Au cours de la visite, la délégation du CPT a examiné le traitement des personnes privées de liberté par divers services de police, dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine (FBiH) en particulier, et l'effectivité des enquêtes sur les allégations de mauvais traitements policiers. La délégation a également examiné le traitement des personnes placées en détention provisoire dans quatre établissements pénitentiaires relevant des ministères de la Justice de la FBiH et de l'Etat.
Comme lors de sa précédente visite en 2019, le CPT a une nouvelle fois reçu de nombreuses allégations de mauvais traitements physiques infligés par des policiers, notamment de la police cantonale de Sarajevo, à des personnes détenues. Il s'agissait principalement de gifles, de coups de poing, de pied et de matraque et de crosse d'armes de service infligés par des policiers à des personnes soupçonnées d'infractions pénales, soit au moment de leur arrestation, soit au cours de leur interrogatoire. Le rapport décrit plusieurs cas individuels spécifiques étayés par des éléments de preuves médicales.
Le CPT considère que les mauvais traitements infligés par les policiers demeurent un problème grave qui exige des mesures fermes de la part des autorités de Bosnie-Herzégovine, notamment une déclaration officielle au plus haut niveau politique affichant une politique de tolérance zéro à l'égard des violences policières, des formations ciblées portant sur la manière professionnelle d’effectuer les auditions des personnes soupçonnées d’une infraction et l'instauration de l’enregistrement audiovisuel de chaque audition réalisée par la police. Le rapport conclut que l'incapacité des autorités de Bosnie-Herzégovine à répondre à des préoccupations aussi graves et persistantes pourrait conduire le Comité à envisager l'ouverture de la procédure prévue à l'article 10, paragraphe 2, de sa Convention[1].
Une évaluation détaillée des enquêtes judiciaires et administratives menées sur les allégations de mauvais traitements a révélé que, dans de nombreux cas, celles-ci ne peuvent être considérées comme étant effectives, notamment en raison de leur manque de célérité et d’exhaustivité. En particulier, le CPT a constaté un manque de proactivité de la part des procureurs s’agissant de mesures spéciales à prendre en matière d’enquêtes ainsi qu’une approche formaliste dans leur communication et leur coopération avec la police. Le Comité recommande au Conseil supérieur des juges et des procureurs de prendre des mesures contraignantes concernant la méthodologie des enquêtes menées en matière d’allégations de mauvais traitements policiers.
En ce qui concerne les garanties juridiques contre les mauvais traitements, des mesures doivent être prises pour garantir le droit d'accès à un avocat dès le début de la privation de liberté et pour veiller à ce que les examens médicaux des personnes privées de liberté réalisés en milieu hospitalier soient toujours effectués hors de l'écoute des policiers.
Le CPT a recueilli de nombreuses allégations de recours excessif à la force (coups de poing et gifles) et de violences verbales à l’encontre de personnes placées en détention provisoire dans les prisons de Sarajevo et de Zenica ainsi qu’à la prison d’Etat de Bosnie-Herzégovine et formule des recommandations spécifiques en vue de prévenir de tels incidents.
Le Comité demeure critique envers le fait qu'à l'exception de la prison d'Etat, dans les autres prisons visitées (Mostar, Sarajevo et Zenica), les personnes placées en détention provisoire continuent d'être enfermées dans leur cellule plus de 22 heures par jour pendant des mois sans qu'aucune activité motivante ne leur soit proposée. En outre, une approche spécifique au genre devrait être introduite pour les femmes placées en détention provisoire afin de compenser les longues périodes d'isolement de fait auxquelles elles sont confrontées.
En ce qui concerne les soins de santé offerts aux personnes placées en détention provisoire, le rapport conclut que peu de progrès ont été réalisés depuis les visites antérieures du Comité. Le Comité estime que les ministères de la Justice et de la Santé de la FBiH doivent collaborer pour veiller à ce que chaque détenu nouvellement admis en prison fasse l’objet d’un examen médical rapide et approfondi, y compris un dépistage des maladies transmissibles.
Dans leur réponse, les autorités de Bosnie-Herzégovine fournissent des informations sur les mesures prises en réponse aux recommandations du CPT.
Lire le rapport (en anglais, en langue bosniaque)
Lire le résumé du rapport (en anglais, en langue bosniaque)
Lire la réponse gouvernementale (en anglais, en langue bosniaque)
Le CPT et la Bosnie-Herzégovine
[1]. L'article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants se lit comme suit : "Si la Partie ne coopère pas ou refuse d'améliorer la situation à la lumière des recommandations du Comité, celui-ci peut décider, à la majorité des deux tiers de ses membres, après que la Partie a eu la possibilité de s’expliquer, de faire une déclaration publique à ce sujet".