreté, mais les sept autres sont également étroitement liés à la pauvreté et à sa réduction. Ces objectifs sont les suivants :

  • Objectif 1 : Éliminer l’extrême pauvreté et la faim
  • Objectif 2 : Assurer l’éducation primaire pour tous
  • Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes
  • Objectif 4 : Réduire la mortalité infantile et post-infantile
  • Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle
  • Objectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies
  • Objectif 7 : Préserver l’environnement
  • Objectif 8 : Mettre en place un partenariat pour le développement

Share The World´s Resources est une ONG qui milite pour une gestion durable des ressources naturelles, comme le pétrole et l’eau, dans l’intérêt de la population mondiale et pour que les biens et services essentiels, comme la nourriture, un logement adéquat et les soins de santé, soient accessibles à tous.
Pour plus d’informations : www.stwr.org

Des experts des droits de l’homme et du développement ont avancé que, pour réaliser les OMD, il est indispensable que les gouvernements intègrent les principes des droits de l’homme (comme la non-discrimination, la participation, la responsabilité et la transparence) dans leurs stratégies nationales de développement. Un sommet a été organisé en 2010 pour faire un point sur les progrès réalisés concernant les OMD. Le document adopté à l’issue de ce sommet par l’Assemblée générale réaffirmait que « l’adhésion à nos valeurs fondamentales communes, notamment la liberté, l’égalité, la solidarité, la tolérance, le respect de tous les droits de l’homme, la préservation de la nature et le partage des responsabilités, est une condition primordiale de la réalisation des Objectifs du millénaire »17

Les jeunes et la pauvreté

Les données provenant de nombreux pays continuent de montrer que les jeunes qui grandissent dans la pauvreté sont généralement plus vulnérables. Ils sont plus susceptibles d’être en mauvaise santé, d’avoir des problèmes d’apprentissage et de comportement, de mauvais résultats à l’école, des grossesses précoces pour les filles, des capacités et des aspirations moins élevées, mais aussi d’être moins bien payés, sans-emploi et dépendants des allocations. La pauvreté contribue directement au déni d’autres droits de la personne humaine ; elle peut priver du droit à l’éducation, du droit d’association, du droit au repos et aux loisirs, du droit de participer à la communauté et de bénéficier d’autres droits civils et politiques.

Selon Eurostat – la base de données statistiques de l’UE –, en 2010, plus de 20 % des enfants et des jeunes de moins de 24 ans étaient exposés au risque de pauvreté dans l’UE. Cela signifie qu’un jeune sur cinq vit dans un foyer dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian national.18

En 2010, le Forum européen de la jeunesse – dans son document d’orientation sur les jeunes et la pauvreté – identifiait la transition difficile vers la vie d’adulte autonome comme l’une des causes majeures de la pauvreté des jeunes en Europe. Le document souligne également que les jeunes qui quittent le domicile de leurs parents sont plus susceptibles de devenir pauvres19. Ceux qui vivent avec leur propre famille ou les couples sans enfants sont moins exposés à la pauvreté que les jeunes qui vivent seuls ou les jeunes parents isolés. Dans une enquête Eurobaromètre conduite auprès des 15-30 ans20,la majorité des personnes interrogées évoquait des raisons financières pour expliquer que les jeunes adultes restent plus longtemps chez leurs parents qu’autrefois.

ENTER! – L’accès aux droits sociaux pour tous les jeunes

Le secteur de la jeunesse du Conseil de l’Europe a lancé le projet Enter! en 2009. Le projet englobait un stage de formation de longue durée qui devait apporter à 33 travailleurs et responsables de jeunesse les compétences nécessaires pour aider les jeunes des quartiers défavorisés à accéder à leurs droits sociaux. Les stagiaires ont par ailleurs conçu des projets spécifiques destinés aux jeunes au sein de leur propre communauté, et notamment des projets pour le renforcement des capacités et la lutte contre la discrimination dans les écoles, mais aussi des initiatives pour briser les ghettos et combattre la violence.
Pour plus d’informations, voir www.coe.int/enter

Question: Que pouvez-vous faire personnellement pour réduire la pauvreté au sein de votre communauté ?

Les actions du Conseil de l’Europe pour réduire la pauvreté

Le suivi de la Charte sociale européenne est assuré par le Comité européen des droits sociaux

Le Conseil de l’Europe lutte contre la pauvreté en renforçant la cohésion sociale et en combattant l’exclusion sociale, notamment grâce à la prévention. La Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit des droits civils et politiques, est complétée par la Charte sociale européenne adoptée en 1961 et révisée en 1996, qui garantit des droits économiques et sociaux. Conformément à l’article 30, « Toute personne a droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».

Violation du droit au logement

En 2006, la Fédération européenne des Associations nationales travaillant avec les sans-abri (FEANTSA) a déposé plainte contre la France (réclamation collective n° 39/2006), au motif que la France n’avait pas respecté le droit au logement pour tous, en particulier les plus vulnérables. Le Comité européen des droits sociaux a notamment conclu à la violation par la France du droit au logement consacré par l’article 31 de la Charte sociale européenne révisée.
Le Comité a fondé sa décision21 sur six points, y compris « l’application non satisfaisante ou le progrès insuffisant quant à la mise en oeuvre de mesures existantes concernant : l’habitat indigne ; la prévention des exclusions ; la réduction du nombre de personnes sans-abri ; l’offre de logements sociaux accessibles aux populations modestes ; le système d’attribution des logements sociaux ; et la discrimination à l’encontre des Gens du voyage »22

On me demande souvent quelle est la plus grave forme de violation des droits de l’homme dans le monde aujourd’hui. À cette question, ma réponse est systématiquement : l’extrême pauvreté.
Mary Robinson, ancien Haut-Commissaire aux droits de l’homme

Comme l’esclavage ou l’apartheid, la pauvreté n’est pas un état naturel. Ce sont les hommes qui créent la pauvreté et ce sont des hommes qui la vaincront.
Nelson Mandela

En 2011, dans son rapport à l’Assemblée parlementaire, le rapporteur Luca Volontè a indiqué que la pauvreté et l’exclusion sociale s’étaient récemment accrues dans les pays membres du Conseil de l’Europe, faisant peser une menace sur le plein exercice des droits fondamentaux d’un nombre croissant d’individus et sur la cohésion sociale des sociétés européennes. Il a rappelé que la pauvreté ne pouvait être éradiquée qu’à la seule condition de l’autonomisation des plus démunis.23 Sur la base de ce rapport, l’Assemblée a produit une résolution invitant les Etats membres à « faire entendre la voix des personnes vivant dans la pauvreté : envisager de mettre en place de nouvelles formes de gouvernance et de participation pour associer les personnes et les communautés touchées par la pauvreté, renforcer leurs capacités et favoriser l’inclusion sociale de tous... ».24 L'Agenda 202025, document clé du Conseil de l’Europe sur la politique de jeunesse, souligne l’importance de l’accès à l’éducation et au travail, à des conditions de vie décentes, à des activités culturelles, sportives et créatives, ainsi que du dialogue intergénérationnel et de la solidarité comme principaux vecteurs de l’inclusion sociale.

Notes

1Comparaison basée sur des données de Forbes.com de la Banque mondiale data.worldbank.org
2  La pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, E/C.12/2001/10., 2001 www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/%28Symbol%29/E.C.12.2001.10.En
3 Ce montant, calculé sur la base de la « parité de pouvoir d’achat », permet de déterminer la quantité de devises nationales nécessaires pour se procurer un « panier » de biens et services équivalent à un panier de 1,25 $ aux Etats-Unis.
4 Voir Reddy Sanjay G. & Pogge Thomas W., 2005, How Not to Count the Poor, Université de Colombie, version 6.2.3. 29 octobre.
5 Sur la base de la définition de la pauvreté proposée par la Commission européenne dans son Rapport conjoint sur l’inclusion sociale 2004.
6 Sethi Dinesh et al., European Report on Child Injury Prevention, 2009, www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0003/83757/E92049.pdf 
7 Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, Principles and Guidelines for a Human Rights Approach to Poverty Reduction Strategies (Projet de principes directeurs : une approche des stratégies de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme), HR/PUB/06/12.
8 Narayan Deepa et al., Crying Out for Change, Voices of the Poor Volume II, 2000, World Bank, p 34; http://siteresources.worldbank.org/INTPOVERTY/Resources/335642-1124115102975/1555199-1124115201387/cry.pdf  
9 Knight Lindsay (éd.), Rapport sur les catastrophes dans le monde, 2011, Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, www.ifrc.org/PageFiles/89755/Photos/307000-WDR-2011-FINAL-email-1.pdf
10Sur la base des données d’Eurostat.
11 Huth Gergely, Pintér Sándor: Nem ismerek tabutémát, Magyar Hírlap Online, 27 juillet 2010 (en hongrois) www.magyarhirlap.hu/interju/pinter_sandor_nem_ismerek_tabutemat.html
12 Crying Out for Change, voir ci-dessus, p 236
13 Crying Out for Change, voir ci-dessus, p 152
14 Can Anyone Hear Us?, voir ci-dessus, p 6
15 www.un.org/documents/ga/res/41/a41r128.htm
16 Sengupta Arjun, The Right to Development, rapport de l’expert des Nations Unies sur le droit au développement www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/78e0cb0e6e6ea624c1256961004f7a98/$FILE/G0015327.pdf
17 Tenir les promesses : unis pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, 2010, Résolution adoptée par l’Assemblée
générale ; http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp ?symbol=A/RES/65/1&Lang=F
18 Eurostat http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/income_social_inclusion_living_conditions/data/main_tables
19 Policy Paper on Young People and Poverty, Forum européen de la jeunesse, 2010;
www.endpoverty.eu/IMG/pdf/eyf-young-people-poverty-en.pdf
20 Survey among young people aged between 15-30 in the European Union – Summary, Flash EB No 202, 2007, http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_202_sum_en.pdf
21 Résolution CM/ResChS(2008)8 du Comité des Ministres, https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/ResChS%282008%298&Language=lanEnglish&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383
22 Droit au logement : décision phare du Conseil de l’Europe, communiqué de presse, 5 juin 2008, FEANTSA,  www.feantsa.org/files/housing_rights/Instruments_and_mechanisms_relating_to_the_right_to_housing/Collective%20complaints/2008June_PR_FEANTSAvsFrance.pdf
23 Volontè Luca, Combattre la pauvreté, Doc. 12555 ; http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp ?FileID=12863&Language=FR
24 Combattre la pauvreté, Résolution 1800 (2011) de l’Assemblée parlementaire
http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta11/ERES1800.htm http://assembly.coe.int/Main.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta11/ERES1800.htm - P7_33
25 L’avenir de la politique de jeunesse du Conseil de l’Europe : Agenda 2020, Déclaration de la 8e Conférence du Conseil de l’Europe des
ministres responsables de la Jeunesse, 2008 ; www.coe.int/t/dg4/youth/Source/IG_Coop/Min_Conferences/2008_Kyiv_CEMRY_Declaration_fr.pdf