L'objectif principal de la visite était d'examiner le traitement et les conditions de détention des personnes dans les prisons centrales de Nicosie et des personnes retenues en vertu de la législation sur l'immigration, notamment au centre de rétention de Menoyia et au Centre de premier accueil « Pournara ». La délégation effectuant la visite a également examiné le traitement des personnes privées de liberté par la police.
La situation des personnes détenues dans la prison s'est considérablement détériorée depuis la précédente visite du CPT en 2017. Une surpopulation croissante a conduit à de mauvaises conditions de détention et à des niveaux accrus de violence entre détenus. Le manque de personnel pénitentiaire opérant au première plan n'a fait qu'aggraver la situation. La surpopulation est due à un certain nombre de facteurs, notamment à l’incarcération d'un nombre important de personnes condamnées à de courtes peines de prison et d'un nombre élevé de personnes prévenues. Le rapport recommande un réexamen d’urgence des motifs d'emprisonnement de ces groupes ainsi qu’un recours à bien d’autres alternatives à la détention afin de désengorger le système pénitentiaire.
La grande majorité des personnes détenues ne se sont pas plaintes auprès de la délégation d’avoir été mal traitées par le personnel. Cependant, un certain nombre d'allégations ont été recueillies selon lesquelles le personnel aurait giflé des détenus en guise de punition informelle pour avoir tardé à regagner leur cellule. En outre, plusieurs allégations ont été recueillies faisant état de violences verbales, y compris racistes, de la part du personnel à l’encontre des ressortissants étrangers. Il y avait également eu plusieurs cas graves de violence entre détenus, notamment le meurtre d'un détenu en octobre 2022. En conséquence, de nombreux détenus craignaient pour leur propre sécurité. Le CPT a constaté que les mesures prises par les prisons pour s'acquitter efficacement de leur obligation consistant à assurer la sécurité des détenus – et du personnel – et de réduire la violence entre détenus étaient insuffisantes. En outre, le manque de personnel pénitentiaire opérant au premier plan a créé un terrain propice au développement de hiérarchies informelles entre détenus, permettant à certains d'entre eux de garder le contrôle et de dominer d'autres détenus. Le CPT a recommandé de recruter et de former rapidement davantage de personnel pénitentiaire opérant au premier plan et de mettre davantage l'accent sur une approche dynamique de la sécurité comprenant une interaction accrue entre le personnel et les détenus.
Le CPT a constaté qu'un grand nombre de détenus dormait sur des matelas à même le sol, sous les lits superposés, sous les tables, partout où il y avait de la place dans les cellules. Les détenus n’avaient pas non plus un accès immédiat aux toilettes la nuit, en raison du manque de personnel disponible pour les laisser sortir de leur cellule pour aller aux toilettes, ce qui les conduisait à uriner dans des bouteilles. Les détenus n'avaient d’ailleurs rien d’intéressant à faire pour structurer leur journée. De l’avis du CPT, les conditions matérielles épouvantables associées à l'absence d’activités ne peuvent être qualifiées autrement : cela s’apparente à un traitement inhumain et dégradant. Une action concertée s’impose de toute urgence pour résoudre ces problèmes.
Le CPT a constaté qu’à Chypre les commissariats de police détenaient des personnes sur la base de décisions administratives en vertu de la législation sur l’immigration, des personnes soupçonnées d'infractions pénales et même des personnes condamnées. La durée des séjours dans les commissariats variait entre quelques jours et plusieurs mois. Le rapport rappelle que les personnes ne devraient pas rester en garde à vue pendant des périodes prolongées. La majorité des personnes avec lesquelles la délégation du CPT s'est entretenue ont déclaré avoir été traitées correctement par la police. Bien que la délégation n'ait recueilli aucune allégation de mauvais traitements physiques infligés par des policiers lors de la garde à vue dans les commissariats de police, elle a cependant entendu quelques allégations concernant le moment de l'arrestation et des interrogatoires menés par les enquêteurs de police. Le CPT souligne qu’il est indispensable de renforcer une politique de « tolérance zéro » en matière de mauvais traitements.
Au centre de rétention pour migrants de Menoyia, aucune allégation de mauvais traitements physiques de la part du personnel n'a été recueillie. Toutefois, les conditions de vie générales demeuraient trop carcérales par rapport à la nature du centre. Les personnes retenues ne bénéficiaient d’aucune activité pouvant structurer leurs journées et n'avaient accès à l'air libre qu'une heure et demie par jour.
Le Centre de premier accueil « Pournara » hébergeait plus de 1 000 ressortissants étrangers au moment de la visite de la délégation du CPT, dont beaucoup attendaient plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant d'être autorisés à quitter le centre. Les ressortissants étrangers étaient hébergés dans des conditions terriblement surpeuplées, dans des conteneurs préfabriqués en plastique, des abris ou des tentes en plastique. La plupart des hébergements étaient délabrés, les portes cassées et le sol en terre, mal aérés, avec des moisissures et de l’humidité. Les personnes placées dans les conteneurs, y compris les enfants, étaient souvent obligées de partager des lits et des draps sales. Dans la zone où se trouvaient les tentes, il n'y avait ni électricité ni eau chaude. Les personnes devaient dormir serrées les unes contre les autres sur des matelas usés ou sur des draps posés à même le sol. Les toilettes et les douches étaient délabrées, ce qui provoquait des fuites d'eau tout autour, y compris à l'extérieur, créant des flaques d’eau stagnante. Certains résidents refusaient d'utiliser les toilettes et les douches sales et préféraient utiliser les espaces communs extérieurs pour faire leurs besoins, ce qui entraînait des amoncellements d'excréments et des ruissellements d'urine. De l'avis du CPT, de telles conditions de vie s'apparentent bel et bien à des traitements inhumains et dégradants et l’ont conduit à formuler des recommandations afin que ces problèmes soient résolus de toute urgence.
Dans son rapport, le CPT appelle les autorités chypriotes à prendre des mesures immédiates pour offrir des conditions de vie décentes, en particulier aux enfants non accompagnés et séparés de leur famille, ainsi qu'aux catégories de personnes vulnérables telles que les mères célibataires avec des enfants en bas âge, les personnes âgées et malades ainsi que les personnes ayant survécu à des violences sexuelles et sexistes. Le CPT se félicite des informations fournies par les autorités chypriotes dans leur réponse au sujet des projets de rénovation de certaines parties du centre « Pournara », ainsi que des mesures prises par les autorités chypriotes à la suite de la visite du CPT pour faire sortir un certain nombre de personnes vulnérables du centre « Pournara ». Néanmoins, le Comité reste très préoccupé par le fait que de nombreux groupes vulnérables se trouvent toujours au centre « Pournara ».
Dans leur réponse, les autorités chypriotes fournissent des informations concernant les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées par le CPT dans le rapport relativement au système pénitentiaire, à la garde à vue et aux centres de rétention visités.
Le rapport du CPT et la réponse des autorités ont été rendus publics à la demande du Gouvernement de Chypre.
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- Le CPT et Chypre