Migrants et intégration
Le nombre croissant de migrants arrivant en Europe représente à tous les niveaux de gouvernance un défi majeur qui nécessite des mesures adaptées et efficaces dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Les collectivités territoriales étant les autorités les plus proches de la population, elles sont le premier point de contact dans les situations d’urgence et elles ont le devoir de fournir aux migrants nouvellement arrivés un accès aux services publics clés (logement, soins, éducation), sans discrimination.
Le Congrès a publié en 2019 le « Manuel sur les droits de l’homme pour les élus locaux et régionaux ». L'un de ses trois chapitres vise à lutter contre la discrimination à l'égard des réfugiés, des demandeurs d'asile, des migrants et des personnes déplacées en interne (PDI). Les exemples présentés comprennent des actions menées par diverses autorités, conseils et organisations locales et régionales. Quelques éléments abordés dans le Manuel sont présentés ci-après. Pour consulter l'intégralité des travaux, téléchargez le Manuel au format PDF.
Définitions (p.26-30)
Le droit de demander asile, c’est-à-dire le droit d’être protégé contre la persécution, est un principe ancien, aujourd’hui consacré par les principales conventions sur les droits de l’homme. Les termes « réfugiés », « demandeurs d’asile », « migrants » et « PDI » sont souvent utilisés de façon interchangeable. Si toutes ces personnes ont en commun d’avoir quitté leur pays de résidence habituel, chacune des quatre catégories juridiques renvoie toutefois à un statut différent et aux droits correspondants, qu’il est fondamental de comprendre avant d’élaborer des politiques.
- Un réfugié : une personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.
- Les demandeurs d’asile : des personnes qui ont demandé à obtenir une protection en tant que réfugiés dans un certain État mais dont le statut n’a pas encore été défini.
- Un migrant : une personne qui a quitté son lieu de résidence habituel et qui se déplace ou s’est déplacée d’un pays à l’autre ou à l’intérieur d’un État, quel que soit son statut juridique, que le déplacement soit volontaire ou non et quelles qu’en soient les causes, et indépendamment de la durée de son séjour.
- Personnes déplacées en interne : Aux termes des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, les PDI sont des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints de fuir ou de quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État.
Quels sont leurs droits ? (p.31-33)
Tous les étrangers - quel que soit leur statut - obtiennent le même ensemble de droits de l'homme fondamentaux que tous les citoyens du pays.
Ils ont des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
- le droit à la vie
- la protection contre la torture
- les traitements inhumains ou dégradants
- l’interdiction de l'esclavage et du travail forcé
- la liberté d'expression et de réunion
- le droit de demander l'asile ou le respect de la vie privée et familiale.
Ils ont également des droits sociaux et économiques liés à la vie et à la dignité :
- le droit à un logement et à un abri suffisants
- le droit à la santé, à l'assistance sociale et médicale
- le droit à une protection sociale
- le droit à l'éducation primaire et secondaire
- les droits en matière d'emploi
En plus de ces droits, les réfugiés et les demandeurs d'asile ont droit à une protection supplémentaire :
- de droit à un asile sûr
- les mêmes droits et assistance de base que tout autre étranger en situation régulière.
Tandis que les réfugiés sont formellement protégés par le droit international lorsqu’ils s’enfuient dans un autre pays pour y trouver la sécurité, les PDI ne jouissent pas d’une telle protection du fait qu’elles n’ont pas de statut juridique clairement défini. Faute d’un tel statut, elles dépendent des autorités de leur pays. Les PDI jouissent de leurs droits en tant que citoyens de leur pays mais surtout en tant qu'êtres humains, y compris le :
- le droit de chercher la sécurité dans une autre partie de leur pays, de quitter leur pays ou de demander l'asile dans un autre pays.
- le droit d'être reconnu partout comme une personne devant la loi
- le droit aux soins de santé, à l'éducation, à l'emploi, à la sécurité et à la liberté de mouvement
- le droit d'être protégé contre le retour forcé ou la réinstallation dans tout endroit où sa vie, sa sécurité, sa liberté et/ou sa santé seraient en danger.
Défis à relever dans la pratique (p.34-35)
La première question qui vient à l’esprit est indéniablement celle de l’intégration effective dans la vie de la collectivité locale. Il n’est jamais facile d’assurer la cohésion sociale : bien souvent, les nouveaux arrivants ne parlent pas la langue locale, ne sont pas au fait de la culture ou des coutumes locales, ne participent pas à la vie politique ou ne comprennent pas les procédures nationales. Cela étant, un afflux de nouvelles personnes peut être difficile à vivre pour les habitants et source de malentendus et de préjugés.
Par ailleurs, les collectivités locales et régionales doivent, le plus tôt possible, fournir aux nouveaux venus un logement adéquat et leur assurer l’accès à un emploi rémunéré.
Elles doivent veiller spécialement à la protection des droits des personnes vulnérables, notamment les femmes, les personnes handicapées et les mineurs non accompagnés, et assurer l’accès à l’éducation.
De plus, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants sont particulièrement exposés à la discrimination, aux discours de haine ou aux actes de violence. Il est normal que les nouveaux arrivants suscitent une gêne ou un certain flottement parmi la population résidente ; il faut alors prendre des mesures politiques pour prévenir la violence, promouvoir la compréhension interculturelle et assurer la cohésion sociale.
Mesures (p.36-72)
Faciliter l’intégration dans votre collectivité: L’intégration est un processus en plusieurs étapes. Comprendre la langue, la culture ou l’administration locales mais aussi faciliter les rencontres et les échanges directs entre les nouveaux arrivants et la population résidente, mettre en place des moyens permettant à ces nouveaux arrivants de participer à la vie de la collectivité ou simplement les aider à accomplir leurs tâches quotidiennes dans leur nouvel environnement sont autant de mesures essentielles pour pouvoir réussir le vivre ensemble. La présente partie rassemble plusieurs initiatives stimulantes qui contribuent ou ont contribué à une meilleure intégration des nouveaux arrivants aux échelons local et régional, et qui recoupent bien souvent différents secteurs et domaines.
Fournir un logement adequat : Il est essentiel que les nouveaux arrivants disposent d’un logement adéquat pour pouvoir se sentir chez eux et s’intégrer dans la société qui les accueille. Cela étant, fournir des logements aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux migrants peut susciter de nombreuses controverses dans les quartiers concernés et un certain flottement parmi les habitants. Comme l’afflux de nouveaux arrivants s’accompagne dans bien des cas de ressources limitées, les villes peuvent avoir du mal à trouver des solutions de logement permanentes et elles doivent souvent faire preuve d’innovation. Fournir des solutions de logement décentes correspond non seulement à un droit humain fondamental mais c’est également essentiel pour prévenir des conflits et favoriser l’intégration dans la société d’accueil.
Renforcer l’intégration économique et sur le marché du travail: L’entrée sur le marché du travail est la clé d’une intégration réussie à long terme car elle donne aux réfugiés un but dans la société qui les accueille. Avoir un emploi permet aux réfugiés de jouer un rôle dans la collectivité qui les accueille, de se bâtir un réseau social et de parvenir à une indépendance financière. Ne pas maîtriser la langue locale et ne pas pouvoir présenter d’attestation de diplômes ne sont que quelques-uns des obstacles que les nouveaux arrivants rencontrent habituellement. Le présent chapitre passe en revue diverses initiatives qui ont permis d’améliorer l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile dans l’économie locale.
Améliorer l’accès a l’éducation: L’intégration dans une nouvelle société commence par une éducation de qualité, laquelle est l’un des atouts les plus précieux dont les réfugiés disposent pour leur autonomisation. L’accès à l’éducation permet aux réfugiés d’apprendre la langue, la culture et les traditions des collectivités qui les accueillent ainsi que de nouvelles connaissances et compétences, et donc de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, et de jouer un rôle précieux dans leur nouveau groupe social. Prendre des mesures visant à faciliter l’accès à l’éducation, par exemple grâce à des opérations « écoles et universités ouvertes » ou à la mise en place de structures temporaires offrant des cours de langue accélérés, constitue une étape essentielle pour une intégration réussie.
Recommendations (p.79-81)
Le Congrès propose une série de recommandations visant à :
- Faciliter l’intégration dans votre collectivité
- Fournir un logement adéquat
- Renforcer l’intégration économique et sur le marché du travail
- Protéger les populations vulnérables (femmes, mineurs non accompagnés)
- Améliorer l’accès à l’éducation
- Lutter contre les discours de haine et les actes d’extrémisme violent
Conventions
- Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local
Déclarations
- L’accueil des réfugiés en Europe
Textes du Congrès
- Accueil des femmes et des enfants refugies dans les villes et regions d'Europe
- Le rôle des pouvoirs locaux et régionaux dans la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
- Les régions frontalières face au phénomène migratoire
- Le droit de vote au niveau local, élément de l’intégration durable des migrants et des personnes déplacées dans les communes et régions d’Europe
- Enfants réfugiés non accompagnés : rôle et responsabilités des collectivités locales
- Les langues régionales et minoritaires en Europe aujourd’hui
- De l’accueil à l’intégration : le rôle des collectivités locales face aux migrations
- L’accès des migrants au marché du travail régional
- L’intégration par l’exercice d’une activité indépendante : promouvoir l’entrepreneuriat des migrants dans les municipalités européennes
Other texts
- Protection des migrants et des demandeurs d'asile : principales obligations juridiques des États dans le cadre des conventions du Conseil de l'Europe
- La crise européenne des migrants, un problème global, un problème territorial
- Débat sur la migration : les défis persistants pour les villes et régions, pendant la 41e session du Congrès
- Dusica Davidovic, membre du Congrès : « Les collectivités locales et régionales peuvent vraiment faire la différence dans la vie des jeunes migrants »
- Femmes et enfants réfugiés : le Congrès du Conseil de l’Europe appelle à plus de coordination pour un accueil respectueux des droits de l’homme dans les villes et régions
- Appel d'offres pour des services de conseil en République de Moldova
Conseil de l’Europe- Programme des Cites interculturelles
Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA)
Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)
Initiative Villes solidaires, réseau Eurocities
Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco)
Maren LAMBRECHT-FEIGL
Secrétaire
E-mail
Tel: 33 3 90 21 47 78