Le rapport fait état d’un nombre considérable d’allégations de mauvais traitements infligés à des détenus par du personnel pénitentiaire, notamment par des membres des groupes d’intervention, lesquels opèrent cagoulés, dans quatre des cinq établissements pénitentiaires visités. La situation est particulièrement alarmante à la prison de Galaţi où règne un climat de peur. Le rapport examine en détail plusieurs allégations de mauvais traitements infligés par le personnel, que des indices de nature médicale viennent étayer, et soulève de graves préoccupations quant au fait que les blessures ne soient pas consignées par les services de santé et que l’effectivité des enquêtes sur des allégations de ce type fasse défaut. A la lumière de la gravité de ses constatations, le CPT remet une nouvelle fois en cause la raison d’être et le mode opératoire des groupes cagoulés d’intervention et appelle les autorités roumaines à reconsidérer la nécessité de leur affectation permanente. A la place, un système de premiers intervenants pourrait être instauré, accompagné d’une augmentation des effectifs dans les quartiers à régime de haute sécurité et d’une approche axée sur la sécurité dynamique.
Le rapport présente également plusieurs cas de détenus violemment passés à tabac et abusés sexuellement par d’autres détenus dans leurs cellules, notamment ceux de jeunes hommes détenus à la prison de Bacău. Le CPT exhorte les autorités à mettre en place un processus d’évaluation des risques de partage des cellules pour chaque personne admise en prison avant le placement en cellule d’admission, suivi par l’élaboration et la mise en œuvre d’une évaluation des risques et des besoins individuels. Dans le cadre d’une stratégie de lutte contre la violence entre détenus, le CPT recommande que les autorités investissent davantage de ressources pour recruter du personnel supplémentaire, renforcer son professionnalisme et le former. Une telle approche permettrait également de soutenir les efforts en cours pour offrir des activités motivantes aux détenus afin de préparer leur réinsertion dans la société.
Les constatations faites par le CPT lors de la visite de 2018 montrent que les services de santé des établissements pénitentiaires visités ne prodiguaient pas des soins suffisants. Les conflits d’intérêt parmi le personnel de santé constituent un problème de fond important qui sape la confiance des patients en leurs médecins. Le CPT recommande aux autorités roumaines de garantir une réelle indépendance entre le personnel médical et le personnel pénitentiaire. Le rapport souligne également le défaut de prise en charge psychiatrique qui semblait évident dans tous les établissements pénitentiaires visités et le fait que les détenus présentant des problèmes de santé mentale devaient faire face à des conditions de détention pouvant engendrer la détérioration de leur état de santé mentale et physique.
Plus généralement, le CPT considère comme un élément positif les efforts investis, depuis 2014, dans la réforme du système pénitentiaire roumain, notamment en ce qui concerne le développement d’un service de probation, la baisse d’environ 30 % de la population carcérale ainsi que l’introduction de recours compensatoires pour les détenus purgeant leur peine d’emprisonnement dans des cellules surpeuplées. Les autorités sont encouragées à poursuivre leur programme de réformes afin d’assurer que, d’ici à 2024, les détenus soient incarcérés dans des conditions décentes.
S’agissant des forces de l’ordre, le rapport relève que la plupart des personnes avec lesquelles la délégation du CPT s’est entretenue ont affirmé avoir été traitées correctement par les policiers. Néanmoins, un certain nombre d’allégations de mauvais traitements physiques (dont plusieurs étaient étayées par des indices d’ordre médical) qui auraient été infligés par des policiers sur des personnes privées de liberté a été recueilli. Ces allégations consistaient essentiellement en des gifles, des coups de poings, de pieds et de matraques assénés par des policiers à des personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction pénale soit lors de l’interpellation soit lors des interrogatoires menés au commissariat dans le but principal est d’obtenir des aveux. Le CPT commente également la façon de mener les enquêtes dont font l’objet les allégations de mauvais traitements policiers et recommande que les procureurs respectent scrupuleusement les critères d’effectivité des enquêtes.
Le CPT critique une nouvelle fois la détention pouvant aller jusqu’à deux mois, voire davantage, de personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction pénale et placées en détention provisoire dans les dépôts de police, lieux où ces personnes sont exposées à un risque accru d’actes d’intimidation et de pression. Ces préoccupations sont exacerbées par les mauvaises conditions matérielles, l’inadéquation des soins de santé et la médiocrité du régime de détention pour les personnes privées de liberté dans des dépôts de police. Par conséquent, le CPT exhorte les autorités roumaines à envisager la conversion des dépôts de police en de véritables lieux de détention provisoire ainsi que leur placement sous l’autorité du ministère de la Justice et de l’administration pénitentiaire nationale.
Dans leur réponse au rapport, les autorités roumaines fournissent des informations détaillées concernant la situation dans les établissements pénitentiaires et les établissements de la police, les mesures prises dans le cadre des réformes en cours et le fondement juridique des actions menées. Bon nombre d’initiatives sont proposées, telles que l’augmentation de l’allocation prévue pour payer les repas quotidiens des détenus, le transfert des femmes détenues à la prison de Bacău dans le cadre d’un régime semi-ouvert, fermé ou de haute sécurité vers des quartiers spécialisés pouvant mieux répondre à leurs besoins. De plus, en ce qui concerne les dépôts de police, par exemple, des mesures seront prises pour améliorer la consignation et le signalement des blessures constatées sur les personnes détenues et pour promouvoir le respect du secret médical lors des consultations.
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- Le CPT et la Roumanie